Quelques recommandations pour le traitement des hémangiomes infantiles par le propranolol

Le propranolol est un béta-bloquant non sélectif bien connu des pédiatres pour ses indications cardiaques. Son effet involutif spectaculaire sur les hémangiomes infantiles [HI], découvert fortuitement en 2007, l’a hissé au premier rang des traitements des HI compliqués, sans essais de phase II et III. La rançon de cette promotion rapide est que les protocoles thérapeutiques diffèrent plus ou moins d’un centre de dermatologie à l’autre.

Aux USA, une conférence de consensus sur l’utilisation du propranolol par voie orale dans les HI a eu lieu le 9 décembre 2011. Elle avait été précédée d’une revue de la littérature et d’une enquête auprès des prescripteurs. Elle a réuni des experts de cinq spécialités : dermatologie, pédiatrie, ORL, cardiologie et hématologie/oncologie. Ses recommandations portent sur huit points.

1. Indications. Le traitement par le propranolol s’adresse aux nourrissons dont le HI comporte

- un risque vital et/ou fonctionnel en raison de son siège,
- une ou plusieurs ulcérations,
- un risque de séquelle esthétique majeure.

2. Contre-indications. Du fait de ses propriétés anti-adrénergiques le propranolol est contre-indiqué en cas de bradycardie sinusale, de bloc auriculo-ventriculaire (supérieur au 1er degré), d’hypotension artérielle, d’insuffisance cardiaque et d’asthme bronchique.

3. Bilan pré-thérapeutique. Le bilan avant traitement est surtout clinique. Au plan cardiaque, l’ECG est restreint aux cas de fréquence cardiaque basse pour l’âge, d’ antécédents familiaux de troubles du rythme ou de la conduction cardiaque, de lupus chez la mère ; l’échocardiographie n’est pas nécessaire si l’examen du cœur est normal.

4. Cas particulier du syndrome PHACE (Posterior fossa brain malformations, large facial Haemangiomas, anatomical anomalies of the cerebral Arteries, aortic coarctation and other Cardiac anomalies, and Eye abnormalities). Le risque d’accident ischémique cérébral n’interdit pas a priori le propranolol au cours du syndrome PHACE, mais il justifie :

- un bilan pré-thérapeutique avec une angio-IRM cérébrale et une consultation de cardiologie, - et des précautions thérapeutiques : initiation en hospitalisation, surveillance neurologique, dose minimale efficace en 3 prises quotidiennes (pour réduire les variations tensionnelles).

5. Posologie. La dose efficace est en moyenne de 2 mg/kg/jour (extrêmes : 1-3).Elle doit être atteinte progressivement et administrée en 3 prises.

6. Mise en route. Une hospitalisation pour la mise en route du traitement ne s’impose que chez les patients de moins de 8 semaines.

7. Monitorage. Lors de l’introduction du médicament et d’une augmentation de dose, il suffit de mesurer la fréquence cardiaque et la pression artérielle à H0, H1 et H2.

8. Prévention de l’hypoglycémie. Il est conseillé d’administrer le propranolol juste avant une tétée ou un repas, et de l’interrompre en cas de maladie intercurrente, surtout si les apports caloriques sont diminués

Faute de « preuves » toutes ces recommandations sont discutables. Elles n’ont d’ailleurs pas été avalisées par l’American Academy of Pediatrics. En France, le bilan pré-thérapeutique et le monitorage du traitement sont en général plus lourds, la dose quotidienne est donnée en deux prises et l’asthme bronchique est un effet secondaire plus redouté. Cependant, la lecture du rapport de la conférence de consensus peut aider à affiner les protocoles thérapeutiques en attendant la publication des résultats d’essais contrôlés randomisés, comme l’essai de phase II/III HEMANGIOL.

Dr Jean-Marc Retbi

Référence
Drolet BA et coll. : Initiation and use of propranolol for infantile hemangioma : report of a consensus conference. Pediatrics 2013 ; 131 : 128-140

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Vos réactions (2)

  • Oubli des équipes françaises

    Le 05 mai 2013

    Intéressant mais dommage de ne pas citer les équipes françaises à l'origine de la découverte de l'effet thérapeutique du propranolol sur les hémangiomes, et de mettre en avant les recommandations américaines. Décidément, nul n'est prophète en son pays.

    F Ceccato

  • La réponse de la rédaction

    Le 05 mai 2013

    Dès le mois de juin 2008 nous avions fait état dans le Jim des premiers travaux de l’équipe de Bordeaux du Dr Christine Léauté-Labrèze qui portait sur 11 enfants. (http://www.jim.fr/e-docs/00/01/8A/96/document_actu_med.phtml).
    Nous avions d’ailleurs décerné un Jim d’or à cet article.
    Depuis cette date nous avons publié pas moins de 13 autres articles abordant les résultats obtenus avec ce traitement par d’autres équipes dans le monde ou tout récemment lors des JDP 2012 par l’équipe bordelaise sur 219 enfants.
    La rédaction

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