Qui pourrait sauver le droit à l’avortement aux Etats-Unis ?

Boston, le samedi 14 mai 2022 – La révélation par la presse américaine, le 2 mai dernier, que la Cour Suprême des Etats-Unis, plus haute juridiction du pays, pourrait bientôt revenir sur sa célèbre jurisprudence « Roe v. Wade » et mettre fin à la protection constitutionnelle du droit à l’avortement, a suscité une vive inquiétude chez des millions de femmes américaines.

Nombreuses sont celles qui craignent de voir leur droit à pratiquer l’IVG réduit voire supprimé, notamment dans les Etats les plus conservateurs du pays. Elles ne peuvent désormais plus compter sur les juges pour protéger leurs droits, ni sur les politiciens démocrates, qui rechignent à adopter une loi fédérale sur l’avortement.

Mais il reste un espoir pour les femmes américaines : le Diable en personne.

Une religion comme une autre aux Etats-Unis

Créé en 2012, The Satanic Temple (TST), organisation sataniste qui compte plus de 100 000 adeptes à travers les Etats-Unis, lutte en effet depuis plusieurs années pour le droit à l’avortement. Leur siège est la ville de Salem aux Massachussets, connu pour avoir été le théâtre du procès et de l’exécution de vingt personnes accusées de sorcellerie en 1692.

Dans ce temple, pas question de messe noire ou de sacrifices. Bien qu’ils en reprennent la symbolique (nombre de la bête, pentagramme, statue de la créature occulte Baphomet…), les membres du temple ne sont pas de réels satanistes. Leur but : promouvoir la libre pensée et la laïcité en parodiant les religions, bien trop prises au sérieux aux Etats-Unis selon eux. « Notre mission est d’encourager l’empathie et de combattre l’autoritarisme et l’injustice ». On est loin du monstre mangeur d’âmes des peintures de la Renaissance.

La technique de ces militants consiste à retourner contre elles les lois protégeant la liberté de religion. En effet, aux Etats-Unis, les citoyens peuvent invoquer la liberté de conscience, garantie par la Constitution, pour ne pas respecter certaines règles heurtant leurs convictions (par exemple, les Amérindiens sont autorisés à consommer du peyotl, un hallucinogène illégal, pour leur cérémonie religieuse).

Par ailleurs, la conception américaine de la laïcité interdit de distinguer entre les croyances « sérieuses » et les religions parodiques. Le temple de Satan s’est donc fait officiellement reconnaitre comme une organisation religieuse par le gouvernement fédéral en 2019 (ce qui l’exempte de taxes !).

L’avortement, un rituel sataniste ?

Dès lors, les adorateurs de Belzébuth invoquent leurs convictions satanistes pour échapper aux lois restreignant l’avortement, de la même manière que les chrétiens fondamentalistes invoquent leur religion pour ne pas respecter certaines lois sur la contraception.

Depuis septembre dernier, le TST a ainsi engagé un bras de fer juridique contre l’Etat du Texas, qui a limité le droit à l’avortement aux six premières semaines de grossesse. Pour ces satanistes, la loi du Texas entre en contradiction avec « le rituel satanique de l’avortement » et avec le dogme sataniste selon lequel « le droit inviolable à disposer de son corps inclut le droit de pratiquer un avortement ».

Les procédures judiciaires intentées par ces sympathiques satanistes n’ont pour l’instant pas été couronnés de succès. Mais les adeptes de Lucifer ne désespèrent pas de porter leur cause devant la Cour Suprême qui, à défaut de voir dans le droit à l’avortement un principe garanti par la Constitution, pourrait le protéger sur la base de la liberté de religion. On pourra se désoler qu’outre-Atlantique, les droits des femmes soient mieux protégés par Lucifer que par les juges ou la loi.

Nicolas Barbet

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