
Paris, le mardi 7 mars 2023 – Après ses « assises du déconventionnement », le Dr Jérôme Marty appelle les médecins à mettre la pression sur l’Assurance Maladie en menaçant de quitter le système de la convention.
Avec 700 médecins présents dans la salle à Paris et 1 000 autres suivant l’évènement à distance, les premières assises du déconventionnement, organisées à Paris vendredi et samedi dernier, ont été semble-t-il une réussite. « Ces Assises sont un acte fondateur et osons le dire, un jour historique » affirme dans son communiqué l’Union Française pour une médecine libre (UFML), qui a organisé la rencontre.
Si l’évènement a intéressé tant de médecins, c’est qu’il s’inscrit dans un contexte particulier, celui de quatre mois de négociations conventionnelles particulièrement houleuses, marquées par des grèves et des manifestations et qui n’ont finalement abouti à rien, l’ensemble des syndicats ayant refusé de signer le texte élaboré par la CNAM. Fatigués par ce qu’ils ressentent comme un mépris grandissant des autorités à leur égard et inquiets de la détérioration du système de santé, certains praticiens semblent donc envisager sérieusement une solution radicale, celle de quitter le système de la convention, pour se mettre en secteur III.
Le secteur III, un paradis pour les médecins ?
Tout au long de ces deux journées de conférence, les médecins ont pu être informés des tenants et aboutissants économiques, juridiques et pratiques du déconventionnement. Ils ont également pu entendre les témoignages d’une poignée de praticiens en secteur III, destinés évidemment à donner une bonne image de ce choix. Tous ont décrit le même parcours : l’installation, le désenchantement qui survient, l’enfer administratif du secteur I qui les pousse au bord du burn-out et la décision de se déconventionner. « Une lettre à la Sécu et on a la liberté » explique le Dr Antoine Rose, rhumatologue qui dit avoir fait un burn-out avant de se déconventionner en 2012.
A en croire ces médecins du secteur III, quitter la convention médicale n’aurait que des avantages : liberté de fixer ses honoraires, meilleure situation financière et surtout meilleures conditions de travail, le médecin n’étant plus obligé de faire de l’« abattage » et pouvant prendre son temps avec ses patients. « Je passe plus de temps avec mes patients, j’ai retrouvé le plaisir de travailler, je n’ai plus du tout envie de déplaquer » se réjouit le Dr Paule Annick Ben Kemoun, ophtalmologiste en secteur III depuis 2017.
Les médecins qui ont témoigné ont également répondu aux critiques de ceux qui estiment qu’un praticien déconventionné est condamné à perdre toute sa patientèle (inquiète du déremboursement) ou que le déconventionnement nuit à l’accès aux soins des plus modestes et concourt au développement d’une « médecine à deux vitesses ». « Les patients viennent nous voir parce qu’ils sont malades, pas parce qu’ils sont remboursés » lance le Dr Jean-Marc Sène, médecin du sport qui, fait extrêmement rare, n’a jamais été conventionné. Tous les médecins en secteur III qui sont intervenus lors des assises assurent en outre moduler le montant de leurs honoraires selon la situation sociale de leurs patients et même pratiquer des actes gratuits.
La menace d’un « déconventionnement collectif »
Les assises du déconventionnement se sont conclues par une cérémonie au cours de laquelle plusieurs centaines des médecins présents ont glissé dans une urne une promesse de déconventionnement. L’objectif du syndicat du Dr Jérôme Marty est en effet de créer un mouvement de « déconventionnement collectif » afin de mettre la pression sur l’Assurance Maladie. Le patron de l’UFML se donne 18 mois pour réunir au moins 15 000 médecins derrière ce projet. « Collectivement nous aurons du poids et l’Assurance Maladie sera bien obligée de nous entendre et de valoriser l’expertise médicale » explique le praticien. « Le déconventionnement collectif sera mis en œuvre en l’absence de volonté politique claire et concrète de relance de l’attractivité de la médecine libérale » explique le communiqué de l’UFML.
L’Assurance Maladie, qui dénonce l’attitude qu’elle juge irresponsable du Dr Marty et de son syndicat, estime qu’il ne s’agit que d’un coup de bluff et que les médecins n’oseront pas embrasser « un système qui fait peser l’accès aux soins sur les moyens financiers du patient ou sur son contrat de complémentaire santé ». Rappelons de fait que le déconventionnement est un phénomène extrêmement marginal : seulement 796 médecins sont en secteur III, sur plus de 111 000 médecins installés.
Quentin Haroche