
Paris, le mardi 17 janvier 2023 – La CNAM a révélé son programme pour améliorer l’accès aux soins et simplifier la nomenclature, un plan qui fait presque l’unanimité contre lui.
Le 6 janvier dernier, Emmanuel Macron présentait son plan pour réformer notre système de santé et notamment la médecine de ville. Résumé par la formule « donnant-donnant », son programme consistait à demander aux médecins libéraux de prendre en charge plus de patients et de s’investir davantage dans l’organisation territoriale de l’accès aux soins en échange d’une meilleure rémunération. Si le Président de la République n’a fait que tracer les grandes lignes de son plan, la CNAM l’a précisé la semaine dernière lors des rencontres bilatérales avec les syndicats dans le cadre des négociations conventionnelles.
Ce programme de lutte contre la désertification médicale repose sur la notion quelque peu floue, mais évoquée depuis décembre, d’« engagement territorial des médecins ». En pratique, chaque médecin libéral va se voir proposer d’adhérer à un « contrat d’engagement territorial » qui reposera sur quatre thématiques : « accès aux soins », « accès aux soins urgent », « accès financier » et « engagement populationnel ».
Pour chaque thème, le médecin devra choisir au moins un objectif à remplir parmi une liste préétablie pour valider l’item. Par exemple, pour valider le thème « accès aux soins urgents », le praticien aura le choix entre participer à la PDSA, participer au système de régulation SAS (comme régulateur ou effecteur) ou ouvrir son cabinet le samedi matin.
Quatre niveaux de consultation…mais sans tarif correspondant
L’adhésion à ce contrat « incitatif » sera rémunérée par un forfait annuel. La CNAM a précisé que ce contrat sera « indépendant », ce qui signifie que ce forfait pourra s’ajouter à d’autres forfaits incitatifs déjà existants, comme la majoration du forfait patient médecin traitant (FPMT) en cas d’installation dans une zone d’intervention prioritaire (ZIP), la prime OPTAM ou l’aide à l’embauche d’un assistant médical. Bref, une petite usine à gaz qui confirme la volonté affichée par Emmanuel Macron de favoriser la rémunération au forfait au détriment de celle à l’acte.
Le programme de la CNAM s’attaque également à une demande de longue date des médecins libéraux, à savoir la simplification de la nomenclature. Le directeur de la CNAM Thomas Fatôme a annoncé avoir « simplifier au maximum » en réduisant le nombre de codes et en regroupant des consultations. En découle quatre niveaux de consultations (allant donc de zéro à 3 !) : le niveau 0 pour les téléconsultations et les consultations de généraliste hors médecin traitant ; le niveau 1 pour les consultations courantes ; le niveau 2 pour les consultations des enfants, des patients en ALD, les premières consultations chez un médecin traitant et les bilans de prévention ; le niveau 3 pour les examens obligatoires de l’enfant, les visites longues et les consultations complexes.
« La composition des différents niveaux doit reposer sur des paramètres objectifs facilement appréhendables par les professionnels et les patients » explique la CNAM. Chacun jugera si cet objectif sera atteint. En revanche, l’Assurance Maladie ne s’est pas risqué à fixer le tarif de chacun de ces quatre niveaux de consultations, ce qui promet des discussions houleuses avec les syndicats.
La CSMF hausse le ton
Du coté des syndicats, ces nouvelles propositions de la CNAM ont presque fait l’unanimité contre elles. Sans surprise, les syndicats qui ont participé à la grève des médecins libéraux et qui demandent la hausse du tarif de la consultation sont vent debout contre cette orientation très forfaitaire. La Fédération des Médecins de France (FMF) a ainsi dénoncé une attitude de « mépris envers les médecins libéraux » et a appelé à rejeter le projet de contrat d’engagement territorial en bloc.
Même la Confédération des syndicats de médecins de France (CSMF), qui avait pour le moment adopté une position plutôt conciliante, n’a pas caché ses doutes sur ce contrat d’engagement territorial. Son président, le Dr Franck Devulder, a ainsi rappelé que le syndicat était favorable à « un contrat d’engagement populationnel à condition qu’il soit atteignable, ce qui n’est pas proposé par la CNAM ».
Le gastro-entérologue a pris l’exemple d’un des objectifs proposés aux praticiens libéraux, consistant à « participer à une réserve libérale pendant les vacances scolaires ». « On va donc demander aux libéraux de faire le travail à la place à la place des hospitaliers qui peuvent partir en vacances, c’est un rêve ! » s’insurge le Dr Devulder. Signe que les négociations se tendent, la CSMF a appelé à une nouvelle grève de la permanence des soins à partir de lundi prochain.
Tous les ponts (ou presque) semblent désormais rompus entre l’exécutif et les médecins libéraux.
Quentin Haroche