Quand les soignants perdent le goût de l’hôpital public

Paris, le mardi 21 septembre 2021 – Le gouvernement et les responsables hospitaliers ont beaucoup insisté sur le fait que l’obligation de vaccination contre la Covid avait été très majoritairement respectée et n’avait donc pas entraîné de difficultés majeures dans les établissements de santé. Localement, on rencontre cependant des situations complexes et douloureuses. Ainsi, à l’hôpital de Montauban hier, les syndicats ont témoigné combien la suspension de 16 agents (sur 1 800) ne pouvait qu’accroître la dégradation des conditions de travail dans un établissement qui peine depuis des années à retenir ses infirmières, médecins et aides-soignants. Ainsi, 60 postes d’infirmiers (dont 23 en psychiatrie) et 28 d’aides-soignants sont vacants aujourd’hui. « Plus personne ne veut venir travailler ici, on ne trouve pas ! On n’est plus attractif » résume dans la Dépêche du Midi, Christelle Quris, représentante CGT du personnel.

Pas d’avenir pour l’hôpital public

L’exemple de Montauban signale combien les suspensions liées au refus de respecter l’obligation vaccinale ne constituent qu’un épiphénomène (mais parfois problématique) dans un contexte chronique de sous-effectif et de conditions de travail dégradées. En toile de fond de ce tableau clinique inquiétant, une désaffection profonde pour l’hôpital. « On ne voit absolument pas d’avenir pour l’hôpital public. Beaucoup sont sur le départ, et pas seulement les paramédicaux. Il y a aussi énormément de médecins et toutes les professions de l'hôpital qui sont en train de partir » analysait ainsi Pierre Schwob, infirmier, membre du collectif Inter-Urgences dans les colonnes du Quotidien du médecin la semaine dernière. Dans un tel marasme, chaque départ est potentiellement perçu par ceux qui restent comme un signal de l’existence d’échappatoire, alors que l’absence de remplacement systématique contribue souvent à accroître encore la charge de travail de ceux qui restent. C’est ce qu’a résumé Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers SNPI CFE-CGC lors d’une conférence de presse intersyndicale la semaine dernière en parlant de la « spirale des départs ». Face à cette situation, les pansements du gouvernement avec les revalorisations du Ségur de la santé l’année dernière sont jugés notoirement insuffisants.

Encore moins envie de rester qu’ailleurs

Le cœur du problème ne semble en effet pas d’abord la question de la rémunération. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée par le collectif Nos services publics, à laquelle 4 555 personnes ont participé sur internet (ce qui suppose un biais de sélection). Il apparaît notamment dans le secteur de la santé une perte de sens profonde vis-à-vis de ce qui fonde le service public. L’organisation signale : « Les raisons pour rester au sein du service public sont systématiquement moins choisies au sein du secteur de la santé que dans les autres secteurs. La seule exception à cette moindre occurrence de raisons de rester est « les collègues » (31 % versus 22 % pour les répondants hors secteur de la santé). Le manque de moyens et les mauvaises conditions de travail sont des problèmes cités nettement plus fréquemment que dans les autres secteurs, avec respectivement 74 % et 52 % de répondants qui déplorent ces problèmes dans le secteur de la santé contre 62 % et 40 % hors santé ». Ces conclusions font encore une fois écho à de nombreuses observations du terrain : le Dr Marc Durand-Reville, responsable de l’association toulousaine MOTS dédiée à la souffrance des patients confiait récemment dans le Quotidien du médecin. « Je suis inquiet de voir des difficultés de recrutement, des départs, des démissions dans les hôpitaux publics (…) qui passent inaperçus ».

Aurélie Haroche

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Vos réactions (6)

  • Démissions à l'hôpital public

    Le 21 septembre 2021

    Tant que l'on aura pas réglé le problème de la "suradministration" de l'hôpital public, les départs continueront.

    Dr D. Carreau

  • L'hopital n'est plus attractif

    Le 22 septembre 2021

    Non l’hôpital non universitaire n'est plus attractif. J'ai démissionné d'un poste de PH à 44ans et je me sens mille fois plus heureuse et UTILE que dans un petit hôpital où les administratif (direction, cadre infirmiers etc....) font la loi et divisent pour mieux régner. Les patient sont la dernière roue du carosse et le sens du soin l'avant dernière. On vient pour sa fiche de paye et ses RTT, on passe sa vie à faire "des transmissions" car c'est l'occasion de rester assis en buvant un café. On redoute les "entrants" car ça bouscule le train train... bref : un cauchemar.

    Des centaines de griefs accumulés entre ces personnels qui bossent en vase clos. Les malins qui fayotent auprès du directeur pour mettre leur cabinet privés dans les locaux de l’hôpital public et font leur beurre.

    Tout ça perdure car "l’hôpital est le premier employeur de la ville, avec le centre commercial".

    A 20 km de Paris on est dans une zone de non droit. Que les gens se plaignent du manque de moyens, je comprends. Ceux restent(pour ceux qui restent) c'est pour payer leurs crédits. Le sens de leur travail est loin d’être la préoccupation, pour beaucoup d'entre eux : les administratifs et quelques soignants ne viennent pas pour ça.

    Dr Isabelle Herry

  • L'arlésienne

    Le 22 septembre 2021

    La question de l'attractivité des carrières hospitalières est une arlésienne aprés N rapports dont un rapport Véran (Dec 2013) sur l'intérim médical et la mercenarisation attenante. Mon propos ne portera "que" sur les PH.

    1- Un constat générationnel : Le gout des plus jeunes (externes , internes , CCA) pour le temps personnel et le temps partiel permettant de garder un " pied à terre " hospitalier sécurisant. Le temps partiel est peu propice à la continuité des soins, il permet de joindre l'utile à l'agréable tant sur le plan professionnel que personnel et familial.

    2- Deux certitudes :
    Les perspectives de pleine retraite SS se sont éloignées avec la réorganisation des échelons (1/1/2021) à l'issue du Ségur. En pratique 71 ans 6 mois à l'issue d'un parcours rectiligne de PH ayant effectué son service national. Perspective peu attractive mais aussi ballon d'essai méconnu dont on a retenu que les primes acquises et les lits hypothêtiques.
    La crise sanitaire et sociale clive plus qu'elle unifie les soignants en ré-activant et acutisant les corporatismes pré-existants.

    Dr JP Bonnet PH 61ans

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