Les professionnels de santé appelés à lutter contre les violences sexuelles sur mineurs

Paris, le mercredi 21 septembre 2022 – Le gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour combattre les violences sexuelles sur mineurs, dont une plus grande sensibilisation des professionnels de santé à la question. En janvier 2021, la parution de « La Famillia grande », livre dans lequel l’avocate Camille Kouchner décrivait les violences sexuelles subies par son frère durant son enfance, mettait sur le devant de la scène le tabou de l’inceste. Peu de temps après la parution de l’ouvrage, le Président de la République Emmanuel Macron mettait sur pied la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui rendait ses premières recommandations en mars dernier. Ce mercredi, dans un communiqué, le gouvernement a annoncé vouloir mettre en place certaines des solutions avancées par la commission pour mieux lutter contre les violences sexuelles sur mineurs.

Le gouvernement ne retient pas l’obligation de signalement pour les médecins

Parmi les différentes mesures annoncées par l’exécutif (retrait automatique de l’autorité parentale aux parents incestueux, campagne nationale de sensibilisation…), certaines concernent en particulier les médecins, qui peuvent être confrontés à des cas de violences sexuelles sur mineurs à l’occasion de leur exercice. La secrétaire d’Etat chargée de l’enfance Charlotte Caubel a ainsi annoncé la mise en place d’une « cellule de conseil et de soutien pour les professionnels destinataires de révélation de violences sexuelles » qui « permettra d’appuyer ces professionnels et de les aiguiller vers le dispositif le plus apte à prendre en charge leur signalement ».

Plusieurs décisions récentes du Conseil d’Etat ont souligné la difficulté dans laquelle se trouvent les médecins confrontés à des cas d’inceste ou de violences sur mineurs, qui ne savent pas toujours vers quelle autorité judiciaire se tourner et craignent d’être poursuivis pour violation du secret médical. Parmi ses recommandations, la Ciivise proposait donc de mettre en place une obligation de signalement des violences sexuelles pour les médecins, assortie d’une immunité juridique. Une proposition critiquée par le Conseil de l’Ordre des médecins (CNOM), qui craint qu’elle ne conduise les parents maltraitants à ne plus emmener leur enfant chez le médecin et non retenue à ce jour par le gouvernement.

Dans ce même communiqué gouvernemental, le ministre de la Santé François Braun a également annoncé sa volonté de « renforcer la formation des professionnels de santé autour de la détection active des maltraitances, la sensibilisation aux questions du respect de l’intimité de l’enfant et une démarche de prévention des violences ».   

L’inceste, un fardeau physique et psychique pour les victimes

Ce communiqué du gouvernement intervient le jour même où la Ciivise rend un rapport tirant les enseignements de l’appel à témoins qu’elle a lancé lors de sa création. Au total, 16 414 témoignages de victimes d’incestes ont été recueillies. « Ce que disent ces témoignages, c’est la gravité de la souffrance éprouvée par les victimes et sa persistance dans le temps tout au long de la vie » analyse Edouard Durand, ancien juge des enfants et président de la commission.

Le traumatisme subi enfant porte en effet atteinte à la santé physique et psychique des victimes pendant des décennies. Une femme sur deux victimes d’inceste dit connaitre des troubles alimentaires et quatre hommes sur dix ont des problèmes d’addiction. Sept personnes sur dix évoquent des conduites d’évitement, des épisodes dépressifs voir des tentatives de suicides. Trois témoins sur dix déclarent toujours souffrir physiquement du fait des violences sexuelles subies enfant.

L’inceste nuit également à la vie intime et sexuelle des victimes : un tiers des hommes ont des problèmes d’érection et trois victimes sur dix disent souffrir d’une absence de libido. De nombreux témoins disent avoir renoncé à devenir parent, de peur de voir les abus se reproduire sur leurs enfants. « Il y a deux mots que je déteste, c’est amour et famille ; volontairement, je n’ai pas voulu avoir de gosse car, à un moment, la chaine, il faut la casser » a expliqué ce lundi l’actrice Corinne Masiero, au moment d’évoquer pour la première fois sur France Inter l’inceste qu’elle a subi enfant.

A l’occasion de son rapport, la Ciivise réitère ses recommandations et regrette que l’une d’entre elles n’ait pas été reprise par le gouvernement : l’accès à des soins gratuits et spécialisés en psycho-traumatisme pour toutes les victimes de violences sexuelles.  






Grégoire Griffard

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Vos réactions (1)

  • Médecine scolaire

    Le 25 septembre 2022

    Et dans le même temps des coupes sombres sont faites dans les effectifs de la médecine scolaire. Il n'y a pour ainsi dire plus aucun accès au médecin scolaire ou à l'infirmière tant les sous effectifs sont grands. C'est dommage quand on pense que les enfants passent au moins 6h par jour à l’école alors qu'ils ne voit le médecin traitant que 20 min par an pour les moins malades et les moins jeunes et qu'ils cessent d'être vus par la sage-femme à 2 mois. Et ne parlons pas des PMI qui sont également en grande souffrance.
    Pourtant quels merveilleux outils de dépistage et de prévention ! Mais il faudrait une politique de santé publique volontariste et dans notre société rentabiliste on voit ce que cela donne... au détriment des plus faibles (les enfants/les femmes) il va sans dire.

    Catherine Kiszko, sage-femme

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