
Simples ou compliquées, selon la présence de signes d'accompagnement tels que déficience intellectuelle, convulsions, ataxie, neuropathie périphérique, anomalies de la peau, et défauts visuels les paraplégies spastiques héréditaires (PSH, HSP en anglais) sont des maladies rares dont la prévalence varie de 3 à 10 pour 100 000 individus. Ce groupe hétérogène de maladies neurodégénératives, dont la transmission peut être autosomique dominante, autosomique récessive ou liée à l'X, est caractérisé par une dégénérescence axonale et une spasticité progressive des membres inférieurs résultant d’une perte de fonction du faisceau corticospinal. Vingt-deux gènes mutés ont été clonés à partir des loci connus pour être liés à la forme autosomique récessive (AR-HSP). Mais la plupart des causes de HSP reste à découvrir.
15 nouveaux gènes
Une équipe internationale analyse par séquençage de l’exome entier les causes génétiques de l’AR-HSP dans 55 familles. Le séquençage porte d’abord sur 93 individus affectés appartenant à des familles où il existe une consanguinité (sans malformation congénitale). Les chercheurs retrouvent des mutations de 13 gènes déjà connus dans les HSP (33 % des cas). Ils identifient 14 nouveaux gènes candidats représentant 43 % des cas de cette cohorte. Le séquençage dans 5 autres familles non consanguines (10 enfants séquencés) permet d’identifier un gène candidat supplémentaire. Ces 15 nouveaux gènes sont associés à tout un spectre de phénotypes HSP différents. Les mutations des gènes ERLIN1, KIF1C, et NT5C2, observées dans plus d’une famille, représentent des mutations très délétères.
Dans une deuxième étape, l’extension du séquençage à 200 patients atteints de HSP d’une autre cohorte permet de mettre en évidence des mutations additionnelles des gènes ERLIN1, KIF1C, NT5C2,ENTPD1 et DDHD2 identifiés précédemment, constituant une validation de leur implication dans la pathologie.
Le profil d’expression de ces gènes dans de multiples tissus humains ainsi que des modélisations chez le poisson zèbre révèlent que certains ont une fonction uniquement neuronale tandis que la plupart ont une distribution plus large, et permettent d’identifier plusieurs d’entre eux comme étant associés à la locomotion.
Un réseau biologique interactif : Le HSPome
Le HSPome est un réseau contenant à la fois tous les gènes mutés impliqués dans les HSP, déjà connus et nouveaux, ainsi que les plus proches composés avec lesquels ils interagissent. Il est élaboré grâce à des analyses bioinformatiques à partir de ressources publiées dont des bases de données connues d’interactions avec les protéines. Sept des 15 nouveaux gènes émergent comme étant plus significatifs. Le HSPome contient 589 protéines ayant un rôle potentiel dans les HSP.
Ce réseau permet de relier les mutations des gènes de causalité à plusieurs voies physiopathologiques. Celles mises en évidence relient les HSP au transport cellulaire, au métabolisme des nucléotides ainsi qu’au développement des synapses et des axones. De façon intéressante trois nouveaux gènes candidats impliqués dans les HSP sont identifiés grâce au HSPome à partir de familles qui n’étaient pas incluses dans l’analyse initiale, mais provenant de la base de données d’exomes des chercheurs. Leurs mutations s’avèrent pertinentes dans la pathogénicité de la maladie. Bien qu’à confirmer dans de plus importantes cohortes, cette information suggère l’utilité du HSPome pour découvrir de nouveaux gènes et de nouvelles voies impliqués dans les HSP.
Certains des nouveaux gènes identifiés ont déjà associés à des pathologies dégénératives touchant d’autres parties du système nerveux que le faisceau corticospinal. Le HSPome permet d’examiner la similarité entre les gènes des HSP et ceux de pathologies neurologiques fréquentes, montrant un chevauchement entre les premiers et ceux de la sclérose latérale amyotrophique, de la maladie de Parkinson et de la maladie d’Alzheimer, mais pas avec l’autisme ou l’épilepsie.
Au final, 18 nouveaux gènes candidats sont identifiés dans
l’AR-HSP, dont 3 (ERLIN1, KIF1C, et NT5C2) expliquent ici près de
20 % des cas. Leurs mutations sont prédictives d’un risque de HSP
d’environ 100 % et d’une perte de fonction très sévère, voire de
l’absence de fonction, des protéines touchées. Les données du
HSPome confortent la notion de convergence de plusieurs mutations
rares vers un petit nombre de voies biologiques, et suggèrent aussi
quelques cibles potentielles de traitement. Intégrer les
découvertes de gènes familiaux avec des connaissances préalables,
une stratégie à retenir pour identifier des cibles
thérapeutiques.
Dominique Monnier