
Paris, le vendredi 24 mars 2023 – Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), où se tient actuellement une conférence sur le sujet, l’avenir de nos ressources mondiales en eau est compromis.
C'est une première depuis 1977 : l'ONU organise actuellement en son siège de New York une conférence sur l'eau. 6500 personnes de tous horizons (représentants des États membres, militants humanitaires, scientifiques, ingénieurs…) sont réunies à l'initiative des Pays-Bas et du Tadjikistan autour du thème de la ressource hydrique, alors que celle-ci est au cœur de nombreuses préoccupations partout dans le monde — entre inondations, sécheresses, pollution et raréfaction…
1,7 milliard de personnes n’ont pas de système d’assainissement de base
Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a d’emblée averti que « l’avenir de l’eau est compromis » et a dénoncé une « surconsommation vampirique ».
Les statistiques sont effectivement particulièrement alarmantes. Environ 1,7 milliard de personnes ne disposent pas de systèmes basiques d’assainissement, et 494 millions sont contraintes de déféquer en plein air. Deux milliards d’individus n’ont pas accès à l’eau potable selon les critères définis par l’ONU, et près de la moitié des habitants de la planète n’ont pas de toilettes ou de latrines. Plus globalement, les trois-quarts des catastrophes naturelles dans le monde ont des conséquences sur l’accès à l’eau.
« Cette conférence doit marquer un progrès décisif — un changement radical —, pour amener les États membres et la communauté internationale non seulement à bien comprendre que l’eau est d’une importance vitale pour la viabilité de notre monde et qu’elle est un outil de promotion de la paix et de la coopération internationale », a souligné le Secrétaire général de l’ONU.
L’accès à l’eau, plus spécifiquement l’accès à de l’eau non polluée, est aussi un enjeu de santé publique : près de 2 milliards de personnes sont contraintes d’utiliser de l’eau contaminée, les exposant à de nombreuses maladies, comme le choléra ou la dysenterie. Pourtant, en matière d’assainissement de l’eau, « on sait faire », fait remarquer Sandra Métayer, coordinatrice de Coalition Eau, un collectif qui rassemble trente ONG ou fondations. « C’est la volonté politique qui fait défaut. […] L’Inde, par exemple, a fait d’énormes progrès pour l’assainissement quand son gouvernement a décidé de lancer des programmes nationaux, en 2014. »
Un appel à augmenter les investissements
Antonio Guterres a appelé les pays du monde entier à combler « les lacunes en matière de gestion de l’eau », notamment en ce qui concerne l’accès équitable à la ressource. Un travail collaboratif entre les États est nécessaire, souligne-t-il.
Le Secrétaire général de l’ONU a également invité les Etat à augmenter les investissements dans les canalisations, les infrastructures de distribution et les stations d’épuration — des infrastructures qui devront aussi et surtout être « résilientes » face aux futures catastrophes. Ces investissements concernent d’ailleurs aussi les pays les plus riches, comme la France. Dans l’Hexagone, 400 000 personnes vivant dans des habitats précaires ne sont raccordées à aucun réseau de distribution d’eau potable ou d’assainissement. La situation est encore plus grave en outre-mer : en Guadeloupe, on constate dans certaines communes des taux de perte dans les canalisations allant jusqu’à 60 %.
Un problème qui risque de s’aggraver
Les nombreux problèmes liés à la question hydrique risquent tous de s’aggraver, tout comme les catastrophes climatiques liées à l’eau, alerte l’ONU. Des inondations monstrueuses avaient ainsi ravagé le Pakistan l’année dernière, et privent encore aujourd’hui 10 millions de personnes d’accès à l’eau potable. La Corne de l’Afrique a également subi, en 2022, une sécheresse catastrophique ayant causé la mort de 43 000 enfants.
Les pénuries risquent, elles aussi, de devenir de plus en plus importantes. Environ 2 à 3 milliards de personnes sont actuellement confrontées à des pénuries au moins un mois par an, un phénomène qui va s’aggraver, « notamment dans les villes », expliquent les auteurs du rapport de l’ONU, publié le 22 mars.
La croissance démographique et l’évolution des modes de consommation font que la demande globale a augmenté de 1 % par an ces quarante dernières années. Une croissance ininterrompue qui pose évidemment question, alors que 10 % de la population mondiale vit déjà dans une situation de stress hydrique, surtout en Afrique du Nord et en Asie centrale et du Sud, comme le font remarquer les auteurs du rapport.
L’organisation de cette conférence doit donc servir de véritable « électrochoc » pour les pays de la planète entière. L’objectif : garantir à tous un accès à l’eau potable et à l’assainissement d’ici à 2030, en accord avec les Objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU.
Raphaël Lichten