Non vaccinés contre la Covid 19 : une stigmatisation inappropriée ?

Dans une lettre à l’éditeur du Lancet, Günter Kampf ( Allemagne) s’insurge contre la stigmatisation des non vaccinés contre la Covid-19. Les propos de certains responsables politiques aux Etats-Unis et en Europe qui ont évoqué une « pandémie de non vaccinés » en leur imputant en partie, voire en totalité la perpétuation de cette dernière ont particulièrement suscité son courroux. La phrase : « les non vaccinés menacent les vaccinés » est, pour lui, une vision totalement simpliste de la situation épidémiologique actuelle.

Les vaccinés ne sont ni totalement protégés ni totalement innocents de la transmission du virus

Car les « vaccinés » ne sont pas totalement innocents dans la transmission du virus : en effet si la vaccination protège dans de larges proportions, cela reste imparfait et limité dans le temps pour une période estimée à six mois en moyenne, durant laquelle le risque d’une forme sévère est divisé par dix, 90 % des patients admis en unité de soins intensifs étant non vaccinés.

 La réponse immunitaire baisse nettement dans les mois qui suivent la deuxième dose du vaccin Pfizer-BioNTech ce qui conduit à de possibles réinfections.  Cela n’est pas un argument contre la vaccination, mais au contraire une incitation à une troisième dose administrée parallèlement à un renforcement des gestes barrières, un peu vite délaissés dans la plupart des pays européens désormais confrontés à la cinquième vague de la pandémie.

A l’appui de sa démonstration, G Kampf décrit des évènements ou des réunions en milieu confiné qui dans l’état du Massachusetts auraient abouti à l’apparition de 469 cas de Covid-19 en juillet 2021, dont 346 (74 %) survenus chez des sujets complètement ou partiellement vaccinés.

Autre exemple : le 30 avril 2021, aux États-Unis, 10 262 cas de Covid-19 ont été rapportés chez des patients complètement vaccinés, dont 2 725 (26,6 %) symptomatiques avec à la clé 995 hospitalisations (9,7 %) et 160 décès (1,6 %). Cependant, à cette date, le nombre d’Américains infectés se chiffrait par millions, de quoi relativiser les quelque dix mille cas précédents.

En Allemagne, l’auteur signale que 55,4 % des formes symptomatiques de la maladie chez les patients âgés de 60 ans ou plus surviennent en dépit d’une vaccination complète, une proportion qui ne cesse d’augmenter au fil des semaines.

Une stigmatisation qui en rappelle d’autres ?

Protégés temporairement contre les formes sévères de la Covid-19, les vaccinés n’en sont pas moins capables de transmettre le virus quand ils sont atteints d’une forme symptomatique ou asymptomatique de l’infection. Il est donc tout à fait excessif de « mettre sur le dos » des non vaccinés la perpétuation de la pandémie qui dépend de facteurs multiples à commencer par les conditions climatiques et la fréquentation des espaces confinés.

Alors pourquoi les stigmatiser à l’instar des malades du SIDA au début des années 80 ?  Question que pose l’auteur dans un raccourci audacieux où il évoque même d’autres stigmatisations de l’histoire, tout en reconnaissant qu’elles ont été bien plus tragiques.

Qu’il y ait une ligne de fracture entre vaccinés et non vaccinés se comprend aisément : il en résulte un bruit de fond psychosocial alimenté par les réseaux sociaux, lequel ne disparaîtra qu’avec la vaccination obligatoire, option désormais envisagée voire adoptée par certains pays.

Réconciliation impossible sauf avec la vaccination obligatoire

En attendant, certains des non vaccinés, qu’ils le veuillent ou non, dérogent au principe de non nuisance en choisissant volontairement de refuser un traitement que la majorité accepte légitimement avec un triple objectif : se protéger soi-même contre la maladie, protéger les autres même imparfaitement, mais aussi éviter qu’une fois de plus, la crise sanitaire n’aboutisse à l’engorgement des hôpitaux et des unités de soins intensifs. En rejetant la vaccination, ils représentent une menace potentielle pour l’autre et la collectivité, et suscitent donc le courroux tout en s’exposant…à un certain degré de stigmatisation.

La réconciliation entre vaccinés et non vaccinés est illusoire au train où va la pandémie. La liberté de se faire vacciner relève d’un devoir civique et humain, la liberté d’infecter l’autre est tout son contraire, alors que les vaccins ont permis à l’humanité de triompher des grandes épidémies par le passé ou de vaincre des fléaux comme la variole, la diphtérie, la poliomyélite etc.

Au pays de Pasteur ou dans celui de Koch, il est bien dommage que certains s’estiment victimes d’un complot, d’erreurs ou de limites de la science autant que de la médecine. Or empêcher quelqu'un d'aller infecter les autres, parce qu'il refuse la vaccination pour des arguments irrationnels ne relève pas de la stigmatisation, c'est plutôt une opération de santé publique qui témoigne, il est vrai d’un autoritarisme sanitaire…de raison. Mais ce dernier paragraphe ne reflète que l’avis du signataire de cette analyse.

Dr Philippe Tellier

Référence
Kampf G. : COVID-19: stigmatising the unvaccinated is not justified. The Lancet 2021 ; publication avancée en ligne le 20 novembre. 398(10314):1871. DOI:10.1016/S0140-6736(21)02243-1.

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Vos réactions (30)

  • Ils nous saoulent

    Le 03 décembre 2021

    Ça fait deux ans qu’ils nous saoulent comme dirait Bruel et en plus il ne faudrait pas les stigmatiser…on pourrait peut-être leur donner une médaille ! Merci pour les derniers paragraphes qui m’ont empêché de m’étouffer.

    Dr Paul Roth

  • Sottise et égoïsme

    Le 03 décembre 2021

    Ce n'est pas parce qu'un médicament n'a pas 100% d'efficacité qu'il est inutile !
    Si, en plus il donne à peu près 0% d'effet négatifs, que demander de plus ?
    Les antivax n'ont guère de rationalité car le bénéfice individuel est évident et une parfaite irresponsabilité sociale.
    En effet, si le vaccin n'élimine pas la transmission, il la diminue tout de même.
    Et ne parlons pas du coût des hospitalisations, soins intensifs et transferts !

    Dr Bernard Maroy

  • Enfin

    Le 03 décembre 2021

    Voilà bien une intervention intelligente qui montre bien le besoin de bouc émissaire pour expliquer les échecs de la contagiosité plutôt lié à la nature des nouvelles souches, au fait que le vaccin ne protège pas contre le portage et que les gestes barrières se sont relâchés chez les vaccinés.

    Dr Pierre-André Coulon

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