Pathologie mentale au temps de la Covid-19, une souffrance disproportionnée

Dans un contexte où la Covid-19 a entraîné des « conséquences disproportionnées pour les malades mentaux », des pédo-psychiatres exerçant à Vienne (en Autriche) et Ulm (en Allemagne) ont réalisé une étude visant à préciser « la dynamique des symptômes, les difficultés potentiellement accrues et les facteurs influençant une transition réussie vers la téléthérapie » chez des adolescents suivis en ambulatoire durant la pandémie de Covid-19.

Malgré une sérieuse limitation liée au faible effectif de sujets concernés (n = 30), cette recherche permet de confirmer que les jeunes patients avec un degré plus élevé de handicap psychosocial ont souffert d’une façon effectivement « disproportionnée » pendant cette grave crise sanitaire, sans doute parce que le monde s’était en quelque sorte arrêté et que l’ambiance morbide et mortifère provoquait une aggravation des anciennes problématiques psychiatriques ou en suscitait de nouvelles.

Pas de miracle avec la « téléthérapie »


Évaluées en intégrant les appréciations des patients et celles des psychiatres, les situations cliniques montrent que les sujets présentant une aggravation de la symptomatologie sont surtout ceux avec un degré de handicap psychosocial significativement plus élevé avant le confinement et lors du premier entretien. Les auteurs observent que la distinction entre les patients avec une aggravation et ceux avec une amélioration (partielle) de la symptomatologie semble associée à « des sentiments d’isolement (spécifiques à la détérioration) et à une réduction perçue du stress lié à la fréquentation scolaire.

Comme ailleurs dans le monde, les mesures de distanciation sociale ont contraint les soignants à réduire la part des consultations en cabinet pour les remplacer par des téléconsultations (que les auteurs appellent « téléthérapie »), alors que cette pratique d’une psychiatrie « virtuelle » demeurait en général limitée avant le déferlement de la Covid-19.

Mais bien sûr, cette « téléthérapie » n’opère aucun miracle : on constate que les sujets affectés d’un niveau de fonctionnement psychosocial « détérioré » durant la pandémie sont aussi ceux avec des résultats négatifs à la téléthérapie, notamment une introspection, une rumination et un niveau perçu de soutien social nettement inférieur.  Les auteurs estiment qu’une évaluation de ce « niveau perçu de soutien social » devrait être établie avant de proposer une téléthérapie et que l’essor de stratégies pour améliorer la verbalisation et la différenciation des émotions et des affects serait bénéfique.

Dr Alain Cohen

Référence
Huscsava MM et coll.: ‘The world somehow stopped moving’: impact of the COVID-19 pandemic on adolescent psychiatric outpatients and the implementation of teletherapy. Child and Adolescent Mental Health, 2022-03: 232–237.

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