
Une piste à exploiter
Le professeur Laurent Lantieri (Hôpital européen Georges Pompidou) qui lors de la réalisation de sa seconde greffe de visage totale (chez un patient qui avait déjà été l’objet d’une telle transplantation) a eu recours à ce dispositif et a pu constater son efficacité quant à l’oxygénation des greffons a commencé à évoquer cette piste avec ses confrères réanimateurs il y a quelques semaines. Plusieurs d’entre eux ont été convaincus par la pertinence de l’exploiter. « Il y a les professeurs Alain Combes et Jean-Michel Constantin de la Pitié-Salpêtrière et le professeur Bernard Cholet à l'hôpital Georges Pompidou, où je suis » a expliqué ce matin le professeur Laurent Lantieri au micro de RTL.Gagner du temps
L’essai qui devrait être lancé doit d’abord concerner un très petit nombre de patients, présentant les états les plus graves. « Il y a des critères extrêmement stricts d'éligibilité » insiste le praticien. « En pratique, la molécule oxygénante est injectée par voie intraveineuse, sous forme de goutte à goutte, pendant 2 jours et demi » a-t-il également détaillé. Le traitement doit pouvoir permettre d’éviter pendant quelques heures, voire quelques jours l’utilisation d’un respirateur artificiel ou le passage en ECMO. Les réflexions des spécialistes concernent également la posologie.Résultats probants en transplantation
Les propriétés de l’hémoglobine d’Arenicola marina sont
l’objet de travaux approfondis du biologiste animal Franck Zal
(ancien chercheur au CNRS), spécialiste de l’écophysiologie des
vers marins. « L’hémoglobine de ce ver est capable de
transporter 40 fois plus d’oxygène des poumons vers les tissus de
l’organisme que l’hémoglobine humaine » explique ce
spécialiste. Les atouts de cette hémoglobine résident également
dans son caractère extra-cellulaire ce qui en fait un outil
universel et sa taille, 250 fois plus petite que le globule rouge.
La start-up Hémarina assure une production d’HEMO2Life, grâce à sa
ferme d’élevage d’arénicoles sur l’île de Noirmoutier, production
qui répond aux règles de sécurité et d’hygiène qui s’appliquent
pour ce type de produits. Aujourd’hui, la start-up dispose de 5 000
doses d’HEMO2Life et est capable d’augmenter sa production. Ces
doses étaient destinées à la réalisation de nouveaux essais autour
de la transplantation. Il s’agit en effet de la première
"indication" de cette molécule, vis-à-vis de laquelle son utilité a
déjà été mise en évidence.
Après des tests sur différents modèles pré-cliniques, qui ont
permis d’écarter des risques de toxicité, notamment immunologique
et inflammatoires, HEMO2Life a fait l’objet d’une étude clinique en
transplantation rénale. Baptisée OxyOp et conduite par le Pr
Yannick Le Meur (CHRU Brest) et le Pr Benoît Barrou (AP-HP,
Pitié-Salpêtrière Paris), elle a inclus 60 patients dans six
centres de transplantation. Ses résultats publiés dans American
Journal of Transplantation ont mis en évidence que ce procédé «
permet une meilleure reprise de fonction de l’organe greffé
». Hémarina a également noué une collaboration avec l’US Navy,
intéressée par les propriétés du traitement pour la cicatrisation
des plaies en médecine de guerre. L’utilisation pour la réanimation
des patients présentant un SDRA ne figurait pas parmi les
principales pistes étudiées par les responsables d’Hémarina :
l’essai lancé constitue donc un défi exceptionnel.
Aurélie Haroche