Les pédiatres attendent que Macron reconnaisse que « Nous sommes en guerre »

Paris, le mercredi 30 novembre 2022 – C’est une phrase dont une grande partie des Français se souvient. « Nous sommes en guerre » avait déclaré Emmanuel Macron le soir du 16 mars 2020 alors que débutait l’épidémie de Covid dans notre pays. La formule avait été beaucoup commentée (parfois ironiquement) : d’aucuns avaient regretté ce rapprochement avec des combats encore plus douloureux. Pour beaucoup de professionnels de santé, si la petite phrase avait parfois pu irriter parce qu’elle semblait méconnaître que la préparation à la guerre avait fait défaut, elle avait cependant été perçue comme la manifestation de l’engagement entier de la nation derrière eux.

Combat de tous les jours dans les services de pédiatrie français


Ce qu’il y a de pire qu’une formule un peu emphatique, c’est l’absence de formule, c’est le silence. Nous sommes toujours en guerre, décrivent les pédiatres hospitaliers. La guerre, c’est quand dans un pays riche et un pays en paix, des enfants sont hospitalisés sur les genoux de leurs parents. La guerre, c’est quand on renvoie chez eux des enfants qui avaient manifestement besoin d’une surveillance médicale constante.

La guerre, c’est quand les services adultes doivent prendre en charge de très jeunes enfants… tout comme au printemps 2020 les services pédiatriques avaient ouvert leurs portes aux adultes malades. Et pourtant, aucun mot sur cette désorganisation, sur cette situation de crise, aucune assurance de la solidarité de la nation.

Silence assourdissant


Ce n’est pas faute d’avoir été alerté : plusieurs centaines de soignants en pédiatrie ont signé en octobre une lettre ouverte au Président de la République dans le Parisien espérant de lui qu’il accepte de reconnaître la responsabilité de l’Etat dans les difficultés actuelles de la pédiatrie. Depuis, des annonces ont été faites quant au déblocage d’enveloppes budgétaires pour les services en crise (ce qui ne concerne pas uniquement la pédiatrie) et sur des revalorisations de primes et de gardes.

Cependant, parallèlement, le ministre de la Santé se montrait très sévère sur les messages de plusieurs praticiens affirmant l’existence de procédures de tri dans les services de pédiatrie. Tant l’insuffisance de ces mesures que ces réactions politiques sont aujourd’hui considérées comme insupportables par les professionnels. Aussi, dans le Monde, ce mercredi, un collectif comptant 10 000 soignants, dont 400 chefs de service et l’ensemble des sociétés savantes de pédiatrie, écrivent au Président de la République.

Dénonçant son « silence assourdissant », ils décrivent : « Tout au long de ce mois, nous avons été confrontés à ce que nous n’osions imaginer : quotidiennement, des enfants hospitalisés sur des brancards ou sur les genoux de leurs parents aux urgences, dans un bureau réaménagé pour l’occasion, des enfants intubés et hospitalisés sans chambre dans le couloir de la réanimation, des prises en charge trop tardives et des soins précaires, des retours prématurés à domicile et des retours en catastrophe d’enfants renvoyés chez eux faute de place, des transferts hors secteur par dizaines en réanimation, mais aussi en hospitalisation classique. Nous pensions que transférer des enfants à 300 kilomètres de chez eux était une dégradation majeure des soins, nous constatons désormais qu’il pouvait y avoir pire : ne plus pouvoir transférer car l’épidémie a déferlé partout, saturant l’ensemble des services de pédiatrie français. Nous culpabilisions d’envoyer des adolescents au sein de services adultes, ce sont désormais des enfants âgés de 3 ans que nous envoyons. Et encore, toujours, les annulations de soins, les reports de chirurgie comme unique réponse de nos tutelles à l’urgence, au détriment des enfants porteurs de handicap, de maladie chronique et pédo-psychiatriques, soupape désormais permanente de l’hôpital, éternelle variable d’ajustement ».

Prévention


C’est dans ce contexte que le ministre de la Santé a annoncé l’installation le 7 décembre prochain d’un comité destiné à préparer les assises de la pédiatrie qui doivent se dérouler au printemps. Ce comité d'orientation sera coprésidé par Adrien Taquet, ancien secrétaire d'État chargé de l'Enfance et des Familles sous le précédent quinquennat et par le Pr Christèle Gras Le Guen, chef du service de pédiatrie générale et des urgences pédiatriques au CHU de Nantes et présidente de la Société Française de Pédiatrie.

Le ministre de la Santé a énoncé plusieurs des grands axes qui devront être abordés par le comité et par les assises : « le renforcement de la prévention dans le quotidien des enfants et des familles notamment à l'école, le rôle du pédiatre en ville et à l'hôpital, celui du médecin généraliste dans la prise en charge des enfants, la gestion des pathologies aiguës en urgence, celle des maladies chroniques, la formation initiale et continue des professionnels aux besoins de santé de l'enfant, l'évolution des métiers médicaux et paramédicaux, le renforcement de la pédopsychiatrie et de la santé mentale des enfants, la lutte contre les inégalités sociales au plus jeune âge de la vie, etc».

Pas sûr que les pédiatres hospitaliers qui crient aujourd’hui leur désarroi et leur colère voient dans ce programme une réponse à leur situation actuelle.

A.H.

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