Les statines protègent le foie gras non alcoolique d’une cancérisation

Des études antérieures ont montré l’apport potentiel des statines dans la chimio-prévention et le traitement de certains cancers, y compris le carcinome hépatocellulaire (CHC) chez les patients infectés par le VHB ou par le VHC et ceux atteints de cirrhose. La stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) comporte des troubles du métabolisme des lipides relevant souvent d’un traitement hypolipémiant. Elle devrait devenir la principale cause de CHC dans les prochaines années. L’objectif de cette étude californiennes était d'étudier l'association entre l'initiation aux statines et le risque de CHC chez les patients atteints de stéatose hépatique ou NAFLD des anglo-saxons.

Parmi 272 431 adultes de la base californienne de données désidentifiées Optum avec un diagnostic de NAFLD, l'initiation des statines est significativement associée à une diminution de 53 % des risques de développer un CHC (risque relatif [HR], 0,47) par rapport à ceux qui n’en prennent pas. Dans la sous-cohorte pour laquelle des données de fibrose avancée (F-4) étaient disponibles, l'initiation des statines est associée à une réduction de 56 % du risque de développer un CHC en cas de NAFLD après ajustement pour le score de fibrose F4 déterminé par le FIB-4 recherché chez seulement 27 % de la population (Hazard Ratio HR, 0,44). Ces associations sont observées à la fois pour les statines lipophiles (simvastatine, atorvastatine, fluvastatine, lovastatine et pitavastatine ; HR, 0,49) et les statines hydrophiles (pravastatine et rosuvastatine ; HR, 0,40). De plus, une plus grande réduction des risques est observée à mesure que la dose et la durée d'utilisation des statines augmentent. Les patients avec stéatose ayant ainsi reçu plus de 600 doses quotidiennes cumulées définies de statine présentaient une réduction de 70 % des risques de développer un CHC (HR, 0,30).

Réduction du risque de 53 %

L'incidence du CHC augmente dans le monde entier, ce qui coïncide également avec la prévalence croissante de la NAFLD. Bien que la cirrhose soit le facteur de risque le plus important pour le CHC, de plus en plus de publications montrent que les patients atteints de stéatopathie non cirrhotique restent à risque accru de cancérisation. En évitant des facteurs de confusion socio-économiques ou médicamenteux représentés par la prise concomitante d'aspirine et de metformine, l'utilisation de statines est associée à une réduction de 53 % du risque de développer un CHC.

Cette réduction est indépendante du degré de fibrose sous réserve d’une évaluation plus précise par élastométrie ou IRM. De plus, les auteurs ont découvert une relation dose-dépendante : des doses cumulées de statines plus élevées conférent une plus grande réduction du risque de CHC. Bien qu'il existe des facteurs limitants avec des variables manquantes (présence d’une authentique NASH et d’un diabète sous-jacent, niveaux élevés de LDL-cholestérol dans les 2 groupes), les auteurs ont démontré une réduction constante de l'incidence du CHC avec l'utilisation de statines dans toutes les analyses.

Les statines peuvent aussi diminuer le développement de la NASH, un facteur bien connu de risque du CHC, en modulant les voies métaboliques du cholestérol. Le mécanisme antinéoplasique exact reste néanmoins inconnu : les statines pourraient réguler la production et l'absorption du cholestérol en interférant avec la voie du mévalonate, puis l'apoptose et la perturbation du cycle cellulaire. Cette étude s'ajoute donc à la littérature existante sur les avantages potentiels des statines dans la réduction du CHC chez les patients atteints d'hépatite virale chronique B et C. Aucun médicament n'a encore été approuvé dans le traitement de la stéatopathie fibrosante et les statines demeurent journellement accessibles avec un profil d'innocuité bien établi.

En conclusion, cette grande étude fournit des preuves solides de l'association entre l'initiation aux statines et la réduction du risque de développer un CHC chez les patients porteurs d’une NAFLD. Ces résultats soutiennent également les recherches futures sur l'effet des statines par le biais d’essais contrôlés randomisés prospectifs, et engagent à élucider les voies sous-jacentes à l'effet protecteur de cette classe médicamenteuse. Les statines peuvent, d’ores et déjà être envisagées pour prévenir une cancérisation chez ces patients ayant une stéatose lorsqu’elles sont indiquées en cas d'hyperlipidémie ou de maladies cardiovasculaires.


Dr Sylvain Beorchia

Référence
Zou B, Odden MC, Nguyen MH : Statin Use and Reduced Hepatocellular Carcinoma Risk in Patients With Nonalcoholic Fatty Liver Disease. Clin. Gastroenterol. Hepatol. 2023 Feb 01;21(2)435-444.e6, doi: 10.1016/j.cgh.2022.01.057.

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