Les pédiatres et pédopsychiatres toujours dans l’attente d’un sursaut de l’exécutif

Bobigny, le mercredi 14 décembre - Le collectif Pedopsy 93, qui regroupe l’ensemble des chefs de service de pédopsychiatrie et des médecins de centres médico-psychologiques de Seine-Saint-Denis, appelle les professionnels du secteur à une marche, ce mercredi à Bobigny pour dénoncer le manque de moyens au regard des besoins de ce département.  

Naufrage de la pédopsy du 93…


Ce mouvement fait suite à une tribune publiée dans Le Monde, le 24 novembre dernier dans laquelle ces mêmes chefs de service annonçaient devoir « trier les enfants ».

Ils écrivaient : « alors que la pédiatrie alerte sur son manque de moyens amenant les médecins à des stratégies de « tri » pour prendre en soins le maximum d’enfants, François Braun, ministre de la santé et des solidarités, s’est dit choqué. C’est le manque de moyens qui oblige les soignants à trier des enfants. C’est la France qui trie ses enfants. La pédopsychiatrie est confrontée à ce constat depuis des années. En effet, par manque de moyens pour répondre aux multiples sollicitations, les services doivent, malgré eux, réaliser un « tri » des patients, car ils ne peuvent pas répondre à toutes les demandes ».

Autre conséquence de ce manque de moyens : l’attente pour un premier rendez-vous atteint désormais dix-huit mois dans les villes de Seine-Saint-Denis. Au total, les professionnels du 93 estiment que 1 750 enfants sont en attente de places en établissement spécialisé, et certains sont « sans solution », c’est-à-dire « sans scolarité, sans soins, sans éducation autre que la famille à la maison ».

Le collectif, qui doit rencontrer l'Agence régionale de santé (ARS) demande donc un renforcement massif des moyens en pédopsychiatrie pour de nouveaux recrutements, et un plus grand nombre de places en hôpital de jour, en hospitalisation et en centre d'accueil thérapeutique à temps partiel. Le collectif plaide aussi pour davantage d’inclusion scolaire avec des recrutements d’AESH, de nouvelles places dans les Instituts Médico-Educatifs et Sessad, plus d’unités enseignement autisme, et un plus grand nombre d’Ulis.

…ou de la pédopsy française ?


Mais la situation n’est pas propre au 93, alerte Clémentine Rappaport, cheffe du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Robert-Ballanger (Aulnay-sous-Bois) au journal Le Parisien. « Cela fait des années que la situation s’aggrave et pas seulement en Seine-Saint-Denis » déclare-t-elle.

Elle plaide pour une hausse des moyens sur toute la France bien que « les moyens alloués à la pédopsychiatrie ont été à la hausse ces dernières années, ça ne suffit pas. On fait face à de plus en plus d’enfants qui présentent des troubles psychiques, qu’il s’agisse de troubles du neurodéveloppement, d’autisme, de déficiences, de difficultés d’apprentissage ou encore de troubles du comportement ».

Pour elle le constat est particulièrement sombre : « tout ce qui tenait autour des enfants s’écroule. La pédopsychiatrie, le tribunal pour enfants, l’Aide sociale à l’enfance, ou encore l’Éducation nationale qui est en grande difficulté. Les orientations officielles, aujourd’hui, c’est l’inclusion de tous les enfants à l’école, mais faute d’AESH (accompagnants pour les enfants en situation de handicap), ils ne sont pas accueillis, et c’est une situation généralisée à toute l’Île-de-France. Parfois, des enfants ne sont pas scolarisés du tout durant les trois ans de maternelle. D’autres sont déscolarisés à l’entrée en CP. Alors les troubles s’aggravent, l’écart avec les autres enfants se creuse. »

Aussi, elle demande : « des moyens pour la pédopsychiatrie, des moyens pour les CMP, des places en IME, et un bon accompagnement dans les écoles, avec des AESH formés, en nombre suffisant. On a honte de dire qu’on doit trier les enfants, ce n’est pas éthique. Mais la honte doit changer de camp ».

Le silence assourdissant d’Emmanuel Macron


Ce naufrage de la pédopsychiatrie pourrait s’étendre encore…à la pédiatrie toute entière. Après une première lettre ouverte adressée au Président de la République publiée le 21 octobre 2022 et restée sans réponse, le collectif de pédiatrie a lancé un nouveau cri d'alarme sur la dégradation des soins et interpellé directement le Président de la République le 1er décembre, dans une lettre publique signée par 10 000 soignants en pédiatrie, médicaux ou non. Dans celle-ci, les signataires demandent au Président de s’engager pour remettre sur rail la discipline.

