Origine du SARS-Cov-2 : et l’on reparle du marché de Wuhan

Wuhan, le lundi 20 mars 2023 – Une découverte d’une chercheuse française relance la piste d’une origine zoonotique de la pandémie.

Comme dans un bon roman policier, l’enquête sur l’origine du SARS-Cov-2 connait de nombreux rebondissements, avec de nouveaux suspects, des découvertes fortuites et des retours en arrières incessants. Trois semaines après que la piste de l’accident du laboratoire ait été validée par plusieurs agences fédérales américaines, dont le FBI, c’est la théorie de l’origine zoonotique de la pandémie qui regagne du terrain. Et ce grâce à des preuves issus du fameux marché à poissons de Wuhan, considéré depuis plus de trois ans comme le foyer d’origine de l’épidémie qui a tué plusieurs millions de personnes à travers le monde.

Ce nouveau chapitre dans cette interminable enquête, aux ramifications aussi bien scientifiques que politiques, a commencé le 4 mars dernier. Florence Débarre, biologiste au CNRS, découvre alors que des chercheurs chinois ont publié fin janvier sur Gisaid, une plateforme de partage de données génomiques en ligne, les résultats de prélèvements génétiques effectués sur le marché aux poissons de Wuhan entre sa fermeture par les autorités le 1er janvier 2020 et le 12 mars 2020. « J’ai trouvé ces choses nouvelles un peu par hasard, sans comprendre tout de suite qu’il y avait des données brutes » explique la chercheuse.

La Chine a encore une fois tordu la réalité

Après avoir pris conscience de l’importance potentielle de sa découverte, Florence Débarre contacte rapidement plusieurs chercheurs anglo-saxons penchant vers l’origine zoonotique de la pandémie pour l’aider à analyser ces données. Après quelques jours de travail, ils comprennent que ces données prouvent que des mammifères étaient bien vendus sur le mal nommé marché aux poissons de Wuhan et notamment des chiens viverrins, un animal ressemblant à un gros raton-laveur. Or, on sait que le chien viverrin est potentiellement un hôte intermédiaire de certaines zoonoses et cela fait désormais deux ans qu’il est considéré par des scientifiques comme le principal suspect sur la liste des potentiels hôtes intermédiaires du SARS-Cov-2.

Pourquoi ces données recueillis en 2020 ne sont révélées qu’aujourd’hui ? Pour le comprendre, il faut remonter à février 2022. Des scientifiques chinois, menés par le Pr George Gao, directeur du CDC chinois, proposent alors à la publication dans les revues internationales une étude sur le marché de Wuhan. Ce travail rapporte qu’aucun ADN de mammifère non-humain n’a été détecté sur le marché. Les scientifiques en concluent que le marché n’est donc pas le foyer de l’épidémie de Covid-19, ce qui corrobore la version officielle du parti communiste chinois selon laquelle le virus serait apparu hors de Chine et aurait ensuite était importé à Wuhan.

A l’époque, la revue Nature avait refusé de publier l’étude, au motif que les scientifiques chinois n’avaient pas partagé les données brutes la fondant. C’est ce refus qui a pu pousser les chercheurs chinois à finalement publier leurs données sur Gisaid. L’analyse de ces données par Débarre et ses collègues anglo-saxons a donc établi que Gao a tordu la réalité pour tenter de la faire correspondre à la ligne officielle du parti communiste chinois. Depuis, les données brutes ont été retirés de la plateforme Gisaid par les scientifiques chinois, sans explication ou raison valable.

La Covid-19 pas plus grave que la grippe saisonnière

Invité à commenter ces nouveaux développements, le directeur de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) Thedros Ghebreyesus a dénoncé l’opacité dont fait preuve la Chine depuis trois ans dans cette enquête. « Ces données auraient dû être partagées il y a trois ans » souligne l’ancien ministre éthiopien. Il a également rappelé que bien que ces nouveaux éléments « sont importants pour nous rapprocher de la vérité », ils sont loin d’apporter « une réponse définitive à la question de savoir comment la pandémie a commencé ». En effet, la présence de chiens viverrins sur le marché de Wuhan au début de la pandémie semble certes corroborer l’hypothèse de l’origine zoonotique mais ne la confirme pas définitivement. Ni Florence Débarre, ni aucun de ses collègues ne se risque d’ailleurs à de conclusions hâtives sur le sujet. « Il faut être clair, le virus n’a pas été identifié dans un animal présent sur le marché et on n’a pas trouvé l’animal qui aurait infecté les humains » résume Maria van Kerkhove, responsable de la Covid-19 au seins de l’OMS.

Par ailleurs, toujours vendredi dernier, l’OMS a fait le point sur l’évolution de la pandémie dans le monde et s’est montré particulièrement optimiste. « Je pense que nous arrivons au point où nous pouvons considérer la Covid-19 de la même manière que nous considérons la grippe saisonnière, à savoir une menace pour la santé mais un virus qui ne perturbe pas notre société où notre système hospitalier » a commenté Michel Ryan, chef des programmes d’urgences au sein de l’instance onusienne. « Nous sommes certainement dans une bien meilleure position qu’à n’importe quel moment de la pandémie » a souligné pour sa part le Dr Ghebreyesus, constatant que la Covid-19 tuait officiellement désormais moins de 600 personnes par jour dans le monde. L’OMS pourrait abaisser le niveau d’alerte sur la Covid au cours de l’année, trois ans après avoir déclaré l’urgence maximale.

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