Plutôt une radio-chimiothérapie pour le traitement néoadjuvant du cancer épidermoïde de l’œsophage

L’œsophagectomie reste la pierre angulaire du traitement du cancer de l’œsophage (KO). Mais la survie est prolongée par un traitement multimodal qui diminue l’incidence des récidives et des métastases postopératoires. C’est le traitement néoadjuvant (TNA) qui a les faveurs des thérapeutes mais doit-il être constitué de chimiothérapie (CTNA) ou de radio-chimiothérapie (RCTNA) ? Cela n’a pas encore été établi pour les KO épidermoïdes (KOE) et certains travaux laissaient entrevoir une plus grande toxicité de la RCTNA, responsable de plus de complications opératoires, mais il s’agissait alors de chirurgie par voie ouverte. Les auteurs chinois ont initié un essai prospectif, ouvert, multicentrique, randomisé comparant en 2017-2018 CTNA et RCTNA avant œsophagectomie cœlioscopique (OC) pour KOE, avec pour critère de jugement principal la survie globale.

Tous les malades de 18 à 75 ans ayant un KOE confirmé dont la limite supérieure était à 3 cm du sphincter supérieur de l’œsophage ont été inclus, quel que fût leur stade T, mais à la condition d’avoir moins de 3 ganglions envahis (N0-N1), pas de métastases (M0) sur les examens d’imagerie, un état général correct (le malade quittant son lit au moins 12h/j) et une perte de poids < 10 %.

Après s’être assuré de l’absence de défaillance viscérale et/ou d’autre cancer, les patients ont été tirés au sort pour entrer soit dans le groupe C (CTNA) recevant 2 cycles de paclitaxel et cisplatine séparés de 21 j, soit dans le groupe RC (RCTNA) recevant les mêmes molécules à doses moindres, associées à 20 séances de radiothérapie à 2 Gy, étalées sur 4 semaines.

Au cours de ce traitement néoadjuvant, la surveillance s’est faite par des examens cliniques, radiologiques et biologiques à la recherche de signes de toxicité imposant un éventuel arrêt du traitement. La chirurgie, 6 semaines plus tard, a consisté en un double abord cœlioscopique abdominal et thoracique et à un curage des lymphatiques de ces deux régions, doublé d’un curage cervical pour les KOE du 1/3 supérieur de l’œsophage. La continuité digestive a été le plus souvent rétablie par confection d’un tube gastrique anastomosé au niveau du cou.

Les complications et la mortalité ont été évaluées au cours des 90 j postopératoires. Les opérés ont été revus (clinique, endoscopies, scanners, marqueurs tumoraux) tous les 3 puis tous les 6 mois.

Tolérance presque similaire et meilleurs résultats oncologiques qu’avec la chimiothérapie seule

Au total 264 patients (132 C et 132 RC) ont été enrôlés, dont 226 hommes. Toutefois, après élimination de ceux qui ont refusé leur consentement au tirage au sort, ou qui n’ont voulu ou pu être opérés, il est resté 114 malades dans le RC et 108 dans le C (en intention de traiter car, parmi eux, 6 avaient des tumeurs non résécables du fait d’adhérences à la trachée ou à l’aorte et 78 étaient des T4 a (adhérences au pilier du diaphragme, à la plèvre ou au péricarde).

La toxicité du TNA a entraîné plus d’accidents dans le groupe RC (15 %) que dans le groupe C (7 %).

Le taux de complications postopératoires a été comparable (47 et 42 %), avec la même incidence de complications majeures et de fistules anastomotiques (10 et 11 %), et une mortalité à 90 j similaire (3,5 et 2,8 %).

Le taux de résection R0 (berges saines et curages extensifs) a été aussi très voisin dans les 2 groupes (97 et 96 %) mais l'anatomopathologie a montré une meilleure stérilisation du tissu tumoral dans le groupe RC (100 %) que dans le groupe C (96 %), (p < 0,001), ce qui se retrouve au niveau lymphatique (66 % de N0 après RC vs 46 % après C).

La survie à un an a été légèrement supérieure (87 vs 83 % après RC, avec moins de décès imputables à la progression tumorale dans le groupe RC (7 vs 14 %).

Ainsi, pour une tolérance similaire la radio-chimiothérapie préopératoire assure une stérilisation plus complète des cancers épidermoïdes de l’œsophage.

Dr Jean-Fred Varlin

Référence
Wang H et coll. : Morbidity and mortality of patients who underwent minimally invasive esophagectomy after neoadjuvant chemoradiotherapy vs neoadjuvant chemotherapy for locally advanced esophageal squamous cell carcinoma A randomized clinical trial. JAMA Surg., 2021;156(5):444-451.4

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article