Quatre traitements au banc d'essai pour les kératoses actiniques

Avec une prévalence estimée à 37,5 % parmi les sujets de 50 ans et plus la kératose actinique (KA) est un des motifs les plus fréquents de consultation en dermatologie. Considérée comme la lésion cutanée prénéoplasique la plus couramment observée dans la population blanche, son potentiel de dégénérescence n’est pas clairement défini, avec une proportion de KA évoluant vers un carcinome épidermoïde qui varie de 0,025 à 16 % par an selon les études ! Par ailleurs aucune caractéristique clinique ne permet de distinguer véritablement les KA qui sont susceptibles de présenter une évolution défavorable.

Néanmoins, il semble raisonnable de vouloir éliminer les KA et divers traitements sont disponibles pour le faire, tous malheureusement grevés d’un taux de récidive élevé. Les lésions isolées peuvent être traitées par cryothérapie. Toutefois il est fréquent d’observer plusieurs KA dans une même localisation et une approche permettant de traiter plusieurs lésions ainsi que de prévenir d’autres KA et la survenue de carcinomes épidermoïdes dans une même zone (appelée champ de cancérisation) est privilégiée par les plus récentes recommandations. Les topiques les plus prescrits et étudiés dans cette indication sont les crèmes au 5 fluoro-uracile (Effudix®), à l’imiquimod (Aldara®) et au mébutate d’ingénol (Picato®) ainsi que la photothérapie dynamique (avec aminolévulinate de méthyle, Metvixia®). Actuellement, le choix entre ces différentes méthodes dépend des préférences des patients et de leur médecin.

Pour préciser laquelle est la plus efficace à long terme une équipe de l’université de Maastricht a entrepris une étude dont les résultats sont rapportés dans le New England Journal of Medicine. Les patients ont été recrutés dans 4 hôpitaux des Pays Bas entre novembre 2014 et mars 2017 et inclus quand ils présentaient au moins 5 KA sur une zone de 25 à 100 cm2 au niveau de la tête ou du cou et lorsqu’ils n’avaient pas eu de cryothérapie (ou autre traitement physique) dans cette zone, ni reçu de traitement immunosuppresseur ou par rétinoïdes systémiques.

Ils ont été assignés au hasard (ratio 1 ; 1 ; 1 ; 1) à un des quatre traitements suivants : crème au 5 fluoro-uracile à 5 % (5 FU) ; crème à l’imiquimod à 5 %, photothérapie dynamique (PDT) avec aminolévulinate de méthyle ou un gel au mébutate d’ingénol 0,015 % avec une évaluation à 3 mois (ou un mois avec l’imiquimod) et une possibilité de retraitement en cas de réponse incomplète, ce que davantage de patients des trois groupes autres que le 5 FU ont refusé. Il s’agissait de déterminer la proportion de patients bénéficiant d’une réduction d’au moins 75 % du nombre de KA, 12 mois après la fin du traitement.

Moins d’échecs à long terme avec la crème au 5 FU

Sur les 624 patients inclus, l’analyse en intention de traiter a pu être faite pour 602 d’entre eux. La probabilité de ne pas avoir présenté d’échec thérapeutique (moins de 75 % de lésions éliminées) 12 mois après la fin du traitement est apparue significativement plus élevée chez les patients qui avaient reçu la crème au 5 FU (74,7 % ; Intervalle de confiance à 95 % [IC] 66,8 à 81,0 %) par rapport à ceux ayant appliqué l’imiquimod (55,9 % ; IC 45,4 à 61,6 %), la PDT (37,7 % ; IC 30 à 45,3 % ou le mébutate d’ingénol (28,9 % ; IC 21,8 à 36,3 %.) Par comparaison avec le 5 FU, l’Hazard Ratio (HR) d’échec thérapeutique est de 2,03 avec l’imiquimod (IC 1,36 à 3,04), 2,73 avec la PDT (IC : 1,87 à 3,99) et 3,33 (IC: 2,29 à 4,85) avec le mébutate d’ingénol (p ≤ 0,001. )

L’adhésion au traitement a été meilleure dans les groupes mébutate d'ingénol et PDT (probablement lié à la brièveté des traitements). Le résultat cosmétique a été jugé plus favorable avec ces deux produits également. Par contre la satisfaction et la qualité de vie ont été mieux préservées avec le 5 FU.

A douze mois après la fin du traitement pour les patients avec de multiples kératoses actiniques de la tête et du cou la crème au 5 FU semble donc la plus efficace sans avoir toutefois les meilleurs résultats cosmétiques et sans susciter le plus d'adhésion. Et c'est aussi l’option la moins onéreuse.

Dr Marie-Line Barbet

Références
Jansen MHE et coll. : Randomized Trial of Four Treatment Approaches for Actinic Keratosis. N Engl J Med 2019;380:935-46. DOI: 10.1056/NEJMoa1811850

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