
Paris, le mercredi 15 mars 2023 – Les dérives sectaires dans le domaine médical concernent 25 % des saisines de la Miviludes.
Jeudi et vendredi dernier se tenaient au Ministère de l’Intérieur à Paris les premières assises nationales de lutte contre les dérives sectaires, présidées par la secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté Sonia Backès (qui fut elle-même membre de l’Eglise de scientologie durant sa jeunesse !). Une conférence à laquelle ont participé représentants de l’Etat, élus locaux, magistrats, médecins et association de victimes. « Ces assises ont donné une forcé considérable et constituent une nouvelle étape : la peur a changé de camp » a lancé triomphalement en clôture Christian Gravel, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), le principal organisme public luttant contre les sectes.
Si diverses mesures concernant les sectes dans leur ensemble ont été mises sur la table (augmentation des effectifs des Miviludes, meilleur accompagnement des victimes, partenariat avec les plateformes numériques, campagne de sensibilisation…), une part importante des débats ont été consacrés aux dérives sectaires en santé et à ce qui est pudiquement qualifié de « pratiques de soins non conventionnelles » (PSNC).
Pas d’attaque frontale contre les médecines alternatives
On sait que l’attrait pour les médecines « alternatives » est croissant ces dernières années, en raison de la crise sanitaire (qui a réduit la confiance d’une partie de la population envers la médecine scientifique) et de la détérioration du système de santé, de nombreux patients en errance thérapeutique se tournant vers des médecins parallèles. « Le système de santé est dans une crise profonde, l’accès aux soins est en crise, certaines personnes renoncent aux soins et cette situation est la porte ouverte aux médecines parallèles » analyse Frédéric Valletoux, ancien président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) qui a participé aux assises. En 2021, 25 % des saisines de la Miviludes concernaient la santé et le bien-être.
En ouverture des assises, Agnès Firmin Le Bodo, ministre des Professionnels de santé, a annoncé la création d’un comité chargé de classifier et d’encadrer les PSNC. « Il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières mais de faire le tri et de poser un cadre, le tri entre ce qui peut être permis et ce qui représente une menace pour la santé publique, tout en reconnaissant certaines pratiques pour leur apport » a prudemment expliqué la ministre, consciente que de nombreux Français sont adeptes de ces médecines « alternatives » (homéopathie, ostéopathie, naturopathie…). Ce comité « permettra aussi à tout à chacun de savoir s’il peut ou non faire confiance à tel praticien » ajoute Sonia Backès.
Vers un délit d’incitation à l’arrêt de traitement
D’autres mesures permettant de lutter contre les dérives sectaires en santé ont été annoncées lors de ces assises. Sonia Backès souhaite notamment interdire les publicités vantant les bienfaits des médecines alternatives contre les maladies les plus graves. Cela pourrait se faire par un amendement à une proposition de loi encadrant le travail des « influenceurs », actuellement débattue au Parlement. Le gouvernement souhaite également donner le pouvoir aux agences régionales de santé (ARS) de prononcer des interdictions d’exercer aux praticiens adeptes de méthodes peu scientifiques.
Enfin, les ministères de la Santé et de la Justice travaillent conjointement à la création d’un délit « d’incitation à l’arrêt d’un traitement pour maladie grave ». Les gourous qui poussent leurs adeptes à interrompre leurs traitements peuvent déjà, dans certains cas, être poursuivis pour homicide involontaire ou mise en danger de la vie d’autrui : en octobre 2021, le naturopathe Miguel Barthéléry a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour le décès de deux de ses adeptes, qui avaient arrêté leur traitement contre le cancer sur ses conseils.
Hasard du calendrier, ces assises nationales de lutte contre les dérives sectaires se sont tenues en même temps que l’arrestation ce vendredi de Thierry Casasnovas, chantre du crudivorisme, une pratique consistant à ne consommer que des aliments crus et dont les effets bénéfiques pour la santé n’ont (bien sûr) jamais été prouvés. Ce gourou très populaire sur les réseaux sociaux, adepte de la désinformation sur la Covid-19 et les vaccins, a été mis en examen pour abus de faiblesse et exercice illégal de la médecine.
Grégoire Griffard