Pratique avancée infirmière : un cursus qui s’essouffle déjà ?

Paris, le mercredi 20 avril 2022 - Pendant toute cette campagne présidentielle, les pratiques avancées infirmières ont été présentées par différents candidats comme une pierre angulaire d’un dispositif de lutte contre les déserts médicaux.

Les derniers chiffres publiés sur le nombre d’inscrits dans ces masters interviennent comme une douche froide. L’Union Nationale des Infirmiers en Pratique Avancée (UNIPA) a ainsi dévoilé les données de son recensement auprès des universités proposant la formation à cette nouvelle profession.

Rappelons que pour devenir infirmier de pratique avancée (IPA), il faut valider un master 2 en pratique avancée et avoir exercé 3 ans comme IDE (le diplôme peut être passé en formation initiale, mais il sera validé après 3 ans d’exercice).

Un total de 5 spécialités est proposé : néphrologie-dialyse, oncologie-hématologie, pathologies chroniques stabilisées, santé mentale, urgences.

Entre 2019 et 2021, ce sont 935 IPA qui ont été formés et 1 425 sont actuellement en formation, toutes mentions confondues, dont 648 sont inscrits en année de Master 1 pour la rentrée de septembre. La mention « Pathologies chroniques stabilisées » représente 54,7 % des étudiants en Master 2, contre 54,2% l’année universitaire précédente. Viennent ensuite les mention « Santé mentale et psychiatrie » (27,2 % vs 21,5 %), « Onco-hématologie » (12 % vs 16,3 %), Néphrologie- dialyse ( 5,5 % vs  8 %), 0,6 % (5) des étudiants sont inscrits dans la nouvelle mention « Urgences » qui n’est proposée que dans une seule université pour le moment.

En 2021, 621 infirmiers ont été diplômés en pratique avancée contre 260 en 2020 et 63 en 2019, une progression exponentielle mais qui semble plafonner. Ainsi, « seuls » 648 infirmiers sont inscrit en M1 de pratique avancée (pour la rentrée de septembre), un chiffre en baisse par rapport à 2021 où ils étaient 729. Si l’on estime qu’environ 90 % de ces inscrits arriveront au bout de leur cursus, on peut donc s’attendre à ce que le nombre d’infirmiers de pratique avancée diplômée en 2022 sera inférieur à 600.

Pas d’avenir en libéral et de rémunération supplémentaire l’hôpital !

« On observe que, trois ans seulement après sa création, il y a déjà une cassure au niveau de la courbe des entrées dans la formation » note ainsi Tatiana Henriot, présidente de l’UNIPA auprès de nos confrères d’infirmier.com.

Comme raison principale de cette désaffection relative, elle observe un « problème d’attractivité de la profession et d’inadéquation des textes qui l’encadrent. Nous avons notamment raté le coche des soins primaires, avec un modèle économique qui n’est pas du tout adapté. Pareillement, en hospitalier, les IPA se voient toujours appliqués leurs anciennes grilles de rémunération. Ce sont essentiellement les textes administratifs qui bloquent. (…) Or si on ne lève pas ces difficultés administratives, on ralentit le déploiement de la profession, voire on la tue. Certains professionnels en exercice ont déjà décidé d’arrêter. D’ailleurs, en formation, on le voit : ce n’est quasiment plus que pour un exercice hospitalier. Au tout début, je dirais qu’on était à 50 % hospitaliers, 50 % en soins primaires, mais on est désormais plus proche des 80-20. On se heurte à des problématiques réglementaires, administratives, législatives… qui font que le temps des textes n’est pas celui du temps du terrain ».

Donner de l’attractivité aux pratiques avancées pourrait donc être l’une des missions du prochain locataire de l’avenue de Ségur.

Quoi qu’il en soit, on devrait compter un peu moins de 2 500 IPA fin 2023, bien loin des 5000 promis pour 2022.

Xavier Bataille

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Vos réactions (2)

  • Une bonne assurance

    Le 20 avril 2022

    Et pour ceux qui vont se lancer dans les pratiques avancées en libéral, entre les rémunérations, les contraintes administratives et le risque médico-légal en cas de "bourde ", il faudra beaucoup de motivation et une bonne assurance responsabilité professionnelle !

    Dr Claude Salmon

  • Mépris de la profession

    Le 24 avril 2022

    Je ne sais comment on peut encore croire qu'on souhaite que la profession infirmière vive.
    Après tout on arrive à justifier que pompiers, pharmaciens ou autres pratiquent des vaccinations en sollicitant les infirmières en dernier ressort, comme si elles n'y connaissaient rien.
    Une infirmière intérimaire me disait qu'après le plan blanc en mai dernier, plein d'IDE ont démissionné, ou sont parties en reconversion, et qu'un tiers de la promo de 1e année a choisi d'arrêter de se faire mal en se formant à un métier aussi bien traité !

    Bref ces statistiques sur les pratiques avancées reflètent l'hémorragie de soignants qui est déjà là et va continuer d'être là sauf à convertir des AS en IDE en formations accélérées (tout comme les IPA servent à jouer au docteur pour moins cher).
    Bref quand on se fout de ses soignants, on finit par en récolter les fruits.
    Quand à la discordance entre le temps administratif et le temps du terrain, que dire ?

    Laurent Saint-Martin (IDE)

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