Levothyrox : un rapport d’expertise judiciaire s’interroge sur la pertinence de l’étude de bioéquivalence
Paris, le lundi 31 mai 2021 – Le changement de formulation du
Lévothyrox début 2017 a entraîné, on s’en souvient, une
multiplication de signalements d’effets indésirables, qui ont
cependant concerné moins de 0,75 % des patients traités par ce
médicament. Les effets transitoires constatés chez un nombre limité
de malades, attendus concernant un médicament à marge thérapeutique
étroite, n’ont cependant pas de lien avec une éventuelle toxicité
propre de la nouvelle composition, un temps soupçonnée et qui
paraît avoir été écartée par toutes les études réalisées.
Où l’on reparle de la difficulté de modifier un médicament à
marge thérapeutique étroite
Cependant, demeure questionnée la façon dont les laboratoires
Merck et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ont
préparé cette transition. Il a ainsi été déploré par certains le
fait que l’information transmise aux patients ait été quasiment
inexistante, ce qui a pu favoriser la confusion et le trouble,
quand certains patients ont développé des symptômes (dans la très
grande majorité des cas transitoires) associés à l’évolution de la
formule… mais sans qu’ils aient pu facilement identifier cette
cause. Mais aujourd’hui, dans le cadre de l’information judiciaire
ouverte par le tribunal de Marseille, un rapport d’expertise
interroge plus directement la pertinence de l’étude de
bioéquivalence mise en avant par l’ANSM pour autoriser le
changement de formulation.
Beaucoup a déjà été écrit sur les failles possibles de ces
études de bioéquivalence face à des médicaments à marge
thérapeutique étroite. Concernant le Levothyrox, selon des
informations révélées par le site Les Jours et Le Monde, les
experts se montreraient sévères vis-à-vis de l’ANSM à laquelle ils
reprocheraient l’absence de reproduction du test de dissolution du
nouveau médicament fourni par les laboratoires, alors que toujours
selon les experts, cités par les deux médias, il n’existerait pas
de similarité des « profils de dissolution entre les deux
formules ». D’une manière générale, les experts insistent : «
Prédire les conséquences cliniques chez le malade à partir des
variabilités établies au cours d’une étude de bioéquivalence
moyenne chez des sujets sains sans problème de thyroïde n’est pas
possible ». Or, cet état de fait n’était pas ignoré par l’ANSM
et les autorités sanitaires en général qui ont longtemps limité
l’autorisation de génériques du Levothyrox, qui n’était notamment
pas soumis à l’inapplication du tiers payant en cas de refus de
substitution. Par ailleurs, les experts judiciaires épinglent la
variabilité des conditions de production du médicament, non sans
incidence sur sa fragile.
Le signal sanitaire éteint
Reste à savoir quel impact les conclusions de ces experts auront
sur la suite de l’instruction. L’Association française des malades
de la thyroïde n’a pas attendu pour affirmer que ce rapport «
donne raison aux patients ». Des patients qui pour la très
grande majorité d’entre eux reçoivent aujourd’hui sans dommage la
nouvelle formule du Levothryox, même si l’ancienne demeure encore
accessible jusqu’à la fin de l’année.
Un "rapport d'expertise judiciaire" n'a rien à voir avec une publication scientifique, ni même avec un véritable rapport d'expertise. Les "experts judiciaires", choisis à sa guise par un président de juridiction, pondent régulièrement des avis très... personnels.
Dr Pierre Rimbaud
Expérience positive avec la nouvelle formule
Le 01 juin 2021
Je suis heureuse d'apprendre que moins de 0,75% des patients ont eu un effet indésirable. Pour ma part, je suis très contente de cette nouvelle formule qui me permet d'avoir une stabilité avec une dose moins importante. On m'a diagnostiqué une euthyroïdie par dysthyroïdie auto-immune il y a 32 ans. 3 mois après le changement de formule, je me suis sentie fatiguée et j'ai recommencé à perdre mes cheveux, j'étais un peu dépressive alors qu'on était en plein été (période où habituellement j'ai une forme olympique). mon endocrinologue m'a tout de suite fait faire un contrôle de TSH. Diagnostic : j'étais tout simplement en surdosage, alors que ça faisait plus de 25 ans que tout était OK avec mes 100 µg la posologie a été descendue à 88 µg et tout va bien. Je sais bien que un cas satisfait c'est loin de 99,25 % de personnes n'ayant pas d'effets indésirables. Je ne sais pas si les personnes ayant connu des effets indésirables se sont rapprochées rapidement de leur endocrinologue, ni quelle était leur pathologie, si elles avaient eu ou non une chirurgie de la thyroïde et c'est ce qui m'a manqué pour suivre cette histoire judiciaire. Avant de crier "Haro sur le baudet", les sujets de médecine ne devraient être traités que par des journalistes connaissant le sujet et posant les bonnes questions et non faire le buzz avec une actrice en colère et un procès d'intention en jugeant coupable d'emblée les laboratoires.
Mon but n'est pas de défendre les laboratoires (ils ont des avocats pour ça) et ils sont plus riches et puissants qu'une "petite infirmière" mais je voulais parler de mon expérience positive de soignante - patiente avec la nouvelle formule du LEVOTHYROX.
Nathalie Dugardin (IDE)
La lévothyroxine est une molécule connue pour sa fragilité
Le 03 juin 2021
"Par ailleurs, les experts judiciaires épinglent la variabilité des conditions de production du médicament, non sans incidence sur sa fragil(ité)" ; Tiens-tiens... La lévothyroxine est en effet, une molécule connue pour sa fragilité. Impossible de faire des études de bioéquivalence sans une garantie absolue sur le taux de départ de la molécule, avec une méthode de dosage bien validée, qui ne mélange pas principe actif et molécules dégradées, notamment. Il y a 30 ans, les laboratoires communiquaient facilement ce type de données aux professionnels de santé, mais les temps ont bien changés.
Jean-Marie Desprez-Curély (Pharmacien hospitalier)