Non, les directives anticipées ne s’imposent pas au médecin
Paris, le mardi 15 novembre 2022 – Le Conseil Constitutionnel a
confirmé que l’équipe médicale était en droit de passer outre les
directives anticipées d’un patient.
Début septembre, le Président de la République Emmanuel Macron
rappelait sa volonté de voir évoluer la législation française sur
la fin de vie. Bien que la question doive d’abord être analysée par
une « convention citoyenne », le chef de l’Etat n’a pas caché sa
volonté, confortée par un avis du Comité consultatif national
d’éthique (CCNE), de légaliser le suicide assisté. Pour les
partisans de la légalisation de l’euthanasie et du suicide
assistée, c’est en effet la liberté du patient qui doit primer.
Mais une récente affaire judiciaire nous montre bien que cette
liberté peut être bafouée, y compris pour faire triompher la
mort.
Cette fois le patient ne voulait pas mourir
Comme toutes les affaires concernant la fin de vie, l’histoire
commence par un drame. Le 18 mai dernier, à Valenciennes, un homme
de 43 ans est écrasé par un camion. Prise en charge par le centre
hospitalier de Valenciennes, la victime est dans le coma. Un mois
plus tard, le 9 juin, constatant l’arrêt de toute activité
cérébrale, l’équipe médicale décide de mettre fin aux traitements
et de laisser le patient mourir, conformément à la loi
Claeys-Leonetti qui recommande aux médecins de ne pas «
poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles,
disproportionnés ou qui n’ont d’autre effet que le seul maintien
artificiel de la vie ».
Mais la mère et la sœur du patient s’opposent à cette décision
avec un argument de poids : dans une lettre rédigée deux ans plus
tôt, le patient indiquait vouloir être maintenu en vie en pareil
cas. Pourtant, la justice administrative confirme la décision des
médecins d’arrêter les soins. En effet, l’article L. 1111-11 du
code de la santé publique (CSP) dispose que les directives
anticipées du patient ne s’imposent pas aux médecins lorsqu’elles
« apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la
situation médicale ».
La famille du patient a finalement saisi le Conseil
Constitutionnel via une question prioritaire de constitutionnalité
(QPC). Elle reproche aux dispositions de l’article L. 1111-11
d’être insuffisamment précises et de violer tout à la fois le
principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, la
liberté personnelle et la liberté de conscience, principes tous
garantis par notre Constitution.
Des directives anticipées trop anticipées
Des arguments finalement écartés par le Conseil
Constitutionnel qui, dans sa décision de jeudi dernier, a confirmé
la conformité de l’article L. 1111-11 à la Constitution. Tout
d’abord, les neuf sages ont jugé justifié que les directives
anticipées ne s’imposent pas en toutes circonstances, « dès lors
qu’elles sont rédigées à un moment où la personne ne se trouve pas
encore confrontée à la situation particulière de fin de vie dans
laquelle elle ne sera plus en mesure d’exprimer sa volonté
».
Un argument qui risque de vider de toute substance les
directives anticipées qui sont, par définition, rédigées en
anticipation d’une situation où la personne n’est plus capable
d’exprimer sa volonté.
Ensuite, le Conseil Constitutionnel estime, sans plus de
précision, que les termes « manifestement inappropriées ou non
conforme à la situation médicale du patient » contenus dans la
loi ne sont ni « imprécis, ni ambigus ». Enfin, les neufs
sages rappellent que la décision de l’équipe médicale peut faire
l’objet d’un recours en justice. Il en découle, selon eux, que les
dispositions contestées ne portent atteinte ni au principe de
sauvegarde de la personne humaine, ni à la liberté personnelle.
Curieuse conclusion pour une loi qui permet justement aux médecins
d’aller à l’encontre de la volonté du patient.
Si la question juridique est tranchée, celle bien plus
cruciale du maintien en vie du patient n’est pas encore réglée.
C’est désormais au Conseil d’Etat de confirmer ou d’infirmer la
décision du corps médical d’arrêter les soins du patient. Mais les
juges administratifs savent désormais que les directives anticipées
du patient ne doivent servir que d’indicateur dans la prise de
décision. A l’époque où l’on nous parle de « l’ultime liberté
» consistant à choisir sa mort, la volonté de rester en vie ne
semble donc pas devoir être prise en compte.
Est-ce qu'une lettre dans laquelle vous faites état de votre préférence d'un maintien en vie en cas de mort cérébrale est obligatoirement une directive anticipée ? Ce n'est pas certain, tout dépend du contexte de sa rédaction. Les directives ne sont pas un simple avis mais une déclaration d'intention ; donc tout dépend du contexte et de la forme du courrier présenté par la famille.
Dr S Rouchet
En vie ?
Le 16 novembre 2022
Quand vous êtes en état de mort cérébrale, vous êtes mort. Que peut vouloir dire dans ce contexte : "Être maintenu en vie" ?
Dr JP Huisman
Directives anticipées, obstination déraisonnable et liberté personnelle
Le 21 novembre 2022
L'article de Quentin Haroche est trompeur. Le Conseil Constitutionnel fonde avant tout sa décision sur l'interdiction de l'obstination déraisonnable et non pas sur le principe de sauvegarde de la personne humaine, ni à la liberté personnelle. L'amalgame final du texte entre l'aide active à mourir et les directives anticipées révèle le positionnement moral de l'auteur.