
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit le surpoids
et l’obésité comme une accumulation anormale ou excessive de
graisse corporelle qui représente un risque pour la santé. La
situation en pédiatrie est préoccupante car plus de 40 millions
d’enfants de moins de 5 ans sont en surpoids, toujours selon l’OMS.
Parmi les risques auxquels sont exposés ces jeunes enfants, figure,
de façon souvent méconnue, celui des carences nutritionnelles. A
l’occasion du e-Congrès de Médecine Générale, la semaine dernière,
le CNIEL (Centre National Interprofessionnel de l’Économie
Laitière) a réuni trois spécialistes de la nutrition autour de
cette question des carences nutritionnelles chez les sujets en
surpoids, et plus particulièrement chez les enfants et adolescents.
Ce symposium s’intègre dans la campagne d’information du CNIEL
(cofinancée par l’Union Européenne) dont le but est d’encourager
une alimentation équilibrée et la pratique d’une activité physique
afin de prévenir le surpoids et l’obésité.
Le professeur Béatrice Dubern, gastro-pédiatre dans le service
de nutrition et gastroentérologie pédiatriques de l’hôpital Armand
Trousseau, a débuté la présentation en mettant l’accent sur les
carences nutritionnelles spécifiques de l’enfant ou de l’adolescent
obèse. « Chez ces enfants, qui ont une appétence pour des
produits à forte densité énergétique, on observe très souvent des
carences nutritionnelles sous-jacentes malgré l’excès de
consommation énergétique. Les carences nutritionnelles les plus
fréquentes sont les carences martiales en fer, en vitamine D ainsi
qu’en calcium et autres vitamines B12, C », a rappelé le
professeur Dubern. Or, ces vitamines et oligoéléments sont
essentiels au bon fonctionnement de l’organisme. Les carences en
fer (présent dans la viande, les poissons et les légumes secs) et
vitamine D (poissons gras, œufs et produits laitiers non écrémés)
peuvent, entre autres, on le sait, entraîner une anémie, favoriser
le risque d’infections ou encore d’obésité. Afin de déceler les
carences en fer, Béatrice Dubern recommande un bilan nutritionnel
(hémogramme et dosage de la ferritine) une fois par an chez les
enfants en situation de surpoids ou d’obésité. Il est également
pertinent de doser la vitamine D (carence si < 20 ng/ml) afin
d’envisager une supplémentation.
En revanche, le dosage du calcium n’est pas recommandé car il
ne reflète pas les situations de carences qui sont plutôt décelées
par le dosage de la vitamine D et de la parathormone (PTH) qui
régule le métabolisme calcique. Pour rappel, la consommation
journalière recommandée de calcium est de : 500 mg/j pour les 1 à 3
ans, 700 mg/j pour les 4-6 ans et 900 mg/j pour les 7-9 ans, puis
de 1200 mg/j de 10 à 19 ans.
Désamour pour le lait : un phénomène préoccupant
Depuis une dizaine d’années, le lait et les produits laitiers,
principales sources de calcium, sont de moins en moins consommés et
ce dès la petite enfance. Outre la probable influence de certaines
rumeurs non étayées sur le lait, la spécialiste explique en partie
ce phénomène par le désengagement parental dans la préparation du
petit déjeuner qui, soit n’est pas du tout pris, soit est composé
par les enfants eux-mêmes. Cette baisse de la consommation de lait
et de produits laitiers est encore plus marquée et préoccupante
chez l’adolescent.
« Lors de la préadolescence puis de l’adolescence, l’enfant
va rechercher une plus grande autonomie et l’appropriation de son
propre panel alimentaire et ressent le besoin de s’éloigner du
modèle alimentaire familial […] Les modifications alimentaires
peuvent amener à une insuffisance d’apports de protéines et de
calcium et représenter des carences. Il faut comprendre les
modifications de leur régime alimentaire en termes qualitatifs et
quantitatifs pour être force de proposition afin d’intégrer sous
une autre forme les protéines, le fer et le calcium à leur
repas » analyse et préconise Hélène Chantereau,
diététicienne-nutritionniste au sein du même service (hôpital
Armand Trousseau).
Toujours sur le thème des carences nutritionnelles, le docteur
Claire Carette, médecin nutritionniste et diabétologue à l’hôpital
Européen Georges-Pompidou (HEGP), a fait le point sur le paradoxe
des carences nutritionnelles chez le sujet obèse qui subit une
chirurgie bariatrique. « C’est assez contre-intuitif mais la
personne obèse est, d’une part, trop alimentée et, d’autre part, la
qualité de son alimentation n’est pas bonne. Avant la mise en œuvre
de toute chirurgie bariatrique, la règle est de chercher toutes les
carences (fer, vitamine D, vitamines 12, B1, B9) et de "renutrir"
correctement le patient pour corriger ses carences en amont de
l’opération. Après la chirurgie bariatrique, les mêmes carences
sont retrouvées et sont majorées car certains aliments sont moins
bien absorbés » a-t-elle exposé.
Le Dr Carette estime que les carences nutritionnelles sont
inévitables dans les situations de surpoids et d’obésité. Pour en
diminuer le risque, le suivi nutritionnel régulier de ces patients,
voire la supplémentation en fer ou vitamine D sont incontournables.
Ce suivi est d’autant plus important en cas de chirurgie
bariatrique (qui concerne en moyenne 60 000 personnes/an en France)
qui entraine une perte rapide de poids et de masse musculaire et
augmenterait le risque de fractures. Elle rappelle le rôle central
du médecin généraliste dans cet accompagnement soutenu car, au bout
d’un certain temps, les patients ayant subi une chirurgie
bariatrique ne pensent plus à consulter un diététicien.
Dr Dounia Hamdi