
Environ 59 ans
En l’absence de législation précise en France, où les textes évoquent le fait d’être « en âge de procréer », la justice a été fréquemment saisie par des couples se heurtant aux refus de centres de procréation médicalement assistée parfois réticents à prendre en charge des hommes de plus de 60 ans, centres toujours soutenus par l’Agence de biomédecine. Si la justice a pu régulièrement donner raison à cette dernière, en invoquant l’intérêt de l’enfant, elle n’est jamais allée jusqu’à donner une indication de l’âge au-delà duquel le recours à la PMA devrait être impossible. La cour administrative d’appel de Versailles a franchi cette limite. Face à deux hommes de 68 et 69 ans (chacun en couple avec une femme), qui s’étaient vus refuser l’utilisation de leur sperme congelé mais qui avaient obtenu par le tribunal administratif de Montreuil l’autorisation de l’exporter, les magistrats Versaillais ont considéré « qu’en fonction des connaissances scientifiques (…) disponibles, un homme peut être regardé comme étant « en âge de procréer » au sens de l’article L.2141-2 du code de la santé publique, jusqu’à un âge d’environ 59 ans, au-delà duquel les capacités procréatives de l’homme sont généralement altérées ».Quand les jugent veulent jouer au législateur
Inédite, cette décision qui répond au souhait de l’Agence de biomédecine, à l’origine de l’appel, de disposer « d’une clarification des règles applicables », est contestée par les avocats des deux couples. « En fixant à “environ 59 ans” l’âge limite pour qu’un homme puisse faire une PMA, les juges se comportent comme le législateur qu’ils ne sont pas. La décision de savoir si un homme peut s’engager dans une PMA appartient en effet à ce dernier, à sa compagne et au corps médical, pas à l’État à travers l’Agence de la biomédecine », a commenté Raphaël Kempf, tandis que sa consœur Laurence Roques a renchéri : « Rien n’est prévu dans la loi, ce n’est donc pas une décision juridique » mais « une position morale et sociétale ».Age paternel limite : une appréciation différente selon sa propre situation
S’il est certain qu’il existe un vide juridique, cette décision fait écho à la position majoritaire des médecins. Une enquête réalisée par le Collège national des gynécologues obstétriciens français auprès de centres de PMA a ainsi récemment mis en évidence que dans la majorité des cas, les biologistes et cliniciens de ces structures prennent en compte l’âge de l’homme (84 %). La limite tacite fixée est de 60 ans. On constate cependant des différences en fonction du sexe et de l’âge des répondeurs. Ainsi, les gynécologues obstétriciens femmes interrogées sur ce sujet étaient 64 % à souhaiter qu’une limite soit imposée par la loi, contre 39 % chez les hommes ! Par ailleurs, si 70 % des praticiens de moins de 40 ans espèrent une telle régularisation, ils ne sont plus que 52 % après 40 ans. Une enquête conduite sur le Jim avait de la même façon révélé que 76 % de nos lecteurs sont favorables à un âge paternel limite pour les PMA, contre seulement 22 % qui s’opposent à un tel critère.Une différence d’âge "raisonnable"
En Europe, la plupart des pays ont abordé cette question de la limite d’âge. Ainsi, en Autriche, au-delà de 50 ans, les hommes ne peuvent plus espérer que leurs PMA soient pris en charge par la sécurité sociale. En Allemagne, il est précisé que l’accès à la PMA est restreint aux femmes âgées de 25 à 40 ans et aux hommes de 25 à 50 ans. En Norvège, la rédaction des textes est plus elliptique : elle indique que « la femme doit avoir entre 25 et 40 ans, et la différence d’âge avec son mari doit être ‘raisonnable’ (sic) ». Très nombreux sont cependant les pays qui se réfèrent à l’instar de la France au fait d’être en "âge de procréer" laissant aux équipes le soin d’établir leurs propres limites. Ainsi, en Suisse, le Centre hospitalier universitaire vaudois est très précis : « Pour les hommes, la limite est de 62 ans compte tenu de l’espérance de vie ». Ce ne sont finalement que dans quelques pays, l’Espagne, les Pays Bas ou encore la Grande-Bretagne, où l’on peut, en Europe, devenir père (voire mère) à tout âge.Aurélie Haroche