L’initiative « Choosing Wisely » pour prévenir le burn-out chez les professionnels de santé
Le burn out (syndrome d’épuisement professionnel) chez les
personnels de santé, qu’ils exercent en ville ou à l’hôpital, est
un phénomène quasi mondial touchant les pays riches comme les pays
à faibles revenus. La pandémie de la Covid-19 a augmenté
l’épuisement professionnel de ces personnels avec comme conséquence
une augmentation des dépressions et du burn-out.
Un rapport de consensus américain publié par la « National
Academy of Medicine » en 2019 avait montré que l'épuisement
professionnel était fréquent chez les personnels de santé ; il
touchait entre un tiers et la moitié des personnels infirmiers et
des médecins américains, et entre 45 et 60 % des étudiants en
médecine. Le rapport préconisait des recommandations centrées non
seulement sur la création d’environnements de travail et
d’apprentissage plus efficients, mais aussi sur la réduction de la
charge de travail administratif [1].
Des chercheurs de l’Université du Michigan ont conduit une
étude publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) en
octobre 2022, menée sur onze années auprès de plus de 17 000 jeunes
médecins. Les résultats ont montré que chez les médecins, le risque
de dépression augmentait proportionnellement avec le nombre
d'heures travaillées [2]. A noter que les niveaux d’heures de
travail se situait entre 65 et 80 heures/semaine.
Les données recueillies au Royaume-Uni sur 170 études
observationnelles incluant 240 000 médecins, dont les résultats ont
été précédemment présentés dans le JIM.fr en septembre 2022,
ont montré que « le burn out est associé à un désengagement
professionnel… Les médecins souffrant de burn out sont 4 fois plus
souvent insatisfaits de leur métier. Ils expriment aussi 3 fois
plus souvent l’intention d’en changer…L’épuisement émotionnel est
l’élément déterminant de l’intention de changer de métier »
[3].
Le burn out a aussi comme conséquences une augmentation des
taux de démission et de la rotation des personnels (hôpital et
clinique). Il était donc pertinent de proposer des solutions pour
éviter ou diminuer l’épuisement des professionnels de
santé.
Réduire voire abandonner les activités les moins utiles
Cette stratégie du « Choosing wisely », que l’on pourrait traduire
par « choisir à bon escient », avait été recommandée par
l'American Board of Internal Medicine Foundation et adoptée
par des sociétés savantes médicales de nombreuses spécialités ;
elle vise à donner aux cliniciens les moyens de pratiquer en
priorité les tâches centrées sur le patient. Elle est
essentiellement fondée sur la réduction de certaines tâches
administratives de plus en plus complexes et très chronophages ;
elle vise aussi à éliminer les procédures médicales inutiles
[4].
La stratégie a été présentée au cours du JAMA HEALTH Forum qui
s’est tenu le 4 novembre 2022 ; elle a été mise en œuvre par une
équipe d'experts de l'Université du Michigan et du Dartmouth
College (système de santé Michigan Médecine) [5].
Il s’agit de prioriser les soins et la prévention médicales (en
particulier le dépistage), de favoriser le partage des données à
travers la gestion simplifiée des dossiers de santé électroniques,
de demander aux gestionnaires de favoriser des recherches pour
juger de l’efficacité et de l’efficience, ou de l’inutilité de
certaines tâches imposées par la réglementation, et de permettre
ainsi de réduire ou de supprimer les tâches sans valeurs ajoutées
pour les patients. Pour atteindre ces objectifs, les auteurs
insistent sur la nécessité pour les gestionnaires des organisations
de santé d’impliquer les cliniciens dans la recherche des solutions
permettant de limiter leurs tâches.
Une fois les pratiques problématiques identifiées et après avoir
examiné les données probantes issues des recherches, l'étape
suivante consiste à établir des priorités dans ce qui doit être
arrêté. Ces efforts nécessitent des partenariats entre les
cliniciens, les responsables des soins de santé et les «
administratifs ».
Selon l’auteur principal, chef du service de médecine générale
de la Michigan Medicine, « La stratégie a eu un impact incroyable
sur la façon dont nous pratiquons la médecine ».
Conclusions des auteurs
La stratégie Choosing Wisely, appliquée aux pratiques de
gestion clinique, peut aider les cliniciens, les dirigeants des
systèmes de santé, les décideurs, les payeurs et les régulateurs, à
conduire un changement en éliminant les pratiques de gestion
clinique à faible valeur ajoutée pour les patients et à soutenir le
personnel clinique dans la prestation de soins sûrs, équitables et
centrés sur le patient.
La mise en œuvre de ce programme a entraîné des changements
positifs substantiels dans la vie quotidienne des cliniciens,
changements qui sont essentiels pour faire face aux perturbations
opérationnelles continues dues aux départs de personnel, ce qui
menace les gains de qualité, de sécurité, d'équité et de confiance
dans le système de santé.
Un point n’a pas été abordé ici, celui de transferts ou de
délégations de tâches des médecins vers d’autres personnels de
santé (personnels infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes,
opticiens…), ce qui permettrait de réduire certaines tâches
classiquement dévolues aux médecins. Aux USA ce processus est
largement développé, mais il fait toujours débat en France.
Cependant une des conséquences en France de la pandémie de la
Covid-19 a été la multiplication de tâches médicales pouvant être
réalisées par d’autres professionnels de santé que les médecins
(vaccinations, tests diagnostiques de la Covid-19…).
« Cependant une des conséquences en France de la pandémie de la Covid-19 a été la multiplication de tâches médicales pouvant être réalisées par d’autres professionnels de santé que les médecins (vaccinations, tests diagnostiques de la Covid-19…) ». Et que fait-on face à la levée de boucliers des médecins qui se disent au bord du burn-out mais qui défendent bec et ongles leurs sacro-saintes compétences alors que bien des tâches pourraient être prises en charge par les paramédicaux. Je suis débordé mais je fais une crise existentielle si par malheur une réorganisation du travail de chacun est mise en place.
S Dupont, puéricultrice
C’est l’avenir
Le 04 décembre 2022
La délégation de tâches est l’avenir de la médecine de qualité mais déléguer ne veut pas dire se débarrasser et le médecin doit rester maître du jeu au sein d’une structure privée ou publique et veiller à la qualité des soins centrée sur le patient ; cette solution améliorera la prise en charge du patient et le coût en dépenses de santé et diminuera l’impact émotionnel ou la pression ressentie par le médecin. C’est identique pour les tâches administratives et les contrôles de qualité qui doivent être gérés par un délégué de confiance qui travaille pour la structure médicale et qui comprend les tenants et aboutissants en santé. Mais tout ceci doit s’articuler autour de la relation de confiance entre le patient et le médecin.