
Paris, le lundi 19 décembre 2022 – Le succès de la dernière réunion plénière avec la CNAM n’a pas convaincu les syndicats de médecins libéraux d’annuler leur appel à la grève.
L’espoir aura été de courte durée pour Thomas Fatôme. Après la très fructueuse réunion bilatérale de jeudi dernier, dans le cadre des négociations pour l’élaboration de la future convention médicale, sans doute le directeur général de l’Assurance Maladie pensait que les syndicats de médecins libéraux retireraient leur appel à la grève, pour privilégier les discussions. Après tout, les différentes parties prenantes s’étaient mis d’accord sur de nombreux points (réforme de la nomenclature tarifaire, simplification de la ROSP, maintien des majorations pour les SNP…) et toutes les parties prenantes avaient salué « l’intensité des échanges » et la « qualité de l’écoute ». Pourtant, les syndicats ont réitéré ce week-end leur appel à la mobilisation et à maintenir la pression sur la CNAM.
Du coté des plus « radicaux », on retrouve l’Union Française pour une Médecine Libre (UFML) et la Fédération des Médecins de France (FMF), qui ont rejoint l’appel lancé par le collectif informel « Médecins pour demain » (déjà à l’origine de la grève historique du 1er décembre) à mener une grève dure entre Noel et le jour de l’An. Les deux syndicats estiment en effet que, malgré les avancées des dernières négociations, rien de concret n’a été décidé concernant le nœud du problème, à savoir le tarif de la consultation, qu’ils souhaitent faire réévaluer à 50 euros. « Pour l’instant, tout ce que la CNAM nous expose reste très formel » constate le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML. « On n’a toujours rien sur la table » abonde dans le même sens la Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF.
Maintenir une « pression raisonnable » pour la CSMF
Après quelques jours d’hésitations, le Syndicat des Médecins Libéraux (SML) a finalement décidé de rejoindre la danse et appelle ses adhérents à fermer leurs cabinets entre le 24 décembre et le 5 janvier inclus, afin notamment de participer ce jour-là à une manifestation des médecins à Paris. « Les médecins libéraux, outrés du peu de cas fait de leurs immenses efforts pour tenir à bout de bras le système de santé, passeront cette année les fêtes de fin d’année en famille » écrit dans un communiqué le syndicat, qui demande expressément la revalorisation du tarif de la consultation de base à 50 euros.
Plus modérée, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) constate que plusieurs avancées tangibles ont été obtenues lors des dernières négociations, notamment en ce que la CNAM a repris le projet du syndicat de revoir la nomenclature tarifaire autour de trois niveaux de consultations. Mais le Dr Franck Devulder reconnait « qu’il faut passer au concret » et espère une hausse importante du tarif de la consultation, sans donner le chiffre de 50 euros. La CSMF appelle donc simplement ses adhérents à fermer leurs cabinets le samedi matin, afin de maintenir une « pression raisonnable » sur la CNAM selon le Dr Devulder, qui reconnait que « certains médecins de terrain voulaient une grève plus dure ».
MF France inquiet pour le rôle du médecin traitant
Du côté de MG France, ce n’est pas tant la question du tarif de la consultation qui importe que les projets d’élargissement de l’accès direct aux professions paramédicales, vécus par le syndicat comme de véritables attaques contre le rôle central du médecin traitant généraliste. La Dr Agnès Giannoti, présidente de MG France, s’inquiète également du fait que la hausse de l’Ondam de la médecine de ville ne soit que de 2,9 % en 2023, expliquant qu’ « ona beaucoup de besoins de financement sur les soins de ville, il faut que l’enveloppe soit là, or ce n’est pas le cas ». Si elle soutient les différents appels à la grève lancés dernièrement, elle alerte sur le risque de faire échouer les négociations conventionnelles, ce qui entrainera un règlement arbitral a minima. « Ce sera au détriment des généralistes car les mesures prises seront moins intéressantes qu’une convention négociée » rappelle l’omnipraticienne.
Enfin, le syndicat Avenir Spé reste lui à l’écart de ces mouvements sociaux, son président le Dr Patrick Gasser estimant qu’il est « encore trop tôt » pour passer à l’action. A contrecourant des autres syndicats, Avenir Spé fait de sa priorité pour ces négociations conventionnelles l’indexation de l’ASV sur l’inflation et la clarification des conditions d’accès au secteur II.
Selon le calendrier prévisionnel, les rencontres bilatérales entre la CNAM et les syndicats reprendront en janvier avant une troisième réunion plénière le 20 février. D’ici là des grèves et des manifestations donc, dont le succès ou l’échec pèseront sans doute beaucoup sur l’avenir des négociations.
Quentin Haroche