
Mayence, le jeudi 11 mai 2023 – Deux études récentes ont démontré l’apport potentiel de l’intelligence artificielle et de l’ARNm dans la lutte contre le cancer du pancréas.
Le cancer du pancréas constitue l’une des formes de cancer avec le pronostic le plus péjoratif : seuls 42 % des patients survivent plus d’un an et 12 % plus de cinq ans. La maladie inquiète d’autant plus les cancérologues que son incidence est en augmentation, d’environ 3 % chaque année. « En France, l’incidence est galopante, un doublement a déjà eu lieu entre 2000 et 2006 puis entre 2006 et 2012 et alors que la mortalité de tous les autres cancers a diminué, celui-ci n’a pas bénéficié des progrès actuels » expliquait la Pr Vinciane Rebours, cheffe du service de pancréatologie à l’hôpital Beaujon, le 17 février dernier lors d’une journée dédiée au cancer du pancréas organisée par l’Académie nationale de chirurgie. Autre problématique d’importance, le diagnostic est souvent tardif : dans 80 % des cas, à sa découverte, le cancer du pancréas est métastatique ou localement avancé et donc inopérable.
Un vaccin à ARNm prometteur
Chaque publication dans le domaine du cancer du pancréas est donc scrutée avec attention. Cette semaine, ce sont deux articles publiés dans la célèbre revue Nature, concernant l’utilisation de nouvelles technologies contre ce type de cancer, qui ont ravivé l’espoir chez les patients et les médecins. Le premier, publié ce lundi, concerne le diagnostic. Dans cette étude, des chercheurs danois et américains ont fait analyser par une intelligence artificielle les dossiers médicaux de 11 millions de patients au Danemark et aux Etats-Unis, dont 28 000 étaient atteints d’un cancer du pancréas, afin de lui apprendre à repérer les facteurs de risque de cette maladie. Au final, l’intelligence artificielle développée par les chercheurs était plus performante que n’importe quelle autre méthode actuellement utilisée pour évaluer le risque de survenue d’un cancer du pancréas dans les trois ans chez un individu donné.
L’autre étude concerne un éventuel traitement contre le cancer du pancréas, grâce au développement d’un vaccin à ARNm. Après avoir été massivement utilisé pour combattre la Covid-19, ces vaccins représentent, selon beaucoup de scientifiques, l’avenir de la lutte contre le cancer (un vaccin à ARNm contre le mélanome est déjà en cours d’évaluation aux Etats-Unis). Dans le travail publié ce jeudi dans Nature, les chercheurs de la firme allemande BioNTechb (à l’origine du vaccin contre la Covid-19 le plus utilisé dans le monde), ont analysé le génome de tumeurs pancréatiques prélevés sur des patients américains. A partir de ces données génétiques, ils ont pu, en neuf semaines, développer des vaccins à ARNm personnalisés pour chaque tumeur. 50 % des patients ayant reçu le vaccin ont eu une réponse immunitaire et ont vu leur tumeur disparaitre, sans aucune rechute à 18 mois.
Lancement du G7 du cancer
Aussi prometteurs que soient ces résultats, il reste à relativiser : l’étude ne comportait que 16 patients et de plus ces derniers suivaient, en parallèle de cette vaccination expérimentale, une chimiothérapie intensive. Des études plus poussées comprenant plus de malades doivent donc être menées pour confirmer voire améliorer l’efficacité de la vaccination. « Cela reste, malgré la nature préliminaire de l’étude, le premier succès démontrable d’un vaccin à ARNm dans le cancer du pancréas, c’est une étape importante » se réjouit le Dr Anirban Maitra, spécialiste de cette maladie à l’université de Houston au Texas.
Ces deux avancées scientifiques potentiellement majeures surviennent alors que l’Institut national du cancer (Inca) lançait ce mercredi à Paris le « G7 du cancer ». A l’initiative de l’Inca, les instituts de lutte contre le cancer des sept pays les plus avancés dans la recherche en oncologie (France, Etats-Unis, Canada, Australie, Royaume-Uni, Allemagne, Japon) se réunissent pour « renforcer la coopération entre partenaires et accélérer la lutte contre la maladie ». Au cours de cette première réunion, durant laquelle l’Inca a été désignée à la présidence du G7-cancer pour deux ans, ces spécialistes venus du monde entier ont dressé la liste de leurs priorités, parmi lesquels l’accélération de la recherche pour les cancers de mauvais pronostic.
Grégoire Griffard