Plafonnement de la rémunération des intérimaires : tout ça pour rien ?

Paris, le samedi 10 juin 2023 - Cette semaine, de nouvelles tensions ont marqué les rapports entre le ministère de la Santé et les praticiens hospitaliers. Parmi les différents motifs de frustration ressentie par ces derniers, s'accroît de plus en plus le sentiment que le plafonnement de la rémunération des intérimaires, qui suscite tant de difficultés dans les hôpitaux, ne permettra pas de faire progresser le dossier si crucial et si critique du manque d’attractivité des carrières hospitalières, en particulier auprès des plus jeunes. Tel est le point de départ de la tribune que publie aujourd’hui le JIM, émanant du Syndicat national des jeunes anesthésistes-réanimateurs qui permet une perception plus précise des enjeux intéressant principalement les jeunes praticiens. 

Par le Syndicat National des Jeunes Anesthésistes-Réanimateurs 

Deux mois après le 3 avril 2023, date d’entrée en vigueur de la loi Rist instituant le plafonnement de la rémunération de l’intérim médical dans le service public hospitalier, l’hôpital semble de plus en plus fragilisé et cette mesure non consensuelle est loin d’avoir mis fin à tous les maux. Saura-t-elle répondre à la baisse d’attractivité des carrières hospitalières auprès des jeunes ?

D’après Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), interrogé par le Quotidien du Médecin (article du 19/05/2023), 30% des postes de praticiens hospitaliers seraient vacants et cette pénurie concernerait 99% des établissements publics français. 

Certains centres hospitaliers appliquant la loi peinent à maintenir leurs services ouverts. La continuité des soins ne reposant alors uniquement que sur les praticiens hospitaliers en sous-effectif, certains services sont contraints de fermer, ou du moins d'adapter les soins disponibles. Dans presque chaque région de France métropolitaine, des services d’urgences, de maternité, de soins intensifs ou de médecine ont fermé, de manière totale ou partielle, pour quelques jours ou de manière plus pérenne.

D’autres centres hospitaliers extrêmement dépendants d’intérimaires ont préféré ne pas risquer de devoir fermer les services charnières, tels que des Unités de Soins Intensifs ou des blocs opératoires et donc l’hôpital entier. La décision a été prise par plusieurs directions de contourner la loi en faisant signer aux médecins remplaçants des contrats permettant de maintenir une rémunération attractive, par exemple en s’alignant sur la base réglementaire du plafond de rémunération des praticiens contractuels. Ces aménagements atténuent les conséquences sur le maintien de la continuité des soins, mais également l’effet attendu sur les dépenses allouées à la rémunération des médecins remplaçants. 

Les internes titulaires d’une licence de remplacement et les médecins fraîchement diplômés sont fréquemment en première ligne, acceptant de se déplacer dans les régions pour certaines éloignées et sous-dotées afin de maintenir ouverts et assurer la continuité des soins des blocs opératoires, des urgences ou des services de soins intensifs. Ce complément de revenu est non négligeable dans une période de la vie où la rémunération, surtout celle des internes, est incompatible avec certains projets. La réalisation de remplacements permet de financer des années de mise en disponibilité pour la réalisation de travaux de recherche scientifique (master 2 par exemple) où les bourses disponibles, notamment en anesthésie-réanimation ne sont pas assez nombreuses pour que tous les internes en bénéficient, permettant ainsi la poursuite de la recherche scientifique et la formation de futurs praticiens universitaires. 

Par ailleurs, les praticiens titulaires, récemment diplômés ou non, en plus d’absorber la charge de travail croissante, ne voient pas leur salaire revalorisé. Du point de vue des jeunes médecins, l’attractivité de la carrière hospitalière, déjà grevée par un sentiment de détérioration constante du service public hospitalier et d’une absence d’écoute par les instances des alertes formulées de manière itérative, ne s’en trouve que fragilisée.

Les jeunes médecins sont solidaires des services hospitaliers mais ne peuvent supporter un rythme effréné pour une rémunération peu satisfaisante dans un contexte de dégradation des conditions de travail à l’hôpital public ainsi que du service hospitalier public lui-même. 

Les opinions exprimées ci-dessus sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles du JIM ou du Medscape Professional Network. 

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Vos réactions (3)

  • Retraités actifs

    Le 10 juin 2023

    Et n'oublions pas les retraités actifs qui ont choisi des faire des remplacements pour avoir une activité limitée et modulable. Nous serions presque 20% des médecins inscrits à l'Ordre.

    Dr M. Soldin

  • Intérim et attractivité

    Le 10 juin 2023

    Mais les opinions exprimées ci dessus reflètent très exactement les miennes et celles de nombre de mes confrères concernés.
    30 % de postes non pourvus :
    -C'est le résultat de la politique de numerus clausus depuis des années (en fait celle que j'ai connue depuis le début de mes études, or je suis à un âge auquel je peux prétendre à la retraite !) : l'alarme a été donnée depuis longtemps, mais le soi disant numerus apertus d'aujourd'hui n'est clairement pas à la hauteur;
    - c'est le résultat d'une politique de gestion du personnel ...disons perfectible. On peut fidéliser son personnel si on s'en donne les moyens, pas en verrouillant la sortie vers l'intérim, le privé ou le mi temps.
    -C'est une jauge d'alerte pour l'employeur : sa politique de recrutement, sa gestion des personnels, les perspectives proposées sont clairement à remettre en question.
    Finalement, un DRH qui cherche à fidéliser ses intérimaires fait du bon travail, avec des contrats plus longs, plus pérennes et plus rémunérateurs. Si le patron (le ministre) n'y voit que des profiteurs c'est un employeur à courte vue.
    Dr F Chassaing

  • Confusion

    Le 10 juin 2023

    Il y a plusieurs problématiques à la pénurie médicale hospitalière. Les revenus ne sont qu’un prétexte.
    Il ne faut pas confondre le remplaçant en fin d’internat au début du clinicat, qui va apprendre énormément sur le terrain car confronté souvent seul aux patients, quelle que soit la spécialité. Et les mercenaires qui ne veulent pas être titulaires et/ou s’installer et qui profitent du système, mais surtout des réformes médicales stupides qui ont mis le pays dans l’état où il est aujourd’hui.
    Bêtise que de supprimer l’internat central et surtout périphérique. Bêtise d’avoir supprimé les CES. Bêtise la multiplication des spécialités, pour trois chirurgiens, il en faut la double voir le triple. Etc
    Bref , à force de centraliser la formation aux seuls CHU, de limiter l’accès aux spécialités cliniques, on vide les services hospitaliers qui ne peuvent tourner qu’avec les remplaçant souvent étrangers et des MG qui ont choisi l’hôpital plutôt que le libéral, mais ne seront jamais des spécialistes puisque plus de CES.

    Dr W. Melnick

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