Levothyrox : une étude de bioéquivalence mal adaptée ?

Paris, le jeudi 22 août 2019 - Dans une lettre publiée dans la revue Clinical Pharmacokinetics, des chercheurs français et britanniques en pharmacologie s’interrogent sur la taille de l’échantillon de l’étude de bioéquivalence réalisée par les laboratoires Merck destinée à comparer la nouvelle formule du Levothyrox à l’ancienne. Ces travaux ont concerné 204 personnes et avaient conduit à confirmer la bioéquivalence moyenne entre les deux formulations. Cependant, Didier Condorcet et coll. observent que ce large échantillon ne permettait pas de mettre en évidence la fréquence des variations individuelles. Ces auteurs vont plus loin en mettant en évidence qu’un échantillon de plus petite taille (plus souvent de mise dans ce type d’études) aurait conduit à remettre en cause la bioéquivalence. Dès lors, ils suggèrent que le nombre important de sujets aurait été destiné à favoriser la démonstration d’une bioéquivalence moyenne. Les laboratoires Merck ont rapidement répondu que leur protocole répondait parfaitement aux réglementations en vigueur et a d’ailleurs été validé par les autorités françaises. S’il est bien difficile, bien que d'aucuns n’aient pas hésiter à le faire, de conclure à l’existence d’une manipulation délibérée et s’il faut une nouvelle fois rappeler qu’au-delà d’effets secondaires transitoires chez certains patients le passage de l’ancienne formule vers la nouvelle formule ne peut être considéré comme un scandale sanitaire (sauf peut-être un scandale de communication sanitaire), cette observation invite une nouvelle fois à s’interroger sur le manque d’adaptation des protocoles de bioéquivalence en général et pour les médicaments à marge thérapeutique en particulier. 

A.H.

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Vos réactions (1)

  • La pharmacologie dévoyée

    Le 25 août 2019

    C'est l'usage qu'en font les autorités de santé qui est stupide.
    L'idée même de "bio-équivalence", totalement inepte du point de vue médical, n'a été inventée que pour satisfaire l'administration. Le but était de promouvoir l'industrie des médicaments génériques, à visée purement économique - pour ne pas dire commerciale. En particulier, il s'agissait de défendre la notion, indéfendable, de "substituabilité".

    Stricto sensu, nul médicament ne peut être "bio-équivalent" à aucun autre, ni à lui-même ! En effet, la PK et la PD sont très personnelles et ne peuvent être prédites qu'avec une grande marge d'erreur compte tenu de l'énorme variance inter-individuelle. D'innombrables facteurs sont en cause dans l'hétérogénéité des réponses, et on ne cesse d'en découvrir de nouveaux (le rôle du microbiote intestinal étant un exemple).

    Pour une personne donnée, la posologie optimale d'une spécialité ne peut évidemment jamais être déterminée arbitrairement et requiert une mesure attentive des effets cliniques, voire de biomarqueurs. De même, que ce soit en raison du principe actif, de sa formulation ou de la galénique, aucune substitution thérapeutique n'est possible sans adaptation individuelle. Laisser croire qu'on peut, sans autre précaution, substituer une spécialité à une autre est une tromperie. Un générique n'est pas moins fiable que son princeps, il peut même lui être supérieur à divers points de vue, mais la valse des médicaments par "substitution" au bon vouloir du pharmacien (piloté par ses fournisseurs) est inadmissible.

    Techniquement, augmenter l'effectif d'une comparaison de spécialités d'un même principe actif consiste seulement à réduire l'intervalle de confiance de la concentration circulante moyenne (et de son profil). Cela conduit à réduire l'imprécision de la mesure demandée par les autorités de santé, qu'elles dénomment "bio-équivalence". Le malheur est que cette demande est stupide, puisqu'elle ne s'intéresse à des moyennes en population, alors que le problème posé relève strictement du" n=1".

    Si l'on utilisait une méthode adaptée, fondée sur l'analyse des écarts intra-individuels, on aboutirait à la conclusion (connue des praticiens!) de la non prédictibilité générale des réponses. Le problème est que cela invaliderait totalement le système réglementaire en vigueur destiné à réduire d'une manière simpliste les dépenses pharmaceutiques.

    Dr Pierre Rimbaud

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