
Alors que médecins libéraux et biologistes médicaux se
mettront en grève à compter de ce jeudi et que les internes
continuent leur mobilisation contre le projet de création d’une
quatrième année d’internat de médecine générale, les psychiatres
hospitaliers tiennent eux aussi à faire part aux autorités de leurs
difficultés. Ce mardi, ils sont ainsi invités à se mettre en grève
par quatre de leurs syndicats (SPH, USP, SPEP et IDEPP) pour
dénoncer l’apathie des autorités de tutelle face à « la crise
sans précédent que traverse la discipline psychiatrique »
peut-on lire dans le communiqué commun des quatre organisations
syndicales.
Les psychiatres hospitaliers doivent ainsi se rassembler
devant le ministère de la Santé à Paris et, en province, en face
des sièges des Agences Régionales de Santé (ARS) ou des hôpitaux.
Il s’agit du deuxième mouvement de protestation des psychiatres en
moins de six mois, après la grève très suivie du 28 juin dernier.
L’intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) et la
Coordination nationale des comités des hôpitaux soutiennent le
mouvement.
30 % de postes vacants dans le public
Les difficultés rencontrées par les services de psychiatrie
hospitalière sont bien connues et malheureusement anciennes : un
« manque criant de lits d’hospitalisation complète et des
fermetures régulières de centres médico-phycologiques (CMP) »
écrivent les syndicats, dus notamment à une pénurie d’effectifs que
ce soit chez les médecins ou les infirmiers, « qui touche
aujourd’hui cinq établissements sur six ».
On estime ainsi que 30 % des postes de psychiatres sont
vacants dans le public. Conséquence, les conditions de travail se
dégradent, la spécialité attire de moins en moins de jeunes
médecins, favorisant ainsi les suppressions de lits, dans un cercle
vicieux commun à tout l’hôpital public. « Nous n’avons plus la
capacité de soigner comme on voudrait » résume le Dr Norbert
Skurnik, président de l’intersyndicale de défense de la psychiatrie
publique (Idepp).
La situation est particulièrement critique pour la
pédopsychiatrie, qui doit en plus gérer les conséquences néfastes
des mesures sanitaires prises ces deux dernières années sur la
santé mentale des adolescents. Dans une tribune publiée ce jeudi
dans le journal Le Monde, le collectif Pédopsy 93, qui regroupe les
pédopsychiatres exerçant dans les CMP de Seine-Saint-Denis,
explique devoir faire le tri des patients, faute de places dans des
structures spécialisés.
Dans les services de prise en charge de l’autisme, les auteurs
de la tribune estiment ainsi qu’il n'y a qu’une place pour sept
enfants. « Admettrait-on qu’une seule chimiothérapie disponible
oblige à choisir entre trois enfants cancéreux ? » s’insurge
les pédopsychiatres.
Améliorer l’attractivité de la psychiatrie hospitalière, la priorité selon les syndicats
Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie
organisées en septembre 2021 avaient pourtant créé un élan d’espoir
chez les psychiatres. Le Président de la République en personne
avait annoncé une série de mesures pour sortir la spécialité de
l’ornière, dont notamment la création de 800 postes dans les CMP et
1,9 milliard d’euros d’investissement dès 2022.
Mais l’espoir a été de courte durée pour les psychiatres, qui
estiment que ces engagements ne constituent qu’un « petit pas
» selon les termes du Dr Rachel Bocher, présidente de l’INPH,
par rapport à l’ampleur de la crise traversée par le secteur. Pour
tous les syndicats, la priorité est d’améliorer l’attractivité de
la psychiatrie hospitalière. Le Dr Surnik préconise ainsi une
augmentation de 20 à 25 % des salaires des praticiens.
Au-delà, les psychiatres constatent avec amertume que le
dialogue avec les autorités de tutelle est rompu depuis plusieurs
mois. « Il y a nécessité que les pouvoirs publics reprennent le
dialogue social avec les psychiatres » lance le Dr Bocher. Sans
cela, une nouvelle grève pourrait survenir dans quelques mois, avec
toujours le même constat et les mêmes revendications.
Grégoire Griffard