
L'acide urique dérive du métabolisme des purines qui
proviennent de nombreux aliments. Parmi ceux-ci figurent, à titre
d’exemples, la viande rouge, le lard, l'alcool et certains produits
de la mer, tels anchois, sardines, harengs, morues ou encore
moules. L’hyperuricémie joue un rôle majeur dans la pathogénie de
la goutte et de ses manifestations cliniques paroxystiques, mais
elle est également associée à diverses maladies cardiométaboliques
telles que l'hypertension artérielle, le diabète ou encore la
maladie coronarienne, sans être pour autant considérée comme un
facteur de risque cardiovasculaire à part entière.
Le rein, pour sa part, assure l’excrétion d’environ 70 % des
urates et, en cas d’insuffisance rénale chronique, il n’est pas
surprenant que l’uricémie tende à s’élever. Au demeurant,
l’hyperuricémie favorise la survenue d’une maladie rénale chronique
(MRC) et contribue à la dégradation progressive de la fonction
rénale. Pourtant, les médicaments hypo-uricémiants n’exercent aucun
effet néphroprotecteur, contrairement à toute attente, comme l’ont
établi plusieurs essais randomisés.
La colchicine, pour sa part, a fait la preuve de son
efficacité dans le traitement symptomatique de la crise de goutte,
du fait de son puissant effet anti-inflammatoire doublé d’une
interférence avec la production et la mobilisation des
polynucléaires neutrophiles. La colchicine réduirait l’incidence
des événements cardiovasculaires indésirables chez les patients
atteints d’une maladie coronarienne.
Moindre risque de progression de l’IRC avec la colchicine dans une étude cas-témoins sud-coréenne
Cette dernière pourrait-elle exercer un effet néphroprotecteur dans certains contextes à haut risque de MRC ? Cette question est à l’origine d’une étude de cohorte multicentrique rétrospective du type cas-témoins menée dans trois hôpitaux sud-coréens ; y ont été inclus- entre avril 2000 et octobre 2020- des patients (âge ≥19 ans) atteints d’une insuffisance rénale chronique (IRC) modérée à sévére (grade 3 à 4). Du fait d’une hyperuricémie ou d’une goutte chronique, le traitement de fond pouvait comporter de la colchicine, de l'allopurinol et/ou du fébuxostat.
Les patients (au nombre de 3 085) présentant une progression de leur IRC (définie par une diminution ≥ 40 % du débit de filtration glomérulaire ou l’installation d’une défaillance rénale nécessitant une dialyse) ont été comparés à 11 715 témoins appariés en fonction de la durée du suivi, de l'âge et du sexe. Les données ont été traitées au moyen d’une analyse multivariée par régression logistique conditionnelle.
La comparaison intergroupe plaide en faveur d’une certaine
efficacité de la colchicine. Ainsi, l’exposition à ce médicament
avec au moins 90 doses quotidiennes cumulées a été associée à un
moindre risque de progression de l’IRC, l’odds ratio ajusté (ORa)
étant de fait estimé à 0,77 (IC 95 % : 0,61- 0,96), versus les
patients non exposés. Les analyses de sensibilité menées en
fonction de la sévérité de l’IRC n’ont pas modifié les valeurs de
l’ORa. Les associations se sont avérées plus étroites en l’absence
de diabète et d’HTA, mais aussi en cas d’IRC de grade 3.
La colchicine pourrait-elle protéger le rein en cas d’IRC associée à une hyperuricémie ou une goutte chronique ? Les résultats de cette étude de type cas-témoins autorisent cette question, mais il est clair que la réponse appartient aux essais randomisés.
Dr Philippe Tellier