Levothyrox : ouverture d’un procès à grand spectacle à Lyon

Paris, le lundi 3 décembre 2018 – Entre 300 et 400 personnes sont attendues ce lundi matin à Villeurbanne dans la salle de spectacle Le Double Mixte. Mais le lieu, très connu dans la région, n’accueille pas aujourd’hui un salon ou un concert, mais les plaignants d’un procès. Le procès civil du Lévothyrox.

Action collective

Délocalisé exceptionnellement à Villeurbanne en raison du nombre de personnes attendues, le tribunal de grande instance de Lyon examine aujourd’hui les plaintes déposées dans le cadre d’une action collective portée par Maître Lèguevaques par 4 113 personnes contre les laboratoires Merck (dont les sièges sont à Lyon) et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour défaut d’information et préjudice d’anxiété. Après plusieurs audiences en référé et quelques procédures administratives, c’est une étape majeure dans le volet judiciaire de l’affaire Lévothyrox, avant la tenue du procès pénal, qui n’est pas prévue avant de longs mois. Devant les juges civils, les plaignants et leurs défenseurs réclameront 10 000 euros de dommages et intérêts par personne.

Défaut d’information

Il ne sera pas question ici de déterminer si la composition de la nouvelle formule pourrait expliquer les effets secondaires qui ont été rapportés par une minorité de patients (moins de 1,45 % des patients traités ont signalé des effets inattendus sur le portail de l’ANSM) ou si on peut reprocher un défaut de vigilance, voire une tromperie de la part des laboratoires et des autorités, mais de s’interroger sur les efforts de communication mis en œuvre. Beaucoup de patients ont en effet découvert le changement de composition (intervenu au printemps 2017) de leur traitement quotidien en constatant le changement de couleur de leur boîte, voire en entendant évoquer l’augmentation des effets secondaires déclarés. Pour ceux pour lesquels la transition entre l’ancienne formule et la nouvelle formule a nécessité des adaptations et a entraîné quelques effets secondaires, ce manque d’information a pu, selon les plaignants, être préjudiciable.

Sentiment d’abandon

Les laboratoires Merck et l’ANSM ont toujours affirmé avoir respecté les préconisations en vigueur concernant l’information des patients. De fait, une lettre signalant le changement de formule a bien été adressée aux praticiens concernés (100 000 professionnels de santé). Cependant, selon les plaignants, le mode de transmission du message n'aurait pas été idéal pour s’assurer de sa prise en considération, tandis que beaucoup de patients dont le traitement par Lévothyrox est chronique ne consultent que rarement leur médecin. Aussi, l’information n’a été que rarement communiquée aux malades ; ce qui aurait pu entraîner un sentiment d’abandon.

Confusion généralisée

Devant les magistrats, Merck et l’ANSM se défendront en évoquant le respect des procédures et pourront également vouloir évaluer pour chaque cas dans quelle mesure il peut être considéré qu’il y a eu manque d’information et s’il a été préjudiciable. Cependant, en dehors des tribunaux l’affaire relancera sans doute le débat sur la pertinence d’une communication libérée des laboratoires sur les médicaments vers les patients. On peut en effet se demander si, dans le cas d'une réglementation différente le permettant, une communication directement orchestrée par les laboratoires Merck à grande échelle vers les patients n’aurait pas permis une meilleure diffusion de l’information et éviter en grande partie une confusion généralisée et la circulation de données sans aucun fondement.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (2)

  • Information, désinformation...

    Le 04 décembre 2018

    On peut très légitimement s'interroger sur l'efficacité des mesures prises pour informer les prescripteurs et le public à l'occasion d'un changement de formulation.
    Il s'agit néanmoins de mesures décrites dans la réglementation, et on ne peut certes pas accuser un laboratoire d'en être l'auteur.

    Il faut toutefois s'interroger sur la désinvolture (quand ce n'est pas l'incompétence) des médecins et plus encore des pharmaciens vis-à-vis des patients dans ces situations.

    Mais on doit surtout être alerté par les effets délétères de la circulation de fausses nouvelles et de polémiques irrationnelles qui dorénavant enflamment les "réseaux sociaux" et attisent les inquiétudes. L'internet est littéralement pathogène pour des personnes à risque, c'est un fait dont il faut maintenant tenir compte. C'est aussi une arme pour quelques manipulateurs intéressés.

    Qui donc est responsable des désagréments ressentis par d'innombrables personnes dans l'affaire du Levothyrox ? Sans aucun doute les professionnels de santé, trop peu attentifs dans leur rôle de prescription et de délivrance des médicaments, mais plus certainement les pouvoirs publics, qui ne savent pas prendre la mesure des emballements médiatiques propagés par l'internet et relayés maladroitement par des journalistes avides de sensationnel.

    Cette affaire, après d'autres, montre principalement qu'il est nécessaire de réformer les structures sanitaires afin qu'elles intègrent dans leur mission une gestion beaucoup plus performante de l'information des professionnels et du public. Elles ont gravement failli dans une inadmissible succession de désastres récents.

    Judiciairement, néanmoins, il est plus facile et plus rentable de s'en prendre à l'industrie réputée avoir les "poches profondes", qu'à d'authentiques responsables mal identifiés dont les nombreux errements sont en cause.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Rendre les medias un poil plus sérieux

    Le 04 décembre 2018

    Une information plus large des patients n'aurait conduit à coup sur qu'à une amplification de l'effet nocebo..!
    Il doit y avoir des dizaines de situations ou les médecins sont avisés pour leurs prescriptions de modification de dosage ou de présentation sans pour autant que l'on ai besoin de détailler ça aux patients ..!

    Il faudrait plutôt inventer une manière de rendre les medias un poil plus sérieux, responsables, adultes, intelligents ...etc. Pas gagné !

    Dr Xavier Rollin

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