
Paris, le vendredi 17 mars 2023 – En commission, les sénateurs ont voté la suppression de l’AME et le renforcement des conditions d’immigration médicale.
Ces derniers jours, l’actualité parlementaire était entièrement consacrée à la réforme des retraites, avec en point d’orgue le déclenchement du très controversé article 49 alinéa 3 de la Constitution par le gouvernement ce jeudi. Mais pendant que tous les regards étaient tournés vers l’Assemblée Nationale, le Sénat examinait en commission ce mercredi le projet de loi pour « contrôler et améliorer l’immigration ». Ce projet de loi est destiné à faciliter les expulsions d’immigrés en situation irrégulière ou auteurs d’infraction, mais vise également à créer un visa de « métier en tension » (qui pourrait concerner des professionnels de santé). La droite sénatoriale n’a pas manqué de profiter de ce passage en commission pour « muscler » quelque peu ce texte.
Sur proposition de la sénatrice LR Françoise Dumont, les sénateurs ont ainsi voté la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) et son remplacement par une aide médicale d’urgence (AMU). Pour rappel, l’AME est un dispositif qui permet aux immigrés en situation irrégulière résidant sur le territoire français depuis plus de trois mois et disposant de moins de 9 571 euros par an de ressources de bénéficier de soins totalement gratuit, sans avance de frais, les dépenses sanitaires étant prises en charge par l’Etat.
L’AME dans le viseur de la droite et de l’extrême-droite
Le dispositif d’AMU imaginé par la sénatrice François Dumont prévoit que la gratuité serait désormais limitée aux soins considérés comme indispensables, à savoir « la prophylaxie et le traitement des maladies graves et des douleurs aigues, les soins liés à la grossesse et ses suites, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive ». En outre, l’accès à l’AMU sera désormais conditionné, pour les immigrés majeurs, au paiement « d’un droit annuel dont le montant est fixé par décret ». Cependant, le gouvernement pourra toujours accorder à titre individuel l’AMU à un immigré qui ne s’est pas acquitté de ce droit d’entrée « si son état de santé le justifie ».
La révision ou la suppression de l’AME est une revendication de longue date de l’extrême-droite et de la droite, qui estiment que ce dispositif est une incitation à l’immigration et constitue une injustice, puisque les immigrés clandestins bénéficieraient d’un dispositif plus avantageux que les Français ou les immigrés légaux. Ils mettent également en avant le cout important de ce mécanisme, fixé à 1,2 milliards d’euros par an dans la dernière loi de finance pour l’année 2023, un coût annuel qui a été multiplié par près de dix depuis 2000. Lors de l’examen de la dernière loi de finance justement, les sénateurs avaient déjà voté le remplacement de l’AME par l’AMU, arguant que cela permettrait de faire économiser 350 millions d’euros par an à l’Etat, avant que les députés ne rétablissent l’AME.
Renforcement des conditions de l’immigration médicale
La décision des sénateurs de supprimer l’AME a été immédiatement dénoncée par des associations d’aides aux immigrés mais également par de nombreux médecins. Outre l’argument purement humanitaire, beaucoup de soignants soulignent qu’empêcher les migrants d’accéder au système de santé pourrait favoriser la prolifération de certaines maladies infectieuses, comme la tuberculose.
Outre la suppression de l’AME, les sénateurs ont également voté en commission le renforcement des conditions pour pouvoir bénéficier d’un titre de séjour médical. En effet, la France est l’un des rares pays qui permet à des immigrés de venir sur son territoire pour se faire soigner, s’ils ne peuvent pas bénéficier de soins adéquats dans leur pays. Dans la nouvelle mouture de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, le visa d’immigration médicale ne sera désormais délivré que si l’étranger risque de décéder ou de subir « une altération significative de l’une de ses fonctions importantes » à court terme. De plus, l’étranger ne pourra désormais plus refuser de partager ses informations médicales avec les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration en charge d’instruire son dossier.
Le projet de loi immigration doit désormais être examiné en séance plénière au Sénat à compter du 28 mars, avec un vote prévu le 4 avril. Il sera ensuite examiné à l’Assemblée Nationale au cours de l’été.
Quentin Haroche