Plaidoyer pour une intensification du dosage du PSA

Le cancer de la prostate (KP) est le plus fréquent des cancers chez l’homme. Le dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) permet de le détecter chez des sujets asymptomatiques à un stade précoce et curable. Ce dépistage a permis de réduire de plus de 20 % la mortalité spécifique au KP.

Certes, il existe des faux positifs (hyperplasie bénigne de la prostate) et, par ailleurs, tous les KP diagnostiqués ne justifient pas un traitement actif (âge avancé, comorbidités, KP à faible risque) ; il est vrai aussi que le traitement, notamment chirurgical, peut laisser des séquelles à type d’incontinence ou d’impuissance, et que le dépistage de masse suivi par des traitements abusifs a entraîné des troubles chez des sujets porteurs d’un KP quiescent qui aurait pu être simplement surveillé.

Ces conjonctures ont suscité en 2012 des directives déconseillant le dépistage de masse et réservant le dosage du PSA aux patients surveillés pour un KP connu. Il en est résulté une augmentation du taux de diagnostics de KP avancés et une régression de celui des KP localisés, cependant que les taux de mortalité cessaient de décroître.

Possibilité désormais de réduire le taux des diagnostics par excès

La Société d’Urologie américaine est un peu revenue sur ses instructions en 2018, préconisant que la décision de doser le PSA soit l’objet d’un colloque, discutant avantages et inconvénients, entre le médecin et son patient, mais seulement si ce dernier se situe dans la tranche d’âge 55-69 ans. En outre, le redéploiement des ressources médicales contre la Covid a nui, entre autres, aux campagnes de dépistage (par exemple 56 % de tests PSA en moins en avril 2020 par rapport à avril 2019 !).

Les auteurs plaident pour un retour au dépistage systématique par PSA en arguant que les calculateurs de risque et le recours à la résonance magnétique multiparamétrique (IRMMP) permettront de réduire le taux des diagnostics portés par excès en reconnaissant les « cancers non significatifs » et en ne les traitant que par une « surveillance active ».

Pour les autres, il permettra un traitement à un stade précoce, plus efficace, moins astreignant et moins onéreux que celui des KP métastasés qui seront ainsi plus rarement rencontrés. L’Association Européenne d’Urologie a mis au point un algorithme basé sur l’âge, le taux de PSA, les données du toucher rectal, éventuellement de l’IRMMP, et des biopsies (score de Gleason) pour déterminer chez les hommes de 50 à 70 ans, l’attitude la plus adaptée pour éviter de se trouver face à des cancers avancés.

Une bonne éducation des hommes, des médecins et des décideurs politiques permettra de remplacer le dépistage de masse aveugle de patients mal informés par un dépistage sélectif de sujets bien documentés, facilitant la reconnaissance de cancers précoces mais « significatifs », et aboutissant au sauvetage de nombreuses vies.

Dr Jean-Fred Warlin

Référence
Van Poppel H et coll. : Prostate-specific antigen testing as part of a risk-adapted early detection strategy for prostate cancer: European Association of Urology position and recommendations for 2021. Eur Urol., 2021; 80: 703-711.

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Vos réactions (6)

  • Intensification ?

    Le 07 juin 2022

    Répétons le : cette campagne menée par ceux dont c'est le gagne-pain est un appel à augmenter le chiffre d'affaires - et les dépenses de santé. Ils le font sans doute de bonne foi mais ne peuvent pas dire que leur avis est exempt de biais.
    Le dosage du PSA est un très utile test de stratification du risque prostatique, mais son bon usage est très, très, très loin de se définir comme devant être une intensification. Au contraire, tout est à revoir et il ne suffit certainement pas de dire "qu'on en discute" avec le patient. Des critères de bon usage beaucoup plus rationnels restent à valider cliniquement afin d'optimiser l'efficience de la pratique courante.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Les médecins n'ont plus confiance

    Le 07 juin 2022

    En moins de 30 ans : PSA oui, PSA non, PDA l/t oui, PSA l/t non, PSA oui... Les médecins n'ont plus confiance leurs patients non plus.
    Il faut rappeler Carlos Tavares...

    Dr Pierre Castaing

  • La religion médicale

    Le 08 juin 2022

    Le dieu "étude" est un dieu changeant; et pourtant les hommes l'adorent à tout instant, dans une croyance de son absolu message, de sa vérité indiscutable, en brûlant tout ceux, qui à un moment donné, le voient comme un dieu tout relatif; et mettent en doute les grands prêtres en charge de la communication transcendantale.En fait, ce n'est point le dieu, le problème, ce sont les grands prêtres qui se servent du dieu, pour simplement assoir leurs pouvoirs (...). Au nom des religions, que ne fait on point pour empêcher la liberté de l' homme, y compris de penser et d'agir.

    Combien de médecins ont ils été cloués au pilori pour avoir demandé un simple dosage des PSA, fruit de leurs experiences, quand cela n'était plus recommandé par dame ss? Ces médecins avaient donc t-ils raison comme Galilée ?

    Dr Christian Trape


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