Lyme : une proposition de loi urticante

Paris, le mercredi 9 octobre 2019 – En 2015, des députés du groupe Les Républicains avaient déjà déposé une proposition de loi visant à accroître les efforts de recherche concernant la maladie de Lyme et à mettre en place un plan national dédié à cette maladie. Le texte avait été rejeté, mais le gouvernement avait alors promis qu’un programme serait installé. De fait, en 2016, différentes actions ont été lancées. La Haute autorité de Santé (HAS) s’est notamment vue confier le soin de réactualiser ses recommandations concernant le dépistage, la définition et la prise en charge de la maladie de Lyme. Alors que des thèses, dont la solidité scientifique est parfois discutable, remettent en cause depuis plusieurs années non seulement la fiabilité des tests sérologiques, mais également la description de la maladie (avec une volonté de reconnaissance de formes chroniques) et son traitement (avec un plaidoyer pour des antibiothérapies au long cours mais aussi pour des thérapeutiques non validées), ces nouvelles recommandations de la HAS étaient très attendues. Ambiguës, elles ont proposé la reconnaissance de la notion non parfaitement cohérente de Symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique (SSPT). Tant cette nouvelle nosologie que certaines prises de distance de la HAS avec les tests sérologiques ont conduit la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) à refuser de s’associer à l’institution et d’entériner ces recommandations. Soutenue par plus de vingt autres sociétés savantes, et sollicitée par la Direction générale de la Santé (semblant en partie désavouer la HAS), la SPILF a choisi d’édicter ses propres préconisations au début de l’été. Ces dernières confirment la place des tests sérologiques (sauf exception), la définition classique des borrélioses (mais un chapitre complet s’intéresse aux cas complexes) et réaffirment l’efficacité des antibiothérapies de quelques semaines.

Des députés hostiles à la SPILF

La coexistence de ces deux recommandations est un symbole du malaise français autour de la maladie de Lyme et beaucoup ont signalé combien cette situation ajoutait à la confusion des patients et des professionnels de santé. C’est également le constat fait par 80 députés de tous bords qui viennent de déposer une nouvelle proposition de loi autour de la maladie de Lyme. Mais si la complexité de la situation actuelle et la nécessité d’apporter une certaine clarté pouvaient justifier une intervention du législateur, on constate facilement le parti pris de ces élus. Ecorchant la signification de l’acronyme de la SPILF en la désignant comme « la société savante d’infectiologie », le discours des députés dénote une certaine désapprobation à son égard. « Le risque existe donc de voir cohabiter en France deux recommandations dont aucune ne sera consensuelles car la SPILF refuse toujours de reconnaître l’existence des formes sévères de maladies vectorielles à tiques » peut-on ainsi lire sous la plume des députés qui paraissent exclure qu’il existe une autre voie que cette fameuse reconnaissance.

Parti pris qui fait tiquer

L’ensemble du texte de la proposition de loi des députés marque leur adhésion à des thèses qui ne sont cependant pas toujours fondées sur un véritable consensus scientifique. Dès les premières lignes, on relève ainsi par exemple : « En France, malgré des critères de comptabilisation réducteurs liées à l’imperfection des tests sérologiques, ce sont néanmoins chaque année de l’ordre de 50 000 cas qui sont officiellement recensés ». Plus loin, les députés veulent considérer le succès d’une réunion organisée par des « spécialistes » controversés comme le gage d’un message qui devrait être entendu : « À Thaon les Vosges, une conférence organisée par les Forestiers Privés le 11 avril dernier, en présence du Dr Christian Perronne et de nombreuses associations "Lyme" (Collectif Lyme Team, Chronilyme, Lyme sans frontières, etc.) a réuni plus de 800 personnes, témoignant d’une mobilisation à la hauteur des interrogations des patients et de leurs proches ». On note par ailleurs, comme le relève l’Association française de l’information scientifique (AFIS) qui s’inquiète dans un communiqué publié hier du dépôt de cette proposition de loi, une interprétation erronée de récentes recommandations américaines, qui n’ont pas conduit à la reconnaissance d’une forme chronique telle que certains partisans d’une déconstruction totale de la définition actuelle de la maladie de Lyme l’envisagent. Enfin, les attentes des élus dans ce texte peuvent apparaître contestables. Ainsi, en appelant à « conduire des études randomisées de traitement de plus de quatre mois afin d’évaluer les bénéfices d’un traitement prolongé antibiotique » instillent-ils l’idée que de tels traitements seraient bénéfiques et n’auraient jamais été évalués. En réalité, aucune étude menée pour évaluer les traitements prolongés n’a pu montrer l’intérêt de ceux-ci et toutes concluent à leur dangerosité. De même, demander de « clarifier et quantifier les risques de contamination in utero, par le sang et par le sexe » laisse-t-il entendre qu’un grave danger ne serait pas pris en compte, alors que ce danger est déjà bien quantifié » rappelle l’AFIS.

Si cette proposition est probablement une nouvelle illustration du décalage entre action politique et consensus scientifique, elle confirme également la nécessité d’une voix claire concernant la maladie de Lyme, qui mettrait fin à la confusion effectivement entretenue par la coexistence de recommandations sur certains points discordantes.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (7)

  • Lyme et loi

    Le 09 octobre 2019

    Le domaine de la loi est définie par la constitution et la constitution n'a pas prévu de définir les maladies par la loi.
    Deja qu'une jurisprudence basée sur une expertise pour le moins légère a privé une partie de la population du vaccin hépatite B !

    L'AFIS a publié un communiqué concernant cette proposition de loi. C'est du populisme quotidien.

    Dr Didier Marc Poisson

  • Surdité

    Le 09 octobre 2019

    L'utilité d'une voix claire ne s'entend que si l'auditoire n'est pas sourd...et comme le dit l'adage, "il n'y a de pire sourd que celui qui refuse d'entendre".

    Dr Patrick Le Pogamp

  • De quoi j'me mêle ?

    Le 09 octobre 2019

    La science médicale va enfin progresser : ce sont nos génies de l'Assemblée qui vont l'édicter.

    Dr Pierre Rimbaud

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