
« Le rythme d’évolution des dépenses consacrées à
l’imagerie est difficilement soutenable ». Voilà, résumée en
une phrase, la teneur du rapport de la Cour des Comptes sur
l’imagerie médicale, qui fait partie de l’évaluation globale des
dépenses de la Sécurité Sociale rendue ce mardi. Fidèles à leur
rôle de gardien de la rigueur budgétaire, les magistrats de la Rue
Cambon demandent au monde de l’imagerie de participer à l’effort de
retour à l’équilibre des dépenses sociales.
Tout part du constat suivant : les dépenses d’imagerie
médicale en ville ont augmenté de 5,9 % entre 2017 et 2019 et de
5,6 % entre 2019 et 2021 pour atteindre 4,8 milliards d’euros par
an (les dépenses d’imagerie à l’hôpital n’ont pas pu être évaluées
pour des raisons comptables). Si les échographies constituent le
premier poste de dépense (1,4 milliard d’euros en 2021), ce sont
les actes d’imagerie lourde (IRM, médecine nucléaire,
scannographie) qui entrainent la hausse des coûts.
Revoir la tarification de fond en comble
Si la Cour a conscience que la demande en imagerie augmente et
que l’innovation foisonnante de cette spécialité engendre des couts
importants, elle estime que c’est surtout un manque d’encadrement
de la tarification qui est la cause de cette hausse continue des
dépenses. Pour les auteurs du rapport, le protocole de régulation
des dépenses d’imagerie médicale conclu en 2018 entre l’Assurance
maladie et la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR)
n’a pas porté ses fruits et a en tout état de cause cessé d’être
appliqué en 2020.
La Cour considère nécessaire de mettre en place, en accord
avec les représentants des radiologues, un protocole prix/volume,
similaire à celui appliqué aux biologistes médicaux, «
compatible avec une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes
de la branche maladie ». Le rapport rappelle également que si,
en principe, c’est à la Cnam de fixer le montant des « forfaits
techniques » que les radiologues peuvent facturer, son travail
est rendu impossible par le fait qu’elle n’a pas accès aux données
comptables des exploitants d’appareil d’imagerie.
La Cour demande donc qu’il soit imposé aux radiologues une
obligation de collaboration avec les inspecteurs de la Cnam chargés
d’établir ces forfaits techniques. Des efforts doivent également
être faits pour mieux évaluer la pertinence de certains actes
d’imagerie.
Un parc de qualité…inégalement réparti
Le rapport de la Cour propose également une analyse du parc
d’appareils d’imagerie en France, qui croit à une vitesse
importante : + 32 % d’appareils d’IRM entre 2015 et 2020, + 39 %
d’appareils de tomographie par émission de positons (TEP), + 18 %
pour les scanners. Si la France a un nombre d’appareils moindres
que les autres pays de l’OCDE (17 IRM par millions d’habitants
contre 27 en moyenne), elle dispose en revanche d’un parc
d’équipements plus moderne qu’elle utilise plus intensément.
Le comité européen de l’industrie radiologique (Cocir)
considère ainsi que le parc français est l’un des meilleurs
d’Europe pour les IRM, les scanners et les appareils à TEP.
Cette qualité du parc français cache une grande disparité
géographique : la densité d’appareils par département varie du
simple au triple pour les scanners et du simple au quadruple pour
les IRM. Le délai d’attente moyen pour un scanner serait ainsi de
19,5 jours en Ile-de-France contre 70 jours dans les Pays de la
Loire.
Enfin, la Cour s’inquiète des difficultés du secteur public de
l’imagerie, concurrencé par un secteur privé qui offre des
rémunérations très élevées et de meilleures conditions de travail :
seulement 22 % des radiologues exercent dans le public et 46 % des
postes de radiologues sont vacants à l’hôpital public. Pour
remédier à cela, la Cour estime qu’il est temps de conditionner
l’autorisation d’exercer aux radiologues privés à leur
participation à la permanence des soins. Une proposition qui ne
devrait pas manquer de faire réagir les syndicats
représentatifs.
Quentin Haroche