A ce jour, le collectif ne peut que dénoncer « l’intolérable absence de réponse du Président de la République »

F.H.

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Vos réactions (3)

  • Pédiatrie et pédopsychiatrie, indifférence ?

    Le 15 décembre 2022

    La perception de la réalité, concernant la pédiatrie (depuis la néonatalogie jusqu'à l'adolescence) et la pédopsychiatrie (en commençant par les interactions précoces mère/ nouveau-né) est très insuffisante en France, y compris par une très grande partie des médecins.
    Difficile d'analyser le phénomène mais impossible de le nier.
    Il atteint naturellement le sommet de l’État pour une raison facile à comprendre.
    Mais mon impression est qu'il existe une réelle indifférence vis à vis de l'univers de l'enfance, du moins de la part des hommes et des femmes ne souhaitant pas procréer.
    Le rapprochement avec la gériatrie semble osé : et pourtant, j'ai le sentiment qu'il s'agit de deux ghettos. Sujets, objets tabous..
    Résultat: deux grands pans de la vie mal évalués, mal investis, niveau de mortalité infantile précoce se dégradant depuis plus de 10 ans, manque de soutien public à la pédopsychiatrie criant, EHPAD synonymes d'horreur au quotidien. Pas de quoi pavoiser.
    Pendant ce temps, les médias s'extasient sur les progrès de la PMA et des thérapies géniques, sujets plus vendeurs d'un prix exorbitant.
    Il est grand temps que la politique s'empare du/des sujet(s) sans perdre un instant, n'est-ce pas, Madame Élisabeth Borne ?

    Dr X Baizeau

  • Découverte de l'eau tiède

    Le 15 décembre 2022

    La présence des enfants anorexiques stabilisés , scarifiés, suicidaires, placés en attente de ?, "en conflit", "hébergés", embolisant les services de pédiatrie générale est devenue transgénérationnelle. Acutisée par la crise sanitaire et surtout les "mesures" attenantes, les migrations et leurs pathologies importées, les mineurs isolés quand ils sont mineurs.
    Face à l'angélisme, il était déplacé de suggérer que ces prises en charges généralistes par des personnels formés sur le tas étaient des pertes de chance, fusse avec le passage sporadique du pédo-psy. L'impact sur l'occupation (et remplissage) des lits était patent et il le reste. Point de statistiques sur le sujet, et pour cause. Moins exigeants en soins qu'une méningite, autant en surveillance.
    Tout au plus, une prise de conscience saisonnière annuelle lors des épidémies de bronchiolites et gastro, plans blancs où on regrettait déjà manque de lits et transferts.
    Réclamer des moyens est un sport national, encore faut-il entrer dans le détail.
    Il faut des pédiatres pour faire de la pédiatrie : place de la pédiatrie à l'issue des ECN 2021* ?
    28ème position (27ème en 2020) sur 44 spécialités, rang moyen des médecins : 3376. Quelle est la mise à contribution des pédiatres à diplôme étranger hors UE dans nos maternités et CH ?
    Pour rappel, médecine générale 39ème position (38ème en 2020), médecine d'urgence 38ème (39ème en 2020). Loin derrière la médecine nucléaire (13), devant Santé publique-Biologie médicale-Médecine du travail bons derniers en 2021 comme 2020 (42-43-44).
    Le podium 2022, 2021 était identique à celui de 2020 : Plastique-Ophtalmo-Dermato... allez savoir les vraies clefs de l’attractivité.
    Il fallait anticiper, c'est fait : l'impact des délégations de taches (calendrier vaccinal, ordonnances, pratiques avancées) sera à évaluer. Ces délégations seront pérennes, ce qui ne risque pas de booster... l'attractivité.
    Indiquer que la banalisation du "mode dégradé" est une perte de chance est inaudible... mais effectif.
    Reste à philosopher sur la fumeuse mais utile "dette immunitaire" en attendant sagement les Assises de Pédiatrie... au printemps (2023).

    Dr JP Bonnet - PH 62ans

  • Ceux qui ne votent pas...

    Le 18 décembre 2022

    Comme le dit bien un médecin qui a réagi, les plus jeunes, les personnes âgées auxquelles j'ajoute les malades psychiatriques ne votent pas. Du coup, ils peuvent mourir sans soins, les politiques s'en fichent complètement. C'est effroyable, mais c'est ainsi. En revanche, les jeunes qui demandent une PMA votent et là, tout est pris en charge à 100 %.

    Dr Catherine Solano

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