
Un décret, publié au journal officiel le 29 septembre 2022
entend clarifier cette situation et indique clairement que jusqu’à
18 ans les enfants atteints de pathologie mentale doivent être
hospitalisés en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent…Une
belle intention qui risque de rester lettre morte.
Le décret opère ainsi une distinction claire entre la prise en
charge des mineurs et des majeurs en venant modifier l’article. R.
6123-175 du code de la santé publique.
Il prévoit : « l’activité de psychiatrie est exercée
suivant les mentions suivantes (…) psychiatrie de l’adulte assurant
les prises en charge de l’adulte » et « psychiatrie de
l’enfant et de l’adolescent assurant les prises en charge de
l’enfant et de l’adolescent de la naissance à l’âge de dix-huit ans
» et « psychiatrie périnatale organisant les soins conjoints
parents-bébés, dès l’antéconceptionnel et le prénatal ».
Le décret prévoit aussi que le passage d’une prise en charge
en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à une prise en charge
en psychiatrie de l’adulte soit « organisé conjointement et de
manière anticipée entre les deux services ou titulaires concernés.
Un protocole général définissant des modalités d’organisation de
cette transition entre les deux services ou titulaires concernés
est élaboré. Dans ce cadre, le titulaire de l’autorisation peut
assurer la prise en charge du patient mineur durant ce temps de
transition ».
Un décret qui ne tient pas compte de la situation de la pédopsychiatrie
Mais ce texte bien intentionné ne fait que tracer les contours
d’un monde idéal sans prise avec le réel.
Le réel ? Les professionnels de la pédopsychiatrie le
connaissent bien. Il prend la forme d’une pénurie chronique de
lits, de structures et de professionnels. Une situation qui
s’est encore aggravée avec la crise sanitaire. Depuis 2020 et la
Covid, les services de pédopsychiatrie, déjà débordés, sont
submergés par un nombre toujours plus important d’adolescents en
détresse psychologique.
Depuis le deuxième confinement fin 2020, les pédopsychiatres
observent ainsi une très forte augmentation du nombre d’enfants et
adolescents souffrant de troubles dépressifs ou qui commettent des
tentatives de suicide. Et la fin des contraintes sanitaires ne
semble pas avoir fait refluer la vague.
Selon un bilan établi par Santé Publique France en avril
dernier, « les passages aux urgences pour geste suicidaire,
idées suicidaires et troubles de l’humeur se maintiennent à des
niveaux élevés » au premier trimestre 2022, « comparables
voire supérieurs à ceux observés début 2021 ».
Plus de 250 mineurs de moins de 16 ans ont ainsi été admis
dans un service de psychiatrie adulte rien que pour la ville de
Nantes en 2021 ! Pour les observateurs, le pis-aller d’hospitaliser
les adolescents avec les adultes ne pourra se résoudre sans un
grand plan de long terme en faveur de la pédopsychiatrie, qui
devrait commencer par s’atteler aux moyens dévolus à la formation
des pédopsychiatres…
Le taux d'encadrement des futurs pédopsychiatres est en effet
« le plus faible des spécialités médicales » dénonçait dès 2017
le CNUP (Collège National des Universitaires de Psychiatrie). Quant
aux postes de clinicat, ils sont « dix fois moindres que dans
certaines spécialités » !
D’ailleurs, dans le décret publié fin septembre, le
gouvernement a bien prévu que les services de psychiatrie de
l’adulte puissent continuer d’accueillir « à titre exceptionnel,
en fonction des besoins de prise en charge », des patients
mineurs âgés de 16 ans et plus…
Business as usual…
F.H.