Pénurie de médicaments : le gouvernement dévoile son plan pour un « retour à la normale »

Paris, le lundi 6 février 2023 – Le gouvernement souhaite notamment augmenter le prix de certains médicaments génériques et promet un retour à la normale dans les prochaines semaines.

Tout à chacun aura pu le remarquer dans sa vie quotidienne : les officines françaises font face depuis plusieurs mois à des pénuries de médicaments, ou plutôt à des « tensions d’approvisionnement » pour reprendre la terminologie officielle. Si les médias se sont essentiellement attardés sur les difficultés d’approvisionnement en paracétamol et en amoxicilline sous leur forme pédiatrique, de nombreux médicaments sont concernés : corticoïdes, antidiabétiques, IPP, anticancéreux…au total, plus de 600 médicaments considérés comme d’ « intérêt thérapeutique majeur » font ou ont fait l’objet ces derniers mois de difficultés d’approvisionnement selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Pour le moment, la réponse des autorités s’était limitée à des mesures ponctuelles visant à atténuer les effets de cette pénurie : contingentement des boites de médicaments, interdiction de la vente en ligne de paracétamol, production magistrale d’amoxicilline… Mais ce vendredi, c’est un plan stratégique d’ensemble, visant à empêcher toute crise similaire dans le futur, que le ministère de la Santé et celui de l’Industrie ont révélé. La mesure phare de ce plan consistera en des hausses de prix ciblée de médicaments « en contrepartie d’engagements des industriels sur une sécurisation de l’approvisionnement du marché français » ont annoncé les deux ministères dans un communiqué.

Revirement du gouvernement sur le prix des médicaments

Les prix très faibles pratiqués en France sur les médicaments, qui ne cessent de diminuer ces dix dernières années, favorisent en effet la délocalisation de la production (80 % des produits actifs et 40 % des médicaments consommés en Europe sont produits hors du continent) et poussent les laboratoires et les grossistes à distribuer leurs médicaments hors de France, comme l’expliquait le 17 janvier dernier le président de Les entreprises du médicament (Leem) Thierry Hulot. « Nous avons les prix les plus bas d’Europe, les prix bas encouragent les exportations vers l’étranger » indiquait-il, expliquant que laboratoires et grossistes-répartiteurs peuvent espérer vendre leurs génériques 30 % plus cher en Allemagne, 100 % plus cher en Italie.

Le gouvernement n’avait pour le moment pas répondu aux appels de l’industrie pharmaceutique à ce sujet, puisque la dernière loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2023 (LFSS) prévoit une nouvelle baisse sur le prix des médicaments de 800 millions d’euros et ce malgré l’inflation et l’augmentation du coût des matières premières. L’annonce de ce vendredi sur le prix des médicaments constitue donc un véritable revirement, d’autant plus que les deux ministères ont également annoncé qu’un « moratoire » sera mis en place sur la baisse de prix de certains génériques jugés stratégiques.

1 million de boites d’amoxicilline livrés en février

Le programme anti-pénurie du médicament prévoit également que soit dressée d’ici mai une liste de médicaments dits « critiques », dont la disponibilité pourra être pilotée et encadrée par les autorités, via notamment une analyse des risques en matière d’approvisionnement et des mesures correctrices d’anticipation. Enfin, l’ANSM sera chargée d’établir un plan de préparation des épidémies hivernales (la fameuse « triple épidémie » de décembre a fait exploser la demande de médicaments) ainsi qu’un « plan blanc médicaments », sur le modèle de celui existant pour les hôpitaux, activable en cas de crise.

Invité à commenter ce programme ce vendredi sur les antennes d’Europe 1, le ministre de la Santé François Braun a annoncé qu’un « retour à la situation normale » était attendu sur le front du paracétamol et de l’amoxicilline dans les deux prochaines semaines. « Nous avons récupéré des stocks de paracétamol et on va revenir à un mois de stock supplémentaire en amoxicilline, donc nous sommes sortis de cette période de crise dans les deux semaines qui viennent » a expliqué le ministre, remerciant les industriels qui « ont activé toute la chaine de production ». Dans la foulée, le laboratoire Biogaran a annoncé que plus d’1 million de boites d’amoxicilline allaient être distribuées aux officines françaises au cours du mois de février, dont 750 000 dès ce lundi.

En parallèle, le Sénat a créé ce vendredi une commission d’enquête sur « l’aggravation des pénuries de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française » qui sera chargée d’ « identifier les responsabilités face aux pénuries de médicaments ». Au vu de l’exposé des motifs de la création de la commission, qui dénoncent « la toute-puissance de l’industrie pharmaceutique qui profite de son quasi-monopole sur les médicaments », pas sur que les sénateurs en arrivent aux mêmes conclusions et solutions que le gouvernement.

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Réponses bizarres au problème

    Le 06 février 2023

    Il y a quelques semaines, le paracétamol allait être livré bientôt grâce à l'usine construite dans l’Isère dont Monsieur Véran est l’élu. Mais il s'est avéré qu'elle serait opérationnelle en ..2025. Maintenant,on nous annonce 1 million de boites d'amoxicilline pour 20 000 officines. Ce qui fait donc 1000 boites pour 20 pharmacies, et 50 boites par officine. De quoi tenir 5 ou 6 jours...
    Tout ça parce que le Comité Économique des Produits de Santé (C.E.P.S) écrase les prix au niveau le plus bas d'Europe sur demande de la Sécu. Les labos ne se bousculent alors pas pour livrer le marché français, où d'ailleurs, facteur aggravant, de petits malins, filiales de grossistes par exemple, achètent de grosses quantités de l'arrivage pour... les remettre sur le marché du pays d'à coté où la boite vaut le double, comme je l'ai constaté en entrant dans les pharmacies belges et néerlandaises. Comme me disait un confrère Belge : comment vous vivez avec des prix comme ça ?

    Maignan, pharmacien

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