L’éradication du SARS-CoV-2 est impossible…comme pour toutes les zoonoses infectieuses [Tribune]

En dehors de l’hypothèse encore en cours d’investigation d’un accident de laboratoire, il semble que la Covid-19 soit une anthropo-zoonose émergente pour laquelle une éradication n’est pas envisageable. Le Pr Dominique Baudon revient pour nous sur quelques notions souvent oubliées sur ce type de maladies transmissibles, explicite de façon claire les conséquences à court terme de cette constatation sur nos politiques de prévention et évoque quelques pistes de réflexions pour l’avenir.  

Pr Dominique Baudon, Professeur du Val-De-Grâce (le 30 juin 2021)



Concernant la Covid 19, le mot éradication est parfois employé par les médias mais aussi par des scientifiques. Or elle ne peut être réalisée. Nous présentons ci-dessous des définitions utiles pour expliquer et comprendre cette impossibilité.

Définition de l’éradication    

L'éradication est la disparition complète et mondiale d’une maladie ; l’agent responsable de sa transmission (virus, bactéries, parasites, champignons) ne circule plus sur la planète. Plus personne ne peut donc être infecté et les mesures de lutte et de prévention peuvent être stoppées. A ce jour, une seule maladie est déclarée éradiquée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la variole, depuis mai 1980 ; cela explique que la vaccination ne soit plus réalisée. Deux autres maladies virales sont en voie d’éradication, la poliomyélite et la rougeole. Dans ces maladies, l’arme absolue est la vaccination.

La notion de réservoirs d’agents transmissibles (AT), potentiellement pathogène pour l’homme

Le réservoir de l’AT est défini par un écosystème dans lequel il peut survivre et se transmettre. Il y a deux grands types principaux de réservoirs, le réservoir humain et le réservoir animal.

Dans le cas du réservoir humain, l’AT se maintient en circulant entre les individus, le plus souvent porteurs asymptomatiques, parfois développant la maladie ; ainsi, c’est l’homme qui héberge l’AT. Citons par exemple des maladies virales comme la rougeole, la rubéole, la poliomyélite, des maladies bactériennes comme la méningite à méningocoques ou la leptospirose ; il s’agit de maladies dites cosmopolites car pouvant toucher le monde entier.

Dans le cas du réservoir animal, l’agent transmissible est hébergé par des animaux ; il se maintient en circulant entre les animaux, parfois en faisant intervenir un moustique ou d’autres arthropodes. Le plus souvent, la maladie ne s’exprime pas ou peu chez l’animal réservoir grâce à l’efficacité de ses défenses immunitaire. Il peut y avoir une transmission de l’animal à l’homme avec parfois développement d’une maladie ; on parle alors de zoonoses infectieuses.

La chauve-souris est le réservoir naturel de nombreux virus comme par exemple des coronavirus, des souches du virus de la grippe A, du virus Ebola, du virus West Nile, des virus Nipah et Hendra, du virus de Marburg. Les chauves-souris s’échangent le virus entre elles et, par leurs déjections, contaminent l’environnement. Des « hôtes intermédiaires » (singes, antilopes, rongeurs dans le cas du virus Ebola) peuvent être infectés et transmettre le virus à l’Homme.

Dans le cas des coronavirus, différents « hôtes intermédiaires » ont été incriminés. Dans la Covid 19 (Severe Acute Respiratory Syndrome CoronaVirus 2), le pangolin puis le vison ont été suspectés ; dans le cas du SRAS-CoV-1 (syndrome respiratoire aigu sévère), c’est la civette palmiste qui fait le relais entre la chauve-souris et l’Homme ; pour le MERS-CoV (Middle East respiratory syndrome CoronaVirus), c’est le dromadaire (camélidés).

Dans la borréliose de Lyme (maladie de Lyme), répandue en France, le réservoir est constitué par de très nombreux animaux dont des rongeurs et cervidés. Le relais entre l’homme et l’animal se fait par l’intermédiaire d’une tique (Ixodes ricinus) qui demande des biotopes humides et frais (forêts).

Une maladie dont le réservoir est animal avec une possibilité de transmission à l’homme est donc définie comme une « zoonose infectieuse »: elle ne peut être éradiquée, même si l’on dispose de moyens de lutte très efficace pour traiter et/ou protéger les humains.

