Plan santé d’Emmanuel Macron : les libéraux déçus, les hospitaliers partagés
Paris, le lundi 9 janvier 2023 – Tout au long du week-end, les
syndicats de médecins n’ont pas manqué de réagir au plan santé
présentée par le Président de la République.
Difficile de renouer une confiance brisée par des années de
crise systémique du système de santé en une heure seulement. Ce
vendredi, Emmanuel Macron a présenté, lors de ses vœux aux
professionnels de santé, son plan pour sortir notre système de
santé de l’ornière, dans un contexte de contestation sociale sans
précédent dans le monde médical.
Le Président de la République espérait sans doute créer un
engouement pour les nombreuses mesures annoncées pendant son
intervention, d’autant plus que certaines reprenaient des
propositions de longue date des médecins. Mais les syndicats se
sont montrés très circonspects dans leurs réactions aux annonces
présidentielles, voire franchement très hostiles, signe d’une
franche rupture entre le monde médical et l’exécutif.
Sans surprise, ce sont les syndicats de médecins libéraux, qui
sortent pour certains d’une grève de deux semaines, qui se sont
montrés le plus sévère avec le plan présidentiel. Il faut dire que
le chef de l’Etat est allé totalement à contre-courant des
propositions portés par les syndicats. Alors que ces derniers
demandent une revalorisation du tarif de la consultation et
défendent le rôle central du médecin traitant, Emmanuel Macron
propose comme François Braun avant lui de « mieux rémunérer les
médecins qui prennent en charge de nouveaux patients », parle
d’un « nouveau pacte de soins et de devoirs avec la médecine
libérale » et n’a pas caché sa volonté de renforcer les
délégations de tâche en faveur des professions paramédicales.
Un discours « lunaire » et « hallucinant » pour les médecins
libéraux
« Emmanuel Macron méconnait la médecine de ville, il ne
parle que de forfaits et de délégation des actes cliniques alors
que les médecins réclament un choc de simplicité administrative
» réagit le Dr Sophie Bauer, président du SML. « La messe
est dite, son discours est hallucinant et hors sol, le chef de
l’Etat parle d’un pacte de droits et de devoirs pour la médecine de
ville, mais dans ses vœux il n’y a rien de nouveau, si ce n’est
qu’il veut nous rémunérer à la mission, c’est-à-dire par forfaits ;
à mon avis, il va y avoir beaucoup de médecins qui vont
déconventionner » s’inquiète le Dr Corinne Le Sauder,
présidente de la FMF.
Même inquiétude du côté du Dr Jérôme Marty, président de
l’UFML. « C’est un discours lunaire, au moment où il y a un
mouvement de médecins qui s’élève pour défendre le paiement à
l’acte, le président prône plus de forfaits ; pour dégager du temps
médical, il veut faire le renouvellement d’ordonnance par les
pharmaciens, c’est une insulte vis-à-vis des généralistes »
s’insurge l’omnipraticien.
Seule la CSMF se montre un peu plus retenue dans ses
critiques. « Je prends acte que le Président annonce un pacte de
droits et de devoirs avec la médecine libérale, nous jugerons sur
les actes, mais si les moyens mis sur la table sont insuffisants
pour les négociations conventionnelles, ce discours n’aura servi à
rien » réagit son président le Dr Franck Devulder.
Les hospitaliers entre enthousiasme…
Logiquement, les syndicats hospitaliers se sont montrés bien
plus favorables aux annonces présidentielles, qui reprennent
plusieurs revendications de longue date des médecins hospitaliers,
tels que la fin de la tarification à l'activité, la réforme de la
gouvernance hospitalière ou la revalorisation des gardes et du
travail de nuit. Historiquement proche de la majorité
présidentielle, la FHF se montre particulièrement élogieuse. «
C’est un discours ambitieux qui pose le bon diagnostic et n’a éludé
aucun sujet, plusieurs annonces fortes ont été faites » estime
son président Arnaud Robinet, qui « salue l’annonce de la
revalorisation pérenne des gardes, astreintes et du travail de nuit
à l’hôpital ».
Même enthousiasme chez Action Praticiens Hôpital, dont le
président le Dr Jean-François Cibien évoque « des mesures fortes »,
remercie le Président de la République pour ses propos sur les
heures supplémentaires et les 35 heures et se dit « favorable à
suppression de la T2A si on va au bout de la démarche ».
…et déception
Les hospitaliers ne sont cependant pas unanimes sur le plan
santé d’Emmanuel Macron. Présidente du Snphare, le Dr Anne
Geffroy-Wernet se dit « un peu déçu » après le discours
présidentiel. « J’ai l’impression que l’on reste sur des
rustines, son discours ne fait pas rêver, il n’y a pas de vision ;
sur l’organisation du temps de travail, c’est un vœu pieux, les
équipes sont déjà débordées par l’activité clinique, elles n’ont
pas le temps de s’organiser », critique
l’anesthésiste-réanimateur. Selon le Dr Frédéric Pain, membre de
l’association des médecins urgentistes de France, le chef de l’Etat
n’a « pas pris conscience de la gravité du problème à l’hôpital
».
Finalement, c’est l’expectative et la méfiance qui dominent
parmi les médecins, alors que plusieurs des propositions faites par
Emmanuel Macron mettront des mois voire des années à être précisées
et à se mettre en place et sont déjà promises depuis plusieurs
années. « Beaucoup de solutions qui sont proposées étaient déjà
dans le pacte de refondation des urgences de 2019 » souligne
pessimiste le Dr Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la société
française de médecine d’urgence.
Macron a bien conscience que la médecine en France va mal. Mais comme tous les gestionnaires très diplômés qui ne connaissent pas le monde médical et ses obligations, son éthique et ses responsabilités, il pense que la gestion ne peut qu'améliorer les résultats des médecins si elle est pratiquée par un diplômé qui saura rationaliser les dépenses... Tout le mal vient de là, il n'a pas compris que cette "gestion" type "usine de fabrication" est assez éloignée des objectifs du médecin. Il ne sait donc pas faire autre chose que... continuer. Par exemple associer le Président de la CME au Directeur pour les décisions concernant les Services etc, c'est louable mais à une condition: que le médecin ait un droit de véto si la décision est incompatible avec l'objectif médical ou le fonctionnement médical. Ce n'est absolument pas le cas aujourd'hui: le Directeur dépend directement du Ministère et applique les consignes, notamment le contrôle des dépenses. Quant à la Médecine libérale pas mieux traitée, c'est un monde qu'il faut réformer d'urgence mais sans contrainte d'installation, en trouvant le moyen de simplifier le carcan administratif et de faire assister les médecins par des collaborateurs. Il faut aussi trouver des moyens pour apporter les consultations dans les zones sinistrées, des essais ont déjà été faits et il faut créer les moyens.