Quand la religion protège du suicide

Responsable de plus de 800 000 décès chaque année dans le monde, le suicide constitue une importante cause de mortalité. À son impact humain, il faut aussi ajouter une lourde incidence économique : par exemple, pour la seule année 2013, le coût financier des suicides et des tentatives de suicides aux États-Unis est estimé à 58 milliards de dollars !

Pour réduire ce double gâchis humain et financier, l’identification de facteurs protecteurs contre le risque de suicide représente donc « une priorité de santé publique. » Comme des travaux antérieurs suggèrent que des croyances religieuses peuvent constituer un tel contexte protecteur, une nouvelle étude a été consacrée à l’association entre convictions religieuses et tendances suicidaires.

Portant sur 7 403 sujets, cette enquête confirme l’existence d’une association négative entre ces phénomènes, c’est-à-dire que des croyances ou des pratiques religieuses ont bien un rôle protecteur, à la fois contre « les idées suicidaires dans l’année écoulée (Odds ratio ; OR = 0,71 intervalle de confiance à 95 % IC [0,51–0,99]), contre leur prévalence dans toute l’existence (OR = 0,83 ; IC [0,69–0,99]), et contre les tentatives de suicide dans toute l’existence (OR = 0,69 ; IC [0,53–0,90]). »

Moindre perception d’un vide existentiel

Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce rôle protecteur de la religion en matière de comportements ou d’idées suicidaires : l’interdiction du suicide dans les grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam), l’usage généralement plus modéré de substances toxiques (alcool ou drogues) chez les adeptes d’une religion que chez les sujets sans conviction religieuse, le fait que la pratique d’une religion implique souvent une meilleure socialisation (participation à des fêtes, fréquentation d’une communauté) et une certaine ritualisation des comportements pouvant contribuer à diminuer la perception insidieuse d’un vide existentiel.

Le sentiment d’appartenance communautaire permettrait ainsi de contrecarrer un ressenti de solitude et d’isolement social, lui-même porteur de risque de suicide. Mais des études plus poussées sont nécessaires pour mieux comprendre « les mécanismes sous-jacents » de cette association négative entre suicide et religion.

Dr Alain Cohen

Référence
Jacob L et coll.: The association of religiosity with suicidal ideation and suicide attempts in the United Kingdom. Acta Psychiatrica Scandinavica, 2019: 139: 164–173.

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Vos réactions (1)

  • Différences entre les pays

    Le 19 février 2019

    Attention ! cette étude ne concerne que le Royaume-Uni.
    Une étude dans 42 pays du Journal of Health and Social Behavior (vol. 58, 3: pp. 322-339. , First Published June 22, 2017) avait montré de nettes différences selon les pays :
    "Using multilevel models to analyze data from the World Health Organization Mortality Database and the World Values Survey (1981–2007) across 42 countries in seven geographical-cultural regions, this study explores whether religious participation is more protective against suicide in some regions than others and, if so, why. Results indicate that while religious participation is protective in Latin America, eastern Europe, northern Europe, and English-speaking countries, it may aggravate the risk of suicide in East Asia, western Europe, and southern Europe".

    Dr Francis Eudier

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