
Paris, le vendredi 17 mars 2023 – Un article de la CAF sur la transidentité chez les mineurs a provoqué l’ire des milieux conservateurs ces dernières semaines.
Dans notre époque prompt à déclencher des polémiques en tout genre, peu de sujet sont plus brulants que celui du transsexualisme, surtout quand il concerne les mineurs. L’évocation des enfants et adolescents transgenres, un phénomène de société qui prend de plus en plus d’ampleur, a le don de provoquer des réactions épidermiques, que ce soit chez les conservateurs ou les progressistes (supposés). La dernière polémique en date sur un article de la Caisse d’allocation familiale (CAF) illustre que le débat sur le sujet est malheureusement loin de s’apaiser.
L’affaire commence le 25 janvier dernier lorsque la CAF publie dans son magazine « Vies de famille » un article intitulé « Mon enfant est transgenre, comment bien l’accompagner ». Un texte destiné à aider et accompagner les parents d’enfants se déclarant transgenres et qui adopte un parti pris résolument favorable à l’acceptation voire à la promotion du changement de sexe chez les mineurs. L’article donne ainsi exclusivement la parole à des militantes des droits des personnes transgenres, comme Anais Perrin-Prevelle, coprésidente de l’association OUTrans ou Maryse Rizza, présidente de l’association Grandir Trans. On peut notamment y lire que « le genre n’a rien à voir avec la sexualité », que « la transidentité n’est pas un choix mais une question de survie pour les jeunes qui l’expriment » ou que les parents qui « se sentent démunis peuvent se tourner vers les associations LGBTQI+ ».
Une modification faite en catimini
Il n’en fallait pas plus pour provoquer la colère de Juristes pour l’enfance, une association conservatrice notamment opposée à la GPA et à la PMA pour toutes. « Sous couvert d’apporter une aide aux parents confrontés aux difficultés de leurs enfants, cet article se fait le porte-parole d’associations militant pour banaliser et encourager la transidentité chez les enfants, sans faire référence au débat contradictoire qui existe sur ces questions » s’émeut le groupe de juristes. Dénonçant une information « partisane et biaisée qui prive les enfants de soins adéquats et induit en erreur les parents », l’association demande à la CAF de « retirer sans délai cette page de son site internet ». Tentant de dédramatiser la situation, la CAF répond alors qu’ « il ne s’agit que d’un sujet parmi 450 autres » traités par son magazine et que « ce n’est parce qu’un sujet ne fait pas consensus qu’il ne faut pas en parler ».
La polémique a pris une nouvelle ampleur le 16 février avec la publication dans le journal Le Figaro d’une tribune demandant au ministère de la Santé « de faire retirer sans délai du site internet de la CAF cette page de désinformation dont les lacunes et la partialité déshonorent l’organisme émetteur et par conséquent votre ministère ». Une tribune signée notamment par dix-neuf médecins, dont le Pr Didier Sicard, ancien président du comité consultatif national d’éthique (CCNE) et le Pr Israël Nisand et qui propose « d’engager la rédaction d’une nouvelle page d’information, sous l’égide de véritables spécialistes qui alerterait les familles sur les manipulations mentales dont sont victimes les jeunes par le biais des réseaux sociaux ».
Cette tribune n’aura pas été sans effets, puisque l’article de la CAF a finalement été modifié en début de semaine. Une modification faite en catimini, puisqu’elle n’a fait l’objet d’aucun communiqué de la part de la CAF ou du ministère de la Santé. Désormais, l’article précise que « les changements médicaux ne sont bien entendu pas à prendre à la légère avec des impacts potentiellement lourds au-delà des changements sur l’appareil génital externe, nécessairement irréversible ».
Une association porte plainte contre des médecins
L’article dans cette nouvelle version cite également in extenso l’avis rendu par l’Académie de Médecine le 25 février 2022, qui précise que la prise en charge médicale des personnes transgenres doit être faite avec « la plus grande prudence », qu’il existe un « risque réel de surestimation diagnostique » et que la priorité doit toujours être donné à la prise en charge psychologique avant d’envisager un éventuel traitement hormonal ou chirurgical. En outre, la nouvelle mouture du document précise que le ministère de la Santé a demandé à la Haute Autorité de Santé (HAS) d’élaborer de nouvelles recommandations, attendues pour septembre prochain, sur la prise en charge des adolescents transgenres.
La modification de l’article de la CAF, qui lui donne désormais un ton plus balancé, satisfait les auteurs de la tribune publiée dans Le Figaro. « Nous saluons la forte mobilisation dans cette affaire et nous réjouissons de cette victoire » commente notamment Juristes pour l’enfance dans un communiqué publié ce mercredi.
Mais l’affaire est cependant loin d’être terminée. Appréciant visiblement peu de voir son combat remise en cause, l’association OUTrans a en effet porté plainte auprès du conseil de l’Ordre des médecins contre huit des dix-neuf médecins ayant signé la tribune publiée dans Le Figaro, les accusant de « désinformation médicale » et de « charlatanisme ». « S’agissant de l’approche affirmative de genre, il est faux et grave de dire qu’elle ne repose sur aucun fondement scientifique » avance l’association dans sa plainte, évoquant un « consensus » sur la question parmi les professionnels de santé. Conformément au code de déontologie, les médecins visés par ces plaintes ont donc été convoqués par leur conseil départemental pour une confrontation qui devrait être pour le moins houleuse.
Grégoire Griffard