
Paris, le jeudi 12 janvier 2023 – La commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale a voté la proposition de loi visant à permettre l’accès direct aux IPA.
La colère des syndicats de médecins libéraux ne risque pas de retomber. Eux qui multiplient les mouvements de protestation depuis plusieurs mois pour obtenir notamment une hausse du tarif de la consultation, les voilà confrontés à une autre « déclaration de guerre » (selon les termes du SML) contre leur profession : la proposition de loi Rist, du nom de la députée Renaissance le Dr Stéphanie Rist, qui prévoit de permettre l’accès direct à plusieurs professions paramédicales, dont notamment les IPA (Infirmiers de Pratique Avancée). Une proposition de loi très décriée par des médecins et qui a été adoptée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale ce mardi.
Selon le Dr Rist, sa proposition de loi vise à « faciliter l’accès aux soins tout en valorisation les compétences des professionnels » et à « aller plus vite et plus loin pour libérer du temps médical ». Par ces termes, la députée Renaissance reprend les mots du Président de la République qui, lors de ses vœux aux professionnels de santé vendredi dernier, a fait de la libération du temps médical une priorité pour les années à venir et s’est exprimé en faveur de la généralisation de l’accès direct aux professions paramédicales. La loi Rist vise ainsi à pallier « une offre de soins insuffisante », notamment dans les déserts médicaux, en permettant aux patients de « consulter en première intention un professionnel de santé sans devoir passer par un médecin ».
Si la proposition de loi Rist ouvre l’accès direct aux kinésithérapeutes (article 2) et aux orthophonistes (article 3), à condition qu’ils exercent dans une structure d’exercice coordonnée et rendent compte au médecin traitant, c’est surtout les infirmiers en pratique avancée qui voient leur compétence élargie.
IPA : deux catégories distinctes et un droit à la primo-prescription reconnu
Si la loi est adoptée, les patients pourront donc consulter ces infirmiers sans passer par un médecin, là encore à condition que les IPA soient inscrits dans une démarche d’exercice coordonnée, c’est-à-dire qu’ils participent à « une équipe de soins primaires, une maison de santé, un centre de santé ou une communauté professionnel territorial de santé (CPTS) » selon le Dr Rist. Mais la rhumatologue a reconnu que cette définition de l’exercice coordonnée était sans doute un peu trop large et s’est engagée à réécrire le texte pour que ce soit les professionnels adhérents à la CPTS qui définissent leur propre « projet d’accès direct ».
Autre nouveauté, la proposition de loi créé désormais deux types d’IPA, comme un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de janvier 2022 le préconisait. Les IPA praticiens interviendront en amont du médecin pour « prendre en charge des pathologies courantes identifiées comme bénignes en soins primaires » selon le Dr Rist, tandis que les IPA spécialisés auront « vocation à prendre en charge des pathologies complexes ». Par ailleurs, tous les IPA vont se voir ouvrir le droit à la primo-prescription « de produits de santé et de prestations soumises à des prescriptions médicales obligatoires ». Cette primo-prescription des IPA, qui était déjà inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022, sera d’abord expérimentée en Bretagne, au Centre-Val-de-Loire et en PACA.
Au cours des débats, sans s’opposer frontalement à l’idée de permettre un accès direct aux paramédicaux et notamment aux IPA, les oppositions de gauche comme de droite se sont inquiétées du manque d’encadrement médical de cet accès direct. « L’ambition est juste mais cette ouverture ne doit pas se faire sans encadrement » a résumé Sandrine Rousseau (Nupes).
Plusieurs députés LR et RN ont ainsi proposé que l’accès direct soit toujours encadré par un protocole « validé par un médecin ou une équipe médicale », selon la proposition de Joelle Mélin (RN). « Les IPA eux-mêmes le demandent, car derrière il y a une responsabilité médicale » a insisté la députée des Bouches-du-Rhône.
Les syndicats de médecins libéraux vent debout
L’amendement de la députée d’extrême-droite a cependant été rejeté par la commission des affaires sociales, tout comme une autre proposition de la députée LFI Ségolène Amiot, visant à dresser une liste préétablie d’actes que les IPA seront autorisés à effectuer. « On veut trop corseter l’exercice, il n’y a pas besoin de protocoliser » leur a répondu Frédéric Valletoux, député Horizons et ancien président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) pour justifier le rejet de ces amendements.
La proposition de loi Rist, qui sera débattu en séance publique à partir de lundi prochain, a déjà été vivement critiquée par les syndicats de médecins libéraux, le SML évoquant une « insulte pour notre profession ». La loi suscite même la colère de ceux qui étaient restés en retrait des mouvements de grève des dernières semaines. La CSMF a ainsi évoqué le risque d’une médecine à deux vitesses, « celle de ceux qui auront un médecin, celle de ceux qui auront un officier de santé », tandis que MG France parle d’une « remise en cause totale du rôle du médecin traitant » et de « risques évidents de dérives en termes d’orientation du patient ».
A contrario, l’ouverture de l’accès direct a été logiquement salué par les organisations représentant les infirmiers, kinésithérapeutes et les orthophonistes, qui appellent à « mettre de côté l’ego et le corporatisme des professions de santé ».
Voulue pour améliorer la collaboration entre les professionnels de santé, la loi Rist a pour l’instant plutôt tendance à les diviser.
Quentin Haroche