
Pour recevoir ces embryons congelés en avril 1992, les
Ridgeway ont fait appel au Centre National de don d’embryons, une
organisation à but non lucratif basé dans le Tennessee qui se
propose de « donner une chance de vivre aux embryons congelés
». En effet, lorsqu’un couple a recours à la procréation
médicalement assistée, il dispose généralement d’embryons
surnuméraires, qu’il peut choisir soit de conserver pour les
utiliser plus tard, soit de détruire, soit de les donner à la
recherche médicale. Les parents génétiques des embryons dont sont
issus Lydia et Timothy les ont donnés au Centre National de don
d’embryons en 2007, après les avoir conservés pour eux-mêmes
pendant 15 ans.
Qu’il est grand le mystère de la PMA !
Le Centre national de don d’embryons ne se cache pas d’être
une organisation chrétienne conservatrice, qui estime que la vie
débute à la conception et qui n’accepte d’aider que les couples
hétérosexuels mariés depuis au moins trois ans. Le Centre parle
ainsi d’« adoption d’embryon », tout en reconnaissant que ce
processus n’est pas légalement une adoption. Des convictions
partagées par les parents Ridgeway, comme cela se ressent assez
vite dans leurs déclarations. « Nous avons toujours pensé que
nous aurions autant d’enfants que Dieu voudrait bien nous donner
» explique ainsi Philip Ridgeway.
Dès qu’ils sont entrés en contact avec le Centre national de
don, le couple Ridgeway a exprimé la volonté de recevoir les
embryons « qui avaient attendu le plus longtemps ». «
Nous savions que nous pouvions faire confiance à Dieu pour faire
tout ce qu’il avait décidé souverainement » se justifie de
façon assez cryptique le père.
Après près de 30 ans d’attente, les embryons sont décongelés
le 28 février dernier. Sur cinq embryons au départ, seuls trois
sont encore vivants. Les médecins recommandent alors à Rachel
Ridgeway de ne se faire implanter que deux embryons, pour limiter
le risque de grossesse multiple. Pas question pour cette chrétienne
convaincue. « Ils m’ont montré une photo de mes trois enfants
» dit-elle en sortant une image des trois embryons, « je
devais tous les avoir ».
Hibernatus
L’intervention a lieu le 2 mars et seuls deux implantations
sur trois ont réussi. Le 31 octobre, après 30 ans d’attente (mais
quelques semaines d’avance sur le terme), Lydia et Timothy voient
enfin le jour. Le précédent record de congélation d’embryon
appartenait à Molly Gibson, une petite fille née d’un embryon
congelé 27 ans auparavant, qui avait battu le record établi par sa
sœur Emma, née après 24 ans d’attente. Là encore, les embryons
étaient détenus par le Centre national de don d’embryons.
Selon les experts, il n’existe en théorie aucune limite de
durée pendant laquelle des embryons peuvent être congelés. « Si
vous congelez un embryon, le processus biologique se met quasiment
à l’arrêt et il n’y aucune différence entre le congeler une
semaine, un mois, une année ou une décennie » explique le Dr
John Gordon, qui a accompagné les Ridgeway durant ce processus de
PMA. La survie de l’embryon est bien plus déterminée par l’âge de
la mère receveuse (en l’occurrence 24 ans) que par la durée de
congélation.
En France, le don d’embryons est gratuit et anonyme et en
principe limité aux couples qui souffrent de double infertilité ou
qui risque de transmettre une maladie génétique à leur enfant. Aux
Etats-Unis, libéralisme oblige, l’opération est ouverte à tous,
mais peut s’avérer onéreuse. Les Ridgeway ont ainsi dû débourser
plus de 10 000 dollars pour battre cet étonnant record.
Nicolas Barbet