
Seules 4 % des fermetures de blocs expliquées par la Covid
Selon ces données internes de l’AP-HP et qui n’étaient pas destinées à être largement rendues publiques : 17 % des blocs opérations étaient fermés entre le 17 et le 23 janvier, mais seulement 3 % en raison de la réaffectation des personnels dédiés dans les unités Covid et 1 % en raison de l’indisponibilité temporaire des personnels contaminés par SARS-CoV-2. Pour les 13 % restant, c’est la vacance des postes qui empêche le fonctionnement optimal des services.Maladie chronique
Cette situation est très différente des premières heures de l’épidémie où la pression liée aux hospitalisations des patients infectés était la principale raison des déprogrammations et fermetures des salles de chirurgie. Aujourd’hui, l’hôpital renoue avec son affection chronique qui a été amplifiée par les deux années de crise : la désaffection de personnels qui épuisés et souffrant d’une « perte de sens » sont de plus en plus nombreux à raccrocher la blouse.Un tiers des patients contaminés hospitalisés pour une autre raison
Cet éclairage sur la situation des hôpitaux et sur la responsabilité moindre de la Covid est à mettre en parallèle avec la publication pour la première fois par Santé publique France (SPF) de données en open data concernant la distinction entre les patients infectés par SARS-CoV-2 hospitalisés en raison de la Covid et ceux qui le sont pour une autre raison. Aujourd’hui, un tiers des patients déclarés Covid + admis à l’hôpital chaque jour ne le sont pas originellement en raison de la Covid. Cette proportion atteint 54 % chez les jeunes adultes (20/39 ans). En soins critiques, ce sont 16 % des patients qui sont originellement pris en charge pour une autre pathologie (c’est chez les mineurs que le décalage est le plus important).Un décalage qui s’accroît par rapport aux autres vagues épidémiques
Bien sûr, il est important de rappeler que la distinction entre « pour » Covid et « avec » infection par SARS-CoV-2 n’est pas toujours facile à établir. Par ailleurs, les patients infectés mais hospitalisés pour d’autres raisons représentent une charge supplémentaire par rapport aux patients non infectés, en raison de la nécessité notamment d’un isolement. Cependant, notamment parce que l’écart entre les patients admis pour Covid et avec Covid tend à progresser par rapport aux autres vagues épidémiques, ces données signalent elles aussi que peu à peu l’épidémie peut de moins en moins expliquer prioritairement les difficultés de l’hôpital. D’une manière générale, beaucoup de praticiens, qu’ils aient adopté une approche « optimiste » ou au contraire « catastrophiste » de la pandémie, ont tenu à signaler depuis le début de la pandémie les difficultés chroniques de l’hôpital.Les non vaccinés ont bon dos
Ces différents chiffres pourraient également conduire à relativiser la pertinence des propos ciblant les « non vaccinés » comme responsables des difficultés des hôpitaux. S’il est vrai qu’une encore meilleure couverture vaccinale chez les plus âgés et fragiles permettrait de diminuer le nombre de personnes hospitalisées en soins conventionnels et en soins critiques, on mesure bien parallèlement que si certains établissements n’hésitent pas à faire ce type de constat c’est parce que par ailleurs leurs capacités sont restreintes.Enfin, le début de la fin ?
Ce contexte, associé à un pic épidémique qui semble enfin passé (même si le taux de positivité pour sa part ne fléchit pas) et à une diminution des admissions en soins critiques, pourrait-il conduire le gouvernement à revoir sa politique de lutte contre l’épidémie ? Alors qu’une partie de l’Europe fait désormais le choix d’une approche marquée par une nette libéralisation (en dépit d’une circulation encore intense du variant Omicron) le Conseil de défense de demain s’orientera-t-il vers une accélération de la levée des restrictions. On sait en tout cas que l’assouplissement du protocole sanitaire dans les établissements scolaires sera à l’ordre du jour. Si la levée du port du masques en extérieur pour adultes et enfants semble acquise, l’incertitude demeure concernant les protocoles de dépistage et plus encore sur le calendrier.Aurélie Haroche