L’exemple de la fièvre jaune est emblématique. Le réservoir est constitué par le couple « Singe, moustique (un Aedes) » ; le virus amaril circule entre le singe et le moustique dans un écosystème particulier, les forêts intertropicales d’Afrique et d’Amérique.

Or nous disposons d’une arme très efficace pour nous protéger de la fièvre jaune, la vaccination ; c’est probablement la meilleure des vaccinations car elle protège toute la vie avec une seule injection (dans le cas de la fièvre jaune aucun variant n’est apparu). Mais, même si tous les sujets étaient vaccinés et donc protégés, le virus continuerait à circuler dans son réservoir naturel ; au moindre relâchement dans la stratégie de vaccination, la maladie réapparait ; c’est ce que l’on observe en particulier en Afrique intertropicale avec la présence régulière d’épidémies de fièvre jaune dans les zones où il y a un relâchement de la vaccination.

Qu’en est-il de la Covid 19

Nous possédons en particulier avec les vaccins ARN messagers d’une arme très efficace. Malgré ceci, en supposant que « le monde entier » soit vacciné, le virus continuerait à circuler dans son réservoir animal et pourrait donc réémerger en cas de relâchement ou d’inefficacité (variant) de la vaccination.

L’éradication est donc impossible. Par contre la stratégie de vaccination telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui permet de diminuer la circulation du virus à un niveau « acceptable » pour minimiser le nombre de cas de maladies et le nombre de décès et éviter une surcharge des services médicaux et hospitaliers ; c’est la stratégie qui est déjà utilisée dans la grippe saisonnière, en ciblant les personnes à risque (personnes âgées, comorbidités). 

Affronter les zoonoses émergentes

Les zoonoses infectieuses, la Covid 19 en est une, représentent une menace actuelle et pour les prochaines années. Environ 60 % des agents pathogènes affectant l’humain proviennent d’un réservoir animal et les trois quart des maladies infectieuses émergentes sont des zoonoses qui touchent principalement les zones inter tropicales, surtout l’Afrique et le Sud-Est asiatique ; elles peuvent s’exprimer parfois sous forme de pandémie.

L’Homme a modifié sans y prendre garde beaucoup d’écosystèmes, facilitant l’émergence des zoonoses le plus souvent cantonnées à un espace géographique limité. De plus, le développement du trafic aérien international, l’importance des échanges commerciaux et les déplacements de populations sont des éléments expliquant la diffusion des agents transmissibles. Ainsi, la mondialisation est un facteur favorisant les émergences infectieuses. C’est ce qui explique la pandémie actuelle de la Covid 19.

Cette « éradication impossible » des zoonoses infectieuses doit être prise en compte dans les stratégies de lutte. Le concept « Une santé » (One health) souligne la nécessité d’une collaboration entre médecins et vétérinaires, d’une approche unifiée des santés humaines et animales et des politiques environnementales pour contrôler la diffusion des agents infectieux, affronter les zoonoses émergentes. Il s’agit en particulier de mettre en place des systèmes de surveillance épidémiologique permettant de détecter rapidement les premiers cas, de diffuser mondialement les informations et de rechercher les stratégies les plus efficaces à mettre en œuvre (vaccinations, traitement, mesures de prévention).

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Vos réactions (4)

  • A diffuser largement

    Le 02 juillet 2021

    Remarquable tribune à diffuser l’argua manu ; les dernières nouvelles sur le front de la rougeole sont un exemple effrayant de ce que vous nommez « relâchement vaccinal ».

    Dr Jean-Michel Servais

  • Deux précisions

    Le 03 juillet 2021

    Je partage le titre choisi par le Pr Baudon : L’éradication du SARS-CoV-2 est impossible.

    1- Réservoir animal et coronaroviroses non commune :
    Les réservoirs ANIMAUX avaient été rapidement identifiés* pour SARS-CoV-1 (2002) puis MERS-CoV (2012) , ce qui n’est pas le cas pour SARS-CoV-2 depuis 18 mois avec un trop plein de candidats potentiels.
    SARS-CoV-1 (2002) est éteint depuis 2004 sans contrôle du réservoir animal.
    MERS-CoV (2012) est trés très sporadique depuis 2013 sans contrôle du réservoir animal.
    Ce constat peut être un des freins à l’éradication naturelle comme vaccinale de SARS-CoV-2.

