
Prévalence élevée de l’obésité parmi les formes graves de Covid-19
Cependant, en France, une étude rétrospective (1) émanant d’un seul centre, sur 124 patients admis en unité de soins intensifs (USI) en raison d’une forme grave de Covid-19, retrouve, au sein de cette cohorte, une prévalence de l’obésité (IMC>30 kg/m2) à 47,6 % (28,2 % pour les formes sévères IMC > 35 kg/m2.) La proportion de patients chez lesquels une ventilation assistée s’est avérée nécessaire a augmenté avec les valeurs de l’IMC (p<0,01, test du Chi-2). Elle a atteint sa valeur maximale, soit 85,7 % en cas d’IMC >35 kg/m2. Une analyse multivariée par régression logistique multiple a montré que l’indication de la ventilation assistée était significativement associée au sexe masculin (p<0,05) et à l’IMC (p<0,05), indépendamment de l’âge, du diabète et de l’hypertension artérielle. Le risque correspondant exprimé sous la forme d’un odds ratio (OR) a été calculé chez les patients les plus obèses (IMC>35 kg/m2), comparativement aux patients de poids normal (< 25 kg/m2). L’OR a été ainsi estimé à 7,36 (intervalle de confiance à 95 % : 1,63-33,14 ; p = 0,02). Cette étude transversale tend à confirmer la grande fréquence de l’obésité chez les patients admis en USI pour une forme grave de Covid-19. Par ailleurs, la sévérité de la maladie apparaît étroitement corrélée à l’IMC, au point que cette dernière semble bien représenter un facteur de risque majeur qui doit être pris en compte dans sa prise en charge.2 à 4 fois plus de risque d’aller en USI quand l’IMC dépasse 30
Une autre étude (2), également rétrospective mais réalisée aux Etats-Unis, aboutit à des résultats similaires quoique plus inquiétants. Elle a exploité une base de données constituée dans deux hôpitaux universitaires de New York et consultée entre le 4 mars 2020 et le 4 avril 2020. L’analyse a porté sur 3 615 patients consultant dans les services d’urgence en raison d’un Covid-19 biologiquement confirmé. La prévalence de l’obésité a été estimée à 37 % et deux catégories ont été distinguées en fonction des valeurs de l’IMC : (1) 30-34 : n = 775 (21 %) ; (2) > 35 : n = 595 (16 %).Au total, 1 853 patients (51 %) ont quitté les services d’urgence, tandis que 1 331 (37 %) ont été hospitalisés en soins aigus dont 431 (12 %) directement ou ultérieurement transférés en USI. L’analyse des données a mis en évidence un risque d’évolution défavorable en fonction de l’IMC… uniquement chez les patients âgés de moins de 60 ans. Ainsi, dans ces tranches d’âge, le risque s’est avéré deux fois plus élevé en cas d’IMC compris entre 30 et 34 kg/m2, comparativement aux valeurs < 30 kg/m2, l’odds ratio étant respectivement de l’ordre de 1,8 (p<0,0001) et 2,0 (p=0,006) selon que l’admission se fait en soins aigus ou en USI. Si l’on considère la même tranche d’âge (< 60 ans), pour un IMC ≥ 35 kg/m2, les valeurs correspondantes ont été respectivement de 2,2 (p < 0,001) et de 3,6 (p < 0,001), toujours comparativement aux valeurs de référence avec un IMC 30 kg/m2.
Sans doute le principal facteur de gravité avant 60 ans
Un âge < 60 ans est en principe de –relativement- bon pronostic dans les formes sévères du Covid-19, tout au moins en l’absence de comorbidités, mais il semble en aller autrement en cas d’obésité affirmée : dès que l’IMC est > 30 kg/m2, le risque d’évolution défavorable et de passage en USI peut être multiplié par 2, voire approcher 4 quand l’IMC dépasse 35 kg/m2. Il faut souligner que les catégories d’IMC en termes de prévalence sont représentatives de la réalité épidémiologique étatsunienne : en effet, plus d’un Américain sur trois (36 %) est atteint d’une obésité définie selon les critères officiels. Il s’agirait là d’une comorbidité qui contribuerait largement à la lourde mortalité occasionnée aux Etats-Unis par le Covid-19, laquelle n’épargne pas les malades jeunes, comme cela a été observé dans d’autres pays.Dr Philippe Tellier