
L’hémangiome infantile est la plus fréquente des tumeurs bénignes du nourrisson puisqu’elle est observée chez 3 à 10 % d’entre eux. Les lésions, habituellement absentes à la naissance apparaissent entre 4 et 6 semaines, se développent jusqu’à l’âge de 5 mois, se stabilisent puis régressent spontanément pour la majorité des patients. Cependant, des complications peuvent survenir dans 12 % des cas. Elles sont liées soit à la localisation de l’hémangiome (péri-orificielle par exemple pouvant gêner la vision, l’alimentation) ou à son étendue ou encore au risque de séquelles esthétiques importantes voire à la survenue d’un syndrome de Kasabach Merritt. Jusqu’à peu la corticothérapie systémique ou l’interféron alfa et la vincristine dans les cas rebelles constituaient la seule réponse thérapeutique dans ces situations, avec une efficacité et une tolérance très variables.
Dès 2008, l’équipe du service de dermatologie de Bordeaux a rapporté la régression d’hémangiomes chez des enfants traités par propranolol. Plusieurs autres « case reports », et deux essais cliniques ont ensuite confirmé l’efficacité de ce traitement généralement administré à la dose de 2 mg/kg/ jour. Le propranolol est ainsi devenu le traitement de première ligne des hémangiomes compliqués malgré le manque d’études randomisées contrôlées et l’absence, jusqu’à récemment, de formulation pédiatrique.
Disparition de l'hémangiome dans 60 % des cas à 6 mois avec 3 mg/kg
C’est pour combler cette lacune que C Léauté-Labrèze et coll.
ont entrepris une étude multicentrique randomisée en double aveugle
de phase 2/3 pour préciser l’efficacité et la sécurité d’emploi du
propranolol chez des enfants de 1 à 5 mois porteurs d’un hémangiome
requérant un traitement systémique (à l'exception des hémangiomes à
haut risque). Dans un premier temps 460 patients ont été randomisés
(au sein de différents groupes d'âge et de localisation de
l'hémangiome, facial ou extrafacial) soit dans le groupe placebo
soit dans un des quatre groupes de traitement : propranolol 1
mg/kg/j pendant 3 mois ou 6 mois, propranolol 3 mg/kg/j pendant 3
ou 6 mois. Les enfants assignés aux groupes de traitements actifs
d’une durée de trois mois ont ensuite reçu le placebo pendant 3
mois.
Lors de l’analyse à 24 semaines il a été estimé que le protocole
comportant l’administration de propranolol à 3 mg/kg/j pendant 6
mois était le plus efficace. L'évaluation précise de l'efficacité a
donc été menée sur le groupe assigné à recevoir cette posologie et
le groupe placebo.
A six mois, on constatait en effet chez 61 des 101 enfants (60 %) ayant reçu le propranolol à 3 mg/kg/j pendant ces 24 semaines une résolution complète ou quasi complète de l'hémangiome alors que ce n'était le cas que pour 2 des 55 patients sous placebo (4 % ; p < 0,001). La supériorité du protocole sélectionné demeurait dans les analyses avec ajustement pour l'âge et la localisation de l'hémangiome. L'amélioration de la lésion était visible à 5 semaines pour 88 % des enfants recevant le propranolol à 3 mg/j versus 5 % dans le groupe placebo et a persisté jusqu'à la semaine 24 pour 73 % des sujets du groupe actif contre 5 % de ceux du groupe placebo.
Au cours du suivi jusqu'à 96 semaines, le succès thérapeutique s'est maintenu pour 35 des 54 enfants ayant reçu le protocole sélectionné (65 %) et 2 du groupe placebo. Au total 10 % des sujets du groupe actif ont dû être retraités.
Les effets secondaires connus du propranolol ont été rares (hypotension, bradycardie, bronchospasme) et leur incidence, bien que plus élevée, n’a pas été statistiquement significativement différente de celle observée dans le groupe placebo.
Cette large étude randomisée contre placebo montre donc que le propranolol est un traitement efficace des hémangiomes compliqués du nourrisson avec un profil risque-bénéfice favorable et qu'une
Dr Marie-Line Barbet