
Une discrimination de fait
En quoi consistait ce dispositif ? Jusqu’à présent, en France,
chaque postulant souhaitant entrer dans les forces de l’ordre ou
dans l’armée devait passer l’épreuve du profil SIGYCOP à l’issue
d’un examen médical rigoureux.
Après une visite et plusieurs tests, un médecin militaire
examinant l’aspirant-candidat attribuait à ce dernier une note
chiffrée de 1 à 6 sur plusieurs items (état psychique, acuité
visuelle et auditive, mais aussi « l’état général »). En pratique,
une simple note au-dessous de 2 obérait gravement les chances de
pouvoir être recruté dans le corps choisi.
Or, de fait, les personnes vivant avec le VIH se voyaient
attribuer en fonction de leur niveau d’infection ou de prise en
charge de la maladie un coefficient d’état général de 3 à 5, les
excluant de fait de toute perspective de recrutement.
Certaines grandes écoles, à l’image de Polytechnique, avaient
modifié leurs propres critères de recrutement afin de rendre
possible l’intégration de personnes vivant avec le VIH. Mais cette
mesure d’exclusion implicite restait en vigueur notamment dans les
forces de l’ordre et dans l’armée.Un recours exercé en 2020 devant le Conseil d’Etat
C’est dans ce contexte qu’en décembre 2020, six associations
de défense des droits des patients avaient saisi le Conseil d’Etat
pour faire abroger ce dispositif qui perdurait, malgré des désaveux
politiques venus de tous bords.
En 2019, un rapport parlementaire trans-partisan rédigé par
Bastien Lachaud (LFI) et Christophe Lejeune (LREM) avait mis en
lumière une unanimité politique sur le sujet, les deux députés
s’étonnant du fait que « des personnes séropositives, sous
traitement, avec une charge virale indétectable, étaient jugées a
priori inaptes à entrer dans les armées ». Et ce, « alors
même que plusieurs centaines de militaires ont chaque année des
rapports sexuels à risques en opération ».
Mais c’est surtout la loi du 6 décembre 2021 qui a permis un
pas décisif en direction d’une abrogation des « discriminations
» systématiques. Cette loi « relative aux restrictions
d'accès à certaines professions en raison de l'état de santé »
exige à ce que l’accès à une profession règlementée soit décidé en
fonction de l’état de santé réel du candidat et non par la simple
présence d’une maladie chronique.
L'appréciation médicale doit être réalisée « de manière
individuelle et tient compte des possibilités de traitement et de
compensation du handicap. »
Victoire pour la police… mais pas encore pour la gendarmerie et l’armée
Par un arrêté publié au Journal officiel le 25 novembre «
relatif aux conditions de santé particulières exigées pour
l’exercice des fonctions relevant des corps de fonctionnaires
actifs des services de la police nationale » le gouvernement a
mis fin au dispositif SIGYCOP pour l’entrée dans la police
nationale.
Une décision saluée comme une « victoire » pour les
associations LGBT. « Les personnes vivant avec le VIH pourront
désormais servir dans la police nationale, sans discrimination liée
à leur état de santé » indique dans un communiqué Etienne
Deshoulières, qui avait porté le recours devant le Conseil d’Etat
en décembre 2020.
« Après avoir contesté les arguments des associations sur
le fond, le ministère de l’intérieur a finalement changé de
position, en abrogeant l’arrêté à l’origine de la discrimination
dénoncée », se félicite l’avocat. A ce stade, l’arrêté pris ne
concerne toutefois que les conditions d’entrée dans la police
nationale. Reste à savoir si l’armée et la gendarmerie emboiteront
le pas dans les prochaines semaines, ou si « la grande muette »
fera de la résistance.
Quels postes pour les policiers admis ?
L’appréciation du respect des conditions de santé exigés d’un
candidat se fera désormais à l’issue d’un examen clinique réalisé
par un médecin, permettant ainsi de tenir compte de l’état général
du patient-candidat à un moment donné. Reste à savoir en pratique
comment et où les nouvelles recrues seront intégrées dans la police
nationale.
Charles Haroche