
Réduction significative des formes graves même dans les zones où les moustiquaires sont largement répandues
Il fallut cependant attendre le printemps 2018 pour que sous l’égide de l’OMS un programme pilote soit lancé dans plusieurs zones du Ghana, du Kenya et du Malawi. Quelques 800 000 enfants ont pu ainsi être concernés par cette campagne et 2,3 millions de doses administrées au cours des deux dernières années. Les résultats montrent une « réduction significative (30 %) des cas graves et mortels de paludisme, même lorsque le vaccin est introduit dans des zones où les moustiquaires imprégnées d’insecticide sont largement utilisées et où l’accès aux services de diagnostic et de traitement est adéquat ». A propos de ces résultats, Pedro Alonso, responsable du département paludisme à l’OMS a commenté : « Je ne crois pas que nous ayons prochainement un vaccin contre le paludisme qui soit très efficace. Mais ce que nous avons ici, c'est un vaccin qui peut avoir des conséquences massives, même s'il n'est efficace "qu'à" 30 %. Parce que quand on connait les ravages que fait le paludisme, même avec 30 % d'efficacité, c'est aujourd'hui l'un des vaccins les plus importants qu'on puisse recevoir en Afrique. »Pas de recul des autres mesures de prévention
Les autres points clés des premières conclusions des projets pilotes confirment un profil d’innocuité favorable (la première étude publiée en 2011 avait signalé un possible risque augmenté de crises convulsives). Par ailleurs, dans les zones où le vaccin a été introduit, on ne constate pas de diminution de l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide ou « du recours aux [autres] vaccins destinés aux enfants ou de la recherche de soins en cas d'affection fébrile ». L’OMS note encore que le vaccin « permet d'accroître l’équité en matière d’accès à la prévention du paludisme. Les données du programme pilote ont montré que plus des deux tiers des enfants des 3 pays qui ne dorment pas sous une moustiquaire bénéficient du vaccin RTS,S. La superposition des outils permet à plus de 90 % des enfants de bénéficier d’au moins une intervention préventive (moustiquaires imprégnées d’insecticide ou vaccin antipaludique) ». On notera encore que dans les régions où il existe une résistance à la chimiothérapie (alors que le vaccin offre des résultats comparables à cette stratégie), l’atout du vaccin est majeur.Moment historique
Sur la base de ces conclusions, en un moment qu’elle a qualifié d’« historique », l’OMS vient donc de recommander l’ « utilisation généralisée du vaccin antipaludique RTS,S/AS01 (RTS,S) chez les enfants en Afrique subsaharienne et dans d'autres régions où la transmission du paludisme à P. falciparum est modérée ou forte ». Le schéma vaccinal suppose l’administration de quatre doses à partir de l’âge de 5 mois (la valeur ajoutée de la quatrième dose fait cependant encore l’objet d’une évaluation). Malgré cette multiplication des injections, les projets pilotes ont confirmé la faisabilité de ce type de campagne.L’enjeu majeur du financement
Demeure cependant un point essentiel pour accompagner cet
élargissement de l’accès au vaccin RTS,S/AS01 : le financement. Les
laboratoires GlaxoSmithKline ont déjà promis de livrer au moins 15
millions de doses par an à prix coûtant. Cependant, les besoins
sont bien plus importants. Outre les soutiens de l’Alliance Gavi,
du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le
paludisme, d’Unitaid et de la Fondation Bill & Melinda Gates,
l’OMS espère que cette recommandation officielle contribuera à
recruter de nouveaux financeurs.
En attendant l’ARNmessager
L’autre objectif de cette annonce est également d’encourager encore davantage la recherche de nouveaux vaccins. Celle-ci est déjà très active. Ainsi, un essai de phase 2, concernant un vaccin développé par l’université d’Oxford, a montré au printemps une efficacité de 77 %. Les résultats de la phase 3 sont attendus avec impatience. Parallèlement, les laboratoires BioNTech ont révélé il y a quelques mois leur projet de recourir à la technologie de l’ANRmessager vaccinal pour développer un vaccin contre le paludisme et en collaboration avec Pfizer, des essais pourraient être lancés l’an prochain.Aurélie Haroche