    *Zimmermann P, Curtis N. Coronavirus Infections in Children Including COVID-19 : An Overview of the Epidemiology, Clinical Features, Diagnosis, Treatment and Prevention Options in Children. Pediatr Infect Dis J. 2020 March 3 , May;39(5):355‐368 doi:10.1097/INF.0000000000002660

    2- Réservoirs humains : Vrais et Faux éradiqués :

    • Comme indiqué par le Pr D Baudon, la VARIOLE reste la seule affection humaine pour laquelle SEULE la vaccination, et non l’immunité naturelle, a permi l’éradication (1980):

    Spellberg B, Nielsen TB, Casadevall A. Antibodies, Immunity, and COVID-19. JAMA Intern Med. 2021 Apr 1;181(4):460-462. doi: 10.1001/jamainternmed.2020.7986

    • Pour la POLIO (ARN - Fort mutagène), la vaccination a conduit à la quasi (Afghanistan - Pakistan) extinction sur la voie de la variolisation, les vaccinés éliminent ou éliminaient du virus (vivant) sans être malades.

    • Dans les deux cas : Les questions de l'impact vaccinal des VARIANTS, du réservoir animal (absent) ne s'étaient PAS posées.

    • Par contre , les résurgences per-pandémiques de ROUGEOLE (NYC, Italie) , faute de compliance vaccinale, rappellent que l’éradication n’est PAS pour demain et que la vaccino-dépendence reste totale :

    Kuehn BM. Drop in Vaccination Causes Surge in Global Measles Cases, Deaths. JAMA. 2021 Jan19;325(3):213. doi: 10.1001/jama.2020.26586

    Dr JP Bonnet

  • Enfin un brin de vérité, mais c'est de l'écobuage

    Le 03 juillet 2021

    Pour ceux, qui, comme moi, recommandent "One Health ", le vrai, pas le faux déployé par les américains avec des O.N.G , dont les comptes ne sont pas accessible et qui nous ont amené à cela, voir ce texte me fait sourire.

    Dans cette crise qui ne fait que commencer , les épidémiologistes officiels ont été nuls, car leur vocabulaire est inadapté, à ce type d'agent. Quant à la cause de cette crise, le Président américain en prétendant faire produire une texte de synthèse dans 90 jours, nous a menti. Certes, son prédécesseur a abusé du mensonge : ils ont même été comptés. On pouvait espérer du changement, c'est faux. La cause, c'est l'intervention du militaire et ses règles et absence de règles. Vous n'espérez pas que l'accès aux détails des crédits militaires US, lors d'une "guerre", soit accessible de suite, alors les comptes chinois ?

    On commence seulement à parler, en France, de celle d'Algérie, une guerre qui a justifié que les vétérinaires français soient désarmés, pour de très bonnes raisons.

    En vétérinaire, on connait les coronavirus: les bons vaccins sont oraux ou buccaux, donc pas injectables. C'est bizarre, que pour l'homme, cet animal, capable de tout détruire, il faille une seringue ...

    Vu ce que l'on sait de la génomique, les réservoirs potentiels ne sont pas que les chauve souris. L'O.M.S a brillé pour son incompétence, car vouloir abuser du vaccin sur la population mondiale en cours de contamination est un exercice qui, certes, va en enrichir certains, mais va avoir des résultats prévisibles. Certains ont déjà formalisé les gains potentiels...

    La première des choses est de virer les apprentis sorciers, cause de ces malheurs, au lieu de leur donner des honneurs ...
    Pourquoi nous ne saurons probablement jamais si COVID vient du laboratoire de Wuhan :

    https://childrenshealthdefense.org/defender/covid-wuhan-lab-leak-origins-chinese-scientists/

    Recovery of deleted deep sequencing data sheds more light on the early Wuhan SARS-CoV-2 epidemic
    https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.06.18.449051v2.full.pdf

    La gestion des dossiers vitamine D et ivermectine, prouve que la recherche publique est malade, très gravement malade ...

    Dr Bertrand Carlier

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