
Des conséquences immédiates du revirement de la jurisprudence de la Cour de Suprême
Face à cette situation, le parti du Président Joe Biden a
voulu croire cet été que les questions de société et notamment
celle de l’avortement pourraient faire la différence. Après le
revirement de jurisprudence de la Cour Suprême des Etats-Unis
considérant que contrairement à ce qu’avait affirmé l’arrêt Roe vs
Wade l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ne devait pas
être considérée comme un droit constitutionnel, les démocrates ont
savouré le rejet d’une proposition de modification de la
Constitution du Kansas qui projetait l’interdiction de
l’avortement.
La mobilisation associée à ce référendum local a conforté les
démocrates dans l’idée que le droit à l’avortement constituait une
préoccupation majeure des électeurs. La détermination des proches
de Joe Biden a également été renforcée par les répercussions déjà
nombreuses des nouvelles législations et notamment de
l’interdiction totale de l’IVG dans douze états.
Ainsi, une étude récemment publiée dans le JAMA montre que le
nombre de demandes quotidiennes auprès du service de télémédecine
Aid Access qui prescrit et envoie des pilules abortives depuis
l’étranger dans 30 états américains est passé de 83 avant l’arrêt
de la Cour suprême à 213 dans les jours qui ont suivi. Il est à
noter de plus que, dans les 100 jours après la décision des juges,
66 cliniques du pays ont définitivement cessé de réaliser des
avortements.
Mauvaise cible
Dans ce contexte, 320 millions de dollars ont été dépensés en
frais de publicité par le parti Démocrate pour financer des clips
et des messages sur ce thème, contre 31 millions pour l’inflation.
« Arrêtons les Républicains qui criminalisent l’avortement
partout. Protégez les droits des femmes et la liberté » peut-on
lire à la fin d’un clip californien où l’on voit une femme se faire
arrêter lors d’un tranquille diner familial parce qu’elle a choisi
de mettre fin à une grossesse, tandis que dans le Wisconsin Mandela
Barnes a demandé à sa mère de témoigner sur son avortement.
Cependant, les semaines s’écoulant, la préoccupation des
Américains vis-à-vis de l’avortement s’est émoussée, remplacée en
particulier par l’inflation, sujet que les démocrates n’ont
finalement abordé frontalement que tardivement. Aujourd’hui, seuls
5 % des Américains affirment que l’avortement est une priorité
influençant leur vote, selon une enquête publiée il y a quelques
jours par le New York Times.
Outre l’importance prise par les questions économiques,
l’efficacité de l’investissement des démocrates a également sans
doute été en partie amoindrie par le flou ou le silence observés
par la grande majorité des Républicains, à l’exception de quelques
sorties remarquées, comme celle du chirurgien pro Trump, Mehmet Oz
qui a estimé que l’IVG était l’affaire « de la femme, de son
docteur, et des politiciens locaux ».
L’Amérique plus que jamais divisée
En tout état de cause, la promesse de Joe Biden en cas de
victoire des démocrates de proposer une loi inscrivant l’IVG dans
la constitution semble avoir peu de chance d’aboutir si l’on en
croit les derniers sonsages. Cependant, certains états ont choisi
de poser la question aux électeurs : en Californie, dans le Vermont
et au Michigan ils devront se prononcer sur l’opportunité
d’intégrer le droit à l’avortement dans la constitution de leur
état. Si ces référendums obtiennent une réponse positive, la
scission américaine ne sera que plus profonde.
Aurélie Haroche