Les sages-femmes entre mutation et crise des vocations

Les sage-femmes entre mutation et crise des vocations

Paris, le jeudi 15 décembre 2022 – Les sage-femmes continuent de voir leurs compétences élargies et leur formation réformée, mais demandent surtout une amélioration de leurs conditions de travail.

Depuis plusieurs années, les sage-femmes ne cessent de voir leur domaine de compétences s’accroitre. Dernière mesure en date, la possibilité qui leur a été accordée d’administrer une quinzaine de vaccins à leurs patientes et ce sans ordonnance médicale. Ce jeudi, l’Assurance maladie et l’Union nationale et syndicale des sage-femmes (UNSSF) ont signé l’avenant numéro 6 à la convention nationale des sage-femmes qui renforce encore ce mouvement de délégation de compétences.

L’avenant détermine en effet les missions de la sage-femme référente, fonction créée par la loi du 26 avril 2021 qui a ouvert la possibilité aux femmes enceintes de déclarer une maïeuticienne référente auprès de l’Assurance maladie. Le nouvel avenant confère six missions à ces sage-femmes, qui seront spécifiquement rémunérées 45 euros par suivi de grossesse : informer la future mère sur son parcours de grossesse, réaliser la majorité des rendez-vous du parcours de grossesse, assurer un rôle de prévention, faire le lien avec la maternité, assurer la coordination des soins de la femme enceinte et enfin l’informer de ses droits.

40 % des sage-femmes quittent l’hôpital après deux ans


Si ces extensions de compétences sont généralement demandées et saluées par les sage-femmes, la plupart regrettent que ces nouvelles missions ne s’accompagnement pas d’une meilleure rémunération et d’une plus forte reconnaissance. Depuis plusieurs années, la profession souffre ainsi d’un grand manque d’attractivité, en raison à la fois d’un salaire insuffisant (seulement 1 600 euros par mois en début de carrière) et de conditions de travail difficiles. Les sage-femmes désertent de plus en plus les maternités pour s’installer en libéral, provoquant ainsi un manque d’effectif et une dégradation des conditions de travail dans un cercle vicieux difficile à juguler.

« Les sage-femmes en ont assez de la pénibilité de la salle de naissance, je ne leur jette pas la pierre, c’est un travail pénible, fatigant et pas reconnu » reconnaissait en juin dernier le Dr JoëlleBelaisch Allart présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). On estime que 40 % des sage-femmes quittent l’hôpital après deux ans d’exercice et cet été, 10 % des maternités étaient fermés par manque de personnel.

La formation non plus ne suit pas cette extension des compétences. Dans les écoles de sage-femmes, beaucoup d’étudiantes se plaignent d’emploi du temps surchargé. « Depuis deux ou trois ans, nous perdons jusqu’à 15 % de nos effectifs avant la fin du cycle, il y a quelques années cela se limitait à 5 % ». Les études de maïeutique semblent avoir été la grande victime de la réforme du premier cycle des études de santé de 2020. Elle aurait provoqué un « grand manque de visibilité » selon Loona Mourenas, porte-parole de l’Association nationale des étudiants sage-femmes (Anesf). A la rentrée 2022, 20 % des places en deuxième année d’étude de maïeutique n’étaient pas occupées.

Vers une formation en 6 ans pour les sage-femmes ?


Les autorités tentent de répondre à ces demandes légitimes. L’avenant 6 signé ce mardi et qui rentrera en vigueur 6 mois après sa publication au journal officiel, met en place une valorisation de l’intervention des sage-femmes libérales en maisons de naissance ou en plateaux techniques loués dans les établissements de santé. Ces dernières seront ainsi rémunérées 80 euros en plateau technique, 150 euros pour la surveillance du postpartum immédiat en maison de naissance et 300 euros pour la surveillance du travail d’accouchement.

La formation des maïeuticiennes pourrait également être prochainement réformée. Près d’un an après l’Assemblée Nationale, le Sénat a, le 19 octobre dernier, voté une proposition de loi visant à créer une sixième année d’étude pour les futures sage-femmes afin de mieux répartir les heures de formation et à donner un véritable statut hospitalo-universitaire aux enseignants. La proposition de loi sera de nouveau examinée par l’Assemblée Nationale en janvier prochain.

Cette réforme de la formation parviendra-t-elle à elle seule à renforcer l’attractivité de la profession ? Peu probable si elle n’est pas suivie d’une hausse de la rémunération. « Six ans pour ne pas être reconnue, pas considérée et avoir un salaire de misère, quel intérêt » commente désabusée une étudiante en 3ème année de maïeutique.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (3)

  • Paramédical ?

    Le 15 décembre 2022

    Autant que je sache la profession de sage femme est une profession médicale.
    Cf code de la santé plique, quatrième partie : Professions de santé [Texte Intégral]
    Livre Ier : Professions médicales [Texte Intégral]
    Titre V : Profession de sage-femme[Texte Intégral]
    Alors votre phrase :
    " Depuis plusieurs années, les sage-femmes, comme d’autres professions paramédicales, ne cessent de voir leur domaine de compétences s’accroitre "
    est fausse.
    Les compétences, connaissances, formations et responsabilités ne sont pas celles d'une profession paramédicale.
    Merci d'en prendre note.

    Dr A Montagnac

  • Sages-femmes médicales !

    Le 15 décembre 2022

    Ce long article pourrait être intéressant s'il ne commençait pas une énorme méprise : les sages-femmes exercent une profession médicale et non paramédicale comme vous l'avez écrit.
    C'est le début de la bonne considération de notre profession.
    Merci pour vos corrections.

    C Combot, sage-femme

  • Réponse de la rédaction

    Le 16 décembre 2022

    Merci à nos lecteurs attentifs de nous avoir très justement fait remarquer notre erreur concernant le statut des sages-femmes. Celle-ci a été corrigée